• Aucun résultat trouvé

2.1.1. Constat 1 : les parcours de carrière sont encore trop cloisonnés

Les cadres supérieurs de l’État interrogés en juin 2021 ont pour partie une perception critique des parcours de carrière dans la fonction publique d’État :

36 % considèrent les parcours comme rigides, cloisonnés et uniformes. Ils les qualifient aussi de complexes, trop lents, pas assez interministériels et peu méritocratiques ;

d’autres, moins nombreux (21 %), les qualifient de riches et variés.

L’analyse détaillée de cette perception fait apparaitre quelques variations :

Les cadres les plus jeunes (moins de 40 ans) expriment plus nettement le besoin d’améliorer la gestion des ressources humaines (48 % vs. 39 % pour les plus de 40 ans). Le sentiment de rigidité et de manque de transparence des parcours est plus manifeste pour eux (46 %) que pour leurs aînés (41 %). A contrario, les plus de 40 ans soulignent le caractère insuffisamment méritocratique des parcours (21 % vs. 14 % pour les moins de 40 ans).

Plus d’un contractuel cadre supérieur sur deux (54 %) est en attente d’améliorations sur la gestion des ressources humaines (39 % chez les cadres en emplois fonctionnels et 42 % chez les autres cadres supérieurs). Ils se montrent plus insatisfaits sur la rigidité et le cloisonnement des parcours (51 %) et font davantage état de parcours inégalitaires (29 % vs. 4 % des autres répondants).

L’analyse individuelle des parcours fait apparaitre 42 % de satisfaction globale (parcours positif et conforme aux attentes) et 18 % de cadres soulignant le caractère aléatoire de leur parcours.

Encadré 2 : focus sur les mobilités

Dans la consultation en ligne, parmi les 3 969 répondants déclarant avoir déjà réalisé une mobilité au cours de leur carrière, ce sont les mobilités entre les services centraux et déconcentrés et inversement qui sont les plus nombreuses.

Les mobilités vers le secteur privé (17 %) et la fonction publique territoriale (13 %) sont moindres. Enfin, seuls 2 % de l’échantillon déclarent avoir déjà travaillé dans la fonction publique hospitalière (79 cadres).

17

Réponse à la question « Avez-vous déjà effectué des mobilités dans votre parcours ? »

Nombre de répondants : 3 969 (54%)

% de répondants – Un même répondant peut avoir apporté plusieurs réponses Concernant la population des directeurs d’hôpitaux, le Centre national de gestion en recense, au 1er janvier 2020, 168 en détachement dans la fonction publique d’État ou dans des organismes publics et 27 dans la fonction publique territoriale, sur un total de 2 936 directeurs en activité.

Source : consultation du ministère de la transformation et de la fonction publiques auprès des cadres supérieurs ; entretiens de la mission.

2.1.2. Constat 2 : les cadres rencontrent des difficultés concrètes à la réalisation de mobilités

Les difficultés à construire des parcours de carrière diversifiés et interministériels sont de plusieurs ordres :

(1) Transparence des postes

L’accès aux emplois supérieurs est jugé insuffisamment transparent (publication des fiches de poste, renforcement de l’information et de la communication…) et les procédures de sélection sont peu explicites (faible transparence sur les critères de sélection, peu de retours auprès des cadres sur les raisons de refus sur un poste…). Près de la moitié des cadres supérieurs de l’État interrogés7 considèrent que les procédures d’accès à l’emploi au sein de la fonction publique de l’État ne sont pas transparentes.

7 Consultation en ligne des cadres supérieurs de l’État, juin 2021.

18

«L'ABSENCE DE TRANSPARENCE SUR LA GESTION DES CARRIERES EST PARTICULIEREMENT INSECURISANT POUR LES AGENTS APPROCHANT DU NIVEAU DE RESPONSABILITE CORRESPONDANT

A L'ACCES A DES POSTES FONCTIONNELS : LE PASSAGE A CES POSTES EST SOUVENT CONSIDERE COMME ALEATOIRE OU DEPENDANT PLUS DU CORPS DE SORTIE QUE DE LA COMPETENCE8

(2) Freins aux mobilités

Les mobilités entre services centraux et déconcentrés se heurtent à des difficultés propres aux mobilités géographiques, en particulier l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle et les impacts conséquents en termes de rémunération9.

Les mobilités entre versants de la fonction publique sont limitées notamment par un défaut d’information sur les postes à considérer et les circuits à employer (absence de transparence ressentie sur les offres, difficultés à identifier les équivalences de postes entre les trois fonctions publiques). Les cadres expriment également une réticence à exercer dans une autre fonction publique par crainte de ne pas réussir à « revenir » dans leur fonction publique d’origine. Des règles de gestion spécifiques à certaines fonctions publiques, qui peuvent notamment générer des pertes de rémunération ou d’avantages en nature pour les agents en détachement dans une autre fonction publique10, constituent aussi un frein.

