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Caractéristiques de la population interrogée sur le terrain (Tamil Nadu et Île-de-France) :

Lieux d’investigation Type d’enquête

Île-de-France Tamil Nadu et territoire de Pondichéry

Qualitative (entretiens semi-directifs) 92 69

Quantitative (questionnaires) 192 170

Total 284 239

Âge et sexe des personnes interrogées :

Hommes Femmes Total

0-10 ans 30 22 52 10-14 ans 52 22 74 15-24 ans 99 18 117 25-49 ans 112 12 124 50-60 48 12 60 61 et + 92 4 96 Occupation : Activité Effectif

Employé (hors la Chapelle) 22

Commerce 98

Femme au foyer 24

Profession libérale 18

Etudiant + Lycéen + école élémentaire 199

Enseignement 12 Administration 34 Petit boulot 24 Retraité 92 Total 523 Appartenances religieuses :

Confession Hindous Chrétiens Musulmans Total

Les personnes rencontrées, au nombre de 5238, savaient que j’allais leur demander de me raconter leur vie, et plus particulièrement leurs conditions de départ, d’arrivée et d’installation en France. Cet exercice fut souvent difficile dans le cas des Tamouls sri lankais, souvent arrivés de manière illicite en France. Bien sûr en ce qui concerne les autres groupes tamouls, et plus particulièrement les descendants des engagés indiens, l’entretien était surtout axé sur la manière dont ils perçoivent leur identité, comment ils s’auto-définissent, et comment ils pensent que les autres – membres de la communauté tamoule, ou membres des autres minorités nationales ou non – les perçoivent (contribuant ainsi à leur hétéro-définition ou exo-définition). J’ai ainsi élaboré diverses manières de conduire mes entretiens en fonction de mes publics cibles : descendants des engagés indiens, Tamouls originaires de Pondichéry et Tamouls sri lankais.

Mais dans tous les cas, lors de l’entretien, j’annonçais deux centres principaux d’intérêts. Tout d’abord un portrait personnel, une sorte de profil sociologique, profil du jeu des positions sociales. Cette étape avait pour objectif de cerner le mode de vie et l’espace de vie de la personne afin d’adapter mes questions, mais aussi afin de prendre le temps d’instaurer une relation de confiance (qui a parfois débouché sur une grande amitié) et une expression spontanée. Ensuite, je faisais basculer la discussion sur des questions identitaires, de manière détournée, en se focalisant d’abord sur les lieux de la pratique religieuse, sur les pratiques d’approvisionnement (lieux, moments, méthodes), sur le type de relation avec le référent-origine, l’investissement dans des associations indiennes, tamoules ou françaises, les lieux parcourus quotidiennement…La question de l’identité tamoule et de ses modalités de gestion avec les autres références identitaires se posait d’elle-même dans la discussion.

Raconter à partir des récits :

Ces entretiens ont donné lieu à des transcriptions intégrales et systématiques permettant d’étudier en détail le discours délivré tout au long de la rencontre. Ce sont ces discours qui ont contribués à l’élaboration de mes hypothèses. Ils ont permis de prendre en compte l’importance de la consommation comme modalité de création d’une identité tantôt ethnique, tantôt diasporique selon les contextes de mobilisation. C’est pourquoi une grande partie du développement sera axée sur le quartier la Chapelle. Toutefois, ces mêmes entretiens ont

8 Cet échantillon nous paraît convenable et justifié, quand on sait que la population mère est évaluée à 100 000 personnes.

rendu indispensable le fait de dépasser ces territorialités car derrière ces pratiques d’approvisionnement, il existe un réseau complexe d’organisations religieuses, culturelles, politiques, professionnelles qui connecte simultanément chaque tamoul l’un à l’autre et au référent-origine.

La rédaction laisse en grande partie la parole aux personnes interrogées9. Ces récits ne sont pas seulement restitués, ils sont mis en ordre et permettent de raconter, au-delà des propos de leur locuteur, ce que signifie être tamoul en France et révèlent la difficile acception du terme tamoul, qui se réfère selon les contextes à une identité politique, religieuse, ethnique ou encore à une somme de faits culturels.

Ces récits reconstituent des expériences parfois traumatisantes, et ouvrent la porte vers l’intériorité des individus qui s’expriment. Ils permettent de reconstituer ces trajectoires et voir de l’unité dans la multiplicité. Je dois aussi préciser qu’une grande part de mes interlocuteurs utilisaient le « nous » pour le « je ». Cela est sans doute à mettre en rapport, comme me l’a précisé un de mes interlocuteurs, que dans la langue tamoule, il n'existe pas de « je », en tant que pronom personnel non affixe. Aussi, n'est-il pas courant de parler de soi, car l'individu n'a d'existence reconnue que par rapport aux autres membres du groupe et aux autres castes.

2.3/ L’interaction scalaire : un parti pris.

Au gré de ces récits, un dernier élément m’est apparu indispensable pour enquêter sur la diaspora tamoule : l’interaction scalaire ; le brouillage des échelles plus que l’emboîtement ou encore l’articulation des niveaux d’analyse.

En effet, je me suis vite rendu compte que les Tamouls peuvent activer différents niveaux spatiaux – local, urbain, national, mondial, transnational – et ainsi construire un nouveau territoire-réseau flexible, à savoir la diaspora multiterritoriale elle-même.

L’interaction scalaire devient alors une nécessité pour comprendre ces reconfigurations spatiales. C’est de là d’ailleurs que vient la complexité de toute étude portant sur les

9 Pour plus de clarté, les récits insérés dans le texte ont été écrits à l’aide d’une autre police. Lorsque le nom n’est pas mentionné c’est qu’il émane de la volonté de notre interlocuteur. Vous pourrez donc lire plusieurs passages de ces dialogues entre interviewer et interlocuteur.

diasporas. On constatera à de multiples reprises au cours de ce développement, que la notion de glocalisation exprime au mieux cette interaction. Cette inclusion du lieu (le local) dans le monde (le global), et du monde dans le lieu intervient quotidiennement pour ces populations. Le global et le local sont non seulement interpénétrés mais aussi interdépendants. Tout cela va déterminer des jeux identitaires, entre polyvalence et ambivalence où celle-ci agit comme un levier essentiel d’affirmation et d’émergence d’un territoire. Mais à quelle échelle de lecture ? De la même manière, ayons à l’esprit que territoire et construction identitaire s’articulent sur une double logique et dynamique d’organisation spatiale de type pavage (liens de type horizontaux) et/ou réticulaire (liens de type verticaux).

Cette introduction, précédée de son préambule, a soulevé un grand nombre de questions par rapport à la formation du concept de diaspora. Postuler son existence dans le cas tamoul permet d’orienter la recherche et surtout d’organiser mon développement La première partie sera consacrée à l’analyse des diverses trajectoires spatio-temporelles des Tamouls concourant à leur mise en diaspora. Les deux autres parties quant à elles illustreront cette dialectique majeure de l’ancrage et du mouvement qui caractérise la diaspora tamoule. De cette manière, la deuxième partie analysera les inscriptions territoriales et les territorialités des Tamouls en Île-de-France en faisant la distinction entre lieux de résidences et implantations commerciales. La dernière partie s’interrogera sur ce que signifie être tamoul en France, et organisera la réflexion sur les différents registres de l’ethnicité et les modalités d’intégration socio-spatiale de ces communautés. Mon développement est ainsi découpé en trois parties comportant au total sept chapitres.