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Acculturation et assimilation : principes de fonctionnement

Projet moderne, projet colonial ; universalisme et assimilation versus décolonisation et

1/ Assimilation, citoyenneté et nationalité

1.1/ Acculturation et assimilation : principes de fonctionnement

Les concepts de métissage, d’hybridation, de recomposition, d’acculturation et d’assimilation cherchent à spécifier l’organisation liée au contact entre deux systèmes culturels et les modes opératoires de ce processus d’échange dans lequel se joue la complexité humaine. Je vais m’attacher à analyser les processus d’acculturation initiés par la population tamoule pendant la période coloniale (engagés tamouls des plantations et Tamouls de Pondichéry). Il s’agit de déterminer les processus de l’échange culturel entre des paradigmes ou référentiels divergents, en ayant en tête que ce processus est composé de deux mouvements distincts : la diffusion et la réception. C’est dans l’écart entre les deux que s’élabore une culture propre. Ainsi, ce qui est intéressant à comprendre et à observer c’est ce qu’incorporent les individus et comment ils vivent leur identité eux-mêmes. La valeur du concept d’acculturation réside dans le processus dynamique qu’il exprime. Ce processus est fonction du temps et par là même des généalogies.

continu entre différents individus ou groupe d’individus, entraînant la modification des modèles culturels initiaux de l’une ou de l’autre des communautés. Il exprime une sorte d’action-réaction qui procède des différentes situations de domination et de subordination présents dans tout contact. La sélection des éléments à emprunter ou la résistance qui s’opère, les formes d’intégration de ces éléments dans la culture d’origine et les mécanismes psychologiques en faveur ou en défaveur d’un tel processus sont exprimés dans l’acculturation. Par exemple, l’insertion des coolies indiens dans le système très contraignant de la plantation a exercé un véritable broyage sur les institutions indiennes qui sont incompatibles avec les plantations. La caste, l’unité résidentielle, le calendrier religieux, tout contraint à entrer dans le moule de la plantation. Dans ces conditions, on aurait pu s’attendre à une assimilation rapide des Indiens.

Mais, ce ne fut toutefois pas le cas : « […] Les Indiens ont peu a peu acquis de la terre et ont

reconstitué non seulement une paysannerie mais aussi une société qui a bien des égards (famille, castes, religion, organisation territoriale) réincarne la société indienne, au prix de quelques érosions » (Benoist, 1998 : 26).

L’acculturation est donc un processus complexe qui détaille les différentes étapes du processus d’interpénétration des cultures. En tant que cadre explicatif d’une situation de rencontre interculturelle, il se décline selon plusieurs formes : une période de déconstruction, puis de réinterprétation et à terme une assimilation (qui n’est jamais complète, il s’agit là d’une illusion).

Pour illustrer mon propos : tout processus d’acculturation débute forcément par la découverte de traits culturels issus d’un autre groupe. En réponse à cette confrontation, plusieurs réactions entremêlées peuvent s’entrevoir. Lorsque la période de découverte et même souvent d’opposition est dépassée, on assiste rapidement à une phase de déconstruction de la culture d’origine. À celle-ci succède une phase de reconstruction ; mais toutes deux sont en réalité le principe même d’évolution de n’importe quel système culturel.

En effet, dans ces îles à sucre de la Caraïbe, « l’hindouisme s’est trouvé dans une situation de

défi, face à une société imprévisible, dans des contacts inattendus, il a été ballotté entre des forces contradictoires et il y a répondu, en trouvant des voies qui tout en le transformant lui ont permis de survivre18 » (Benoist, 1998 : 19). Ainsi, cette phase de déconstruction permet de

saisir les traits culturels plus superficiels qui peuvent se transformer facilement et montre que

18

la « déculturation » n’est pas obligatoirement un phénomène négatif. Car elle peut agir comme cause de reconstruction de nouveaux apports culturels. Il n’y a qu’à songer à ce patrimoine « d’hindouismes créoles » (Benoist, 1998) des caraïbes et de la Réunion qui permettent de recentrer l’indianité.

Figure 5 - Principes des rencontres culturelles

Cependant, dans la plupart des cas, la phase de déconstruction n’est que la phase normale d’évolution de la culture dans son dynamisme jamais interrompu et prépare une phase plus ou moins importante de recomposition culturelle. On assiste alors à une véritable mutation de la culture d’origine où la discontinuité l’emporte sur la continuité, pour parvenir ainsi, dans le processus d’acculturation, à l’élaboration d’une culture métisse, un syncrétisme culturel qui

utilise le principe de réinterprétation. Celle-ci est caractérisée par la fusion des valeurs des deux systèmes culturels qui se rencontrent, pour donner un nouveau contenu original. Cette constitution syncrétique dépend de l’intérêt du peuple pour la nouvelle culture et les conditions de sa rencontre.

