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« Dans le domaine du logement, les Sri-lankais se doivent d’accueillir ceux qui n’ont pas de

logement. Il s’agit là d’une obligation morale, le contre-don à l’aide qu’ils ont eux-mêmes reçue à leur arrivée en France. Celui qui est hébergé entre à son tour dans le cycle de la dette envers ceux qui l’accueillent et envers la communauté dans son ensemble, mais les termes de l’échange ne sont pas toujours équitables pour les nouveaux venus lorsqu’ils se voient contraints de rendre au prix fort l’aide obtenue » (Percot & Robuchon, 1995 : 4).

Les trajectoires résidentielles sont elles aussi bien évidemment liées aux trajectoires migratoires et professionnelles. Car si l’entre deux gares était bien équipé pour accueillir les jeunes hommes seuls qui arrivèrent dans les 1970 et 1980, il comporte peu de logements destinés à accueillir des familles. Au fur et à mesure que la communauté sri lankaise grandissait, il y a donc eu un départ vers la banlieue où l’on a la possibilité d’habiter une maison individuelle ou un appartement plus vaste pour un moindre coût, pour un moindre loyer.

Les premiers émigrés Tamouls du Sri Lanka ont d’abord habité des chambres de bonne71 avant de louer progressivement des logements dans les arrondissements moins onéreux de la capitale tels que les 10ème et 18ème arrondissements. Au moment du regroupement familial72, le logement, autrefois loué par plusieurs hommes, s’est organisé autour du couple et des enfants. Ceci est d’autant plus vrai à partir du milieu de la décennie 1990. Car ce n’est qu’à partir de 1993 que la loi inscrit le droit au regroupement familial dans l'ordonnance du 2 novembre 1945. Et, ce n’est qu’à partir de 1998 que les familles de réfugiés et apatrides, ont droit au regroupement familial sans condition de ressources et de logement.

Texte 13 - Trajectoires résidentielles73

- Interviewer : «

Quand êtes-vous arrivé en France ? Et dans quelles

circonstances ?

».

- Interlocuteur : «

Je suis arrivé en France en 1983, j’étais jeune, et mon

père m’avait donné l’adresse d’un ami à nous qui pouvait m’héberger. Je

suis arrivé seul, par des chemins pas trop réguliers

».

- Interviewer : «

Où avez-vous logé et où logez-vous maintenant ?

».

- Interlocuteur : « L’ami de mon père avait un logement pas très loin d’ici, dans le 18ème, dans la rue Marcadet. On était nombreux à habiter par là-bas, rue Marcadet et rue des Poissonniers. Je suis resté dans le quartier le temps d’apprendre le français et de trouver un travail, après j’ai bougé vers le 14ème. Maintenant, depuis que je suis marié, je loue un appartement beaucoup plus grand en banlieue, à la Courneuve ».

« Au cours des années les plus récentes (depuis 1995 environ), le 18ème arrondissement est devenu le cadre d’un “turnover” résidentiel, lieu de passage des primo-arrivants, qu’ils soient demandeurs d’asile ou familles rejoignantes de réfugiés, les anciens laissant la place aux nouveaux venus » (Percot & Robuchon, 1995 : 6).

71 Lorsqu’ils étaient employés de maison – emplois principalement occupés par la première vague d’arrivées –, dans les quartiers bourgeois de Paris (15ème, 16ème et 17ème)

72 Le regroupement familial est la procédure qui permet au ressortissant étranger régulièrement installé en France d'être rejoint, sous réserve de remplir certaines conditions, par les membres de sa famille proche (son conjoint majeur et ses enfants mineurs) et de mener une vie familiale « normale » sur le territoire français.

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Dans le 18ème arrondissement, les conditions de logement sont précaires. Les logements sont souvent peu confortables et insalubres. C’est particulièrement vrai pour les rues Philippe de Girard, la rue du Département, et la rue Caillié. L’ensemble de ces rues est concerné par des opérations de réhabilitation (au numéro 27 de la rue du Département) et de construction de logements (du numéro 1 à 11 et 6 à 8 de la rue Caillié)74. Ces interventions publiques entrent dans le cadre de Conventions Publiques d’Aménagement (CPA), comme celles de la SIEMP (Société Immobilière d’Economie Mixte de la ville de Paris). Cette mission « d’éradication

de l’insalubrité » selon leurs propres mots, confiée à la SIEMP par la ville de Paris concerne

74 Dès 2001, la ville de Paris a lancé, en étroite collaboration avec la municipalité du 18ème, un plan de résorption de l’habitat insalubre, déployant différents outils,aussi bien sur le parc immobilier public que sur des parcelles privées, pour répondre efficacement à chaque situation.

Planche photographique 4 - Projets de réhabilitation et lutte contre l’insalubrité : un risque de gentrification ?

Ces opérations de réhabilitation s’inscrivent dans la dynamique de résorption de l’habitat insalubre impulsée par la municipalité depuis quelques années. En ce qui concerne l’îlot Caillié, elle doit permettre la réalisation de 145 logements répartis en logements aidés et un projet de logements libres type loi Besson. Il est à craindre que les classes aisées qualifiées par l’oxymoron de bourgeois-bohèmes s’installent dans ces nouveaux logements, générant un processus de gentrification.

162 immeubles dans le 18ème arrondissement75. Selon la situation, la SIEMP a retenu deux modes d’action :

 L’aide financière technique et administrative aux copropriétaires pour leur permettre de réhabiliter eux-mêmes leurs biens (62 adresses dans le 18ème).

 L’intervention directe sur la parcelle en prenant en charge toutes les opérations préalables pour protéger les habitants et réhabiliter les immeubles ou reconstruire si nécessaire (100 adresses dans le 18ème).

Au-delà de l’insalubrité, la proximité des commerces, des compatriotes, celle des transports en commun et des écoles, sont appréciées. Cette recherche de proximité se traduit d’ailleurs dans l’espace par des “regroupements” dans des immeubles vétustes, par exemple dans les rues Philippe de Girard, Marcadet, Poissonniers et Caillié. Les conditions de logements pour les nouveaux arrivants semblent identiques en banlieue (La Courneuve, Bobigny, Pantin, Montreuil et Saint-Denis), tout au moins dans les premières années. Nous devons aussi ajouter que les Tamouls sont peu présents dans les logements sociaux du fait des conditions d’accès – les familles tamoules n’ont souvent pas les ressources suffisantes – et de leur focalisation sur Paris et le rejet de certains quartiers. Tout cela est peu compatible avec une offre déjà très limitée.

Ainsi, la dissociation entre lieu de résidence et lieu d’approvisionnement s’établit lorsque les familles s’agrandissent. La venue des enfants et particulièrement leur scolarisation génère de nouvelles stratégies en matière de logement.

Aujourd’hui le quartier ne compte qu’un faible pourcentage de résidents tamouls. Les nouveaux arrivants ont de cette manière la possibilité d’être hébergés en banlieue par des parents proches ou pas. Toutefois, même si l’on a une nette impression que ce quartier est majoritairement habité par des franco-français ou par des personnes originaires d’Afrique du Nord, certaines rues sont majoritairement habitées par des Tamouls (Rues Caillié, Philippe de Girard, Marcadet, Poissonniers et du Département).

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