Les mobilités entre le secteur public et le secteur privé sont en particulier freinées par la faible connaissance mutuelle des réseaux professionnels de cadres du public et du privé, ainsi que par la difficulté à appréhender la portée exacte des règles de déontologie. Les délégués à l’encadrement supérieur des ministères identifient à cet égard des questions concrètes des cadres souhaitant réaliser une mobilité dans le privé, auxquelles ils ne sont pas toujours en capacité de répondre : « Comment faire valoir ses compétences dans le privé ? Dans quel type d’entreprises valoriser ses compétences ? etc. ».

Les projets de mobilité sont généralement faiblement anticipés et préparés lors d’entretiens / bilans de carrière pour accompagner la « prise de risque »11 ; certains d’entre eux sont par ailleurs peu valorisés voire défavorisent les cadres à leur retour dans leur administration d’origine (absence de valorisation des compétences acquises, « oubli » du gestionnaire RH…). Les cadres en

8 Sélection de verbatim issus de la consultation précitée ; ces verbatim ont un caractère illustratif et ne visent pas la pleine représentativité de l’ensemble des propos exprimés dans la consultation.

9 À titre d’exemple, le plan d’action pour la Seine-Saint-Denis annoncé en 2019 par M. Édouard Philippe prévoyait une mesure « d’alignement sur les administrations centrales des régimes indemnitaires des services déconcentrés de l’État » pour favoriser les mobilités vers ce département.

10 Par exemple, pour les directeurs d’hôpitaux exerçant en dehors de leur fonction publique, la rémunération ne compense pas la perte du logement de fonction, notamment en Île-de-France.

11 Certaines mobilités spécifiques, notamment dans les territoires d’Outre-mer, sont par exemple de moins en moins attractives compte tenu de ce qu’elles impliquent en termes de complexité et de capacité à concilier vie personnelle et professionnelle.

19

détachement signalent par ailleurs un manque d’accompagnement de leur gestionnaire RH.

IL FAUT « ASSURER UN SUIVI DES CADRES EN DETACHEMENT.EN DETACHEMENT, JE NAVAIS PLUS ACCES AUX COORDONNEES DE CEUX GERANT MA CARRIERE, AUCUNE INFORMATION SUR LES

PROMOTIONS, AUCUN MOYEN DE FAIRE AVANCER MON ECHELON...»

(3) Freins managériaux

Le décloisonnement des parcours est en partie freiné par les réticences des recruteurs publics à nommer un profil externe au ministère ou à la direction sur un poste. Les entretiens menés par la mission font état de la nécessité d’accompagner les supérieurs hiérarchiques dans leur capacité à « oser » des recrutements en dehors des profils déjà connus. À l’inverse, les profils reconnus comme « potentiels » sont fortement incités à faire carrière au sein de leur ministère, participant d’un phénomène de rétention des cadres les plus performants, qui limite le brassage interministériel de cette population.

2.1.3.Constat 3 : le modèle actuel de parcours ne favorise pas les « temps de respiration » et fragilise les fins de carrière

Du fait de cet ensemble de constats, les parcours de carrière des cadres supérieurs se font encore en grande majorité au sein de leur périmètre ministériel initial et selon un schéma ascensionnel implicitement normé :

les cadres aux carrières ascendantes accèdent rapidement aux emplois fonctionnels et peinent à trouver un poste équivalent à leurs compétences après l’exercice de plusieurs emplois fonctionnels ou dirigeants ;

ces situations complexifient les fins de carrière, que les ministères peinent à accompagner : pertes de revenus à la sortie d’emplois fonctionnels, difficulté à valoriser sur une autre fonction l’expérience et l’expertise du cadre ou encore situation prolongée d’instance d’affectation.

Par ailleurs, ce schéma de carrière valorise principalement les trajectoires managériales sans organiser d’alternance entre des postes à responsabilités managériales et des postes d’expertise technique ou méthodologique (ex : experts de haut niveau, directeurs de projet12). L’organisation de parcours diversifiés et attractifs autour de postes opérationnels, stratégiques et d’expertise n’est pas suffisamment structurée.

12 À titre d’exemple, nombre d’organisations privées proposent, à côté des postes de dirigeants opérationnels à forte tonalité managériale, des postes de directeurs fonctionnels responsables de la coordination d’axes stratégiques forts de l’entreprise et rattachés à haut niveau (n-1 de COMEX, etc.) occupés par des cadres très expérimentés et assortis d’équipes réduites avec des profils de haut niveau.

20