Lorsqu’un individu acquiert des éléments composites de deux cultures et qu’il se trouve confronté successivement aux deux milieux, il arborera alors deux comportements distincts en réponse aux contraintes externes. Il interprétera les éléments culturels, voir les réinterprétera en fonction de la situation présente. La réinterprétation étant un processus par lequel d’anciennes significations sont attribuées à des éléments nouveaux ou par lequel de nouvelles valeurs changent la signification culturelle de formes anciennes.

Ce phénomène n’est pas une perte culturelle sans compensation mais plutôt une continuité, un enrichissement cohérent de l’identité. C’est ainsi que la coolitude est un espace culturel intermédiaire entre indianité et non indianité, elle est le lieu d’une double participation, où les contrastes trop absolus se résolvent dans des combinaisons initialement imprévisibles. Elle est un espace où se rencontrent l’indianité et la créolité. Indianité diffuse et changeante dont le môle de résistance est l’hindouisme, car même s’il est possible de se dégager de l’Inde, il est rare d’en effacer la marque. Le sacré indien se perpétue à travers les changements. De sorte que la discontinuité est plus à rechercher du côté des généalogies. Car cette réinterprétation est superficielle ou périphérique et n’a la capacité de toucher le centre, le noyau dur qu’à partir d’une certaine épaisseur temporelle. Entendons par noyau dur, la personnalité, les structures perceptives, logiques et affectives ; et par périphérie la diffusion d’un trait culturel, la propagation d’un mythe, le changement de rituel.

Dernier principe de fonctionnement de l’acculturation : l’assimilation. Elle se réaliserait lorsque les membres de la culture dominée se confondent avec la culture dominante en faisant disparaître les traits culturels qui pourraient contrevenir à l’hégémonie et au fonctionnement de la culture dominante. Ceci se traduit par des transformations formelles et matérielles et par un sens du monde bousculé par cette nouvelle donnée.

Ce terme n’est pas neutre et repose sur des philosophies politiques coloniales. En effet, l’assimilation se définit comme la pleine adhésion par les colonisés aux normes de la société d’accueil, l’expression de leur identité et leurs spécificités socioculturelles d’origine étant cantonnée à la seule sphère privée.

Ainsi, l’assimilation est l'absorption culturelle d'une personne ou d’un groupe minoritaire par le groupe culturel dominant ; c’est devenir identique ou semblable. C’est être incorporé. De sorte que la communauté, entendue comme nationale, remplace l’identité culturelle originale par celle du groupe dominant. Par ailleurs les phénomènes d’assimilation comportent plusieurs degrés entre la parfaite adhésion aux schèmes de la culture originelle et son adhésion aux schèmes d’une autre culture. Ces degrés sont fonction des idéologies véhiculées par les différentes instances de socialisation de la culture dominante.

Quant au rôle joué ici par l’école de la 3ème république : la fréquentation scolaire progressivement devenue obligatoire et de plus en plus longue, d’autant plus chargée de valeurs qu’elle apparaît comme le moyen de participer à la vie collective et de s’élever dans la hiérarchie sociale, contribua puissamment à homogénéiser les populations nationales. En France, l’école instituée par Jules Ferry et la mythologie qui l’accompagnait – l’élitisme républicain – contribuèrent à acculturer les populations notamment celles qui se pensaient en terme de diaspora pour un temps seulement.

Finalement l’assimilation est une forme poussée de syncrétisme, dans laquelle les valeurs sont totalement incorporées par les deux parties et sans qu’aucune ne ressente un manque ou ne se considère dépossédée d’un patrimoine historique. L’assimilation sociale et culturelle se caractérise par la possibilité donnée au nouveau sujet de jouer un rôle actif dans sa nouvelle société. Mais, cette transformation intérieure de l’individu, faisant faire le deuil d’un passé parfois riche de valeurs et de tabous, ne se déroule pas toujours de façon harmonieuse. Et la condition de ce rôle est déterminée d’abord par la citoyenneté, et ensuite par la nationalité, qui sont toutes deux conçues comme un engagement sans retour.

C’est pourquoi je veux analyser maintenant les conditions de l’assimilation à Pondichéry par l’expérience de la démocratie.