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Des dopants électro-attracteurs : l’Or et l’Iridium

2. Etude bibliographique

2.4.4 Des dopants électro-attracteurs : l’Or et l’Iridium

2.4.4.1 L’Or

L’or seul est connu pour être très sélectif pour un grand nombre de réactions[72-74] mais il est également connu pour être en général bien moins actif que les catalyseurs « classiques » au Pt ou au Pd. Par contre, sous forme de très petites particules (3 nm) dispersées sur un support, il devient très intéressant en termes d’activité et de sélectivité pour l’hydrogénation des nitro-aromatiques,[75, 76] l'hydrogénation sélective du 1-3 butadiène en butène à 127-177°C, du crotonaldéhyde en majoritairement la butylaldéhyde à 227°C[77] ou encore, dans l'hydrogénation sélective de l'acétylène en éthylène[78] à des températures comprises entre 40°C et 250°C. En effet, la taille des particules d'or semble avoir une grande influence sur leurs propriétés catalytiques, par exemple, des particules de 3 nm à 6 nm supportées sur TiO2 sont actives et sélectives dans l'hydrogénation de l'acétylène en éthylène, alors que des particules de 30 nm sont totalement inactives.[79] En ce qui concerne la capacité des particules d'or à chimisorber l'hydrogène, des travaux anciens réalisés sur des surfaces monocristallines d'or (Au(110)) semblent indiquer que l'hydrogène n'est pas adsorbé avec dissociation,[80] par contre, des travaux plus récents[81] décrivent une adsorption dissociative activée de l'hydrogène sur les coins et les arrêtes de particules d'or de taille comprise entre 1,4 nm et 10 nm, supportées sur alumine.

Dans les travaux de Yuan et al.[82] un catalyseur NiAu/SiO2 est préparé par co-imprégnation de la silice dans une solution aqueuse d’éthylènediamine or et nickel, [Ni(en)3](NO3)2 et [Au(en)2]Cl3. Après imprégnation pendant une heure à température ambiante, le solide est séché sous vide à 100°C pendant deux heures. Le catalyseur ainsi préparé est chargé à 5 %pds en nickel et 1,6 %pds en or, soit 0,1 Au/Ni (rapport molaire total). Le catalyseur est exposé à l’air, puis réduit sous H2 à 330°C pendant quatre heures. Il est comparé au monométallique Ni/SiO2 préparé de même et chargé à 5 %pds en nickel. Les deux catalyseurs sont caractérisés par différentes techniques. D’après les mesures de thermodésorption programmée, pour le catalyseur Ni, un large pic de désorption est mis en évidence à 330°C, alors que pour le catalyseur NiAu, deux pics assez fins apparaissent à plus faible température, 312°C et 345°C, ce qui traduirait un caractère plus « réductible » du catalyseur NiAu/SiO2 par rapport au monométallique Ni/SiO2. En chimisorption d’H2, le

catalyseur NiAu adsorbe environ 47 fois moins d’hydrogène que le Ni seul. Par microscopie électronique, on mesure des tailles de particules comprises entre 1 nm et 6 nm pour le Ni/SiO2, et entre 10 nm et 150 nm pour le NiAu/SiO2 ! L’analyse EDS sur un échantillon de catalyseur bimétallique a révélé une composition très variable des particules en Au et en Ni, et a mis en évidence l’existence de particules monométalliques d’or et de nickel. Mais, si aucune preuve d’existence d’alliage Au-Ni n’est fournie, l’analyse TEM/EDS confirme que les deux métaux sont intimement liés au sein des particules. Enfin, les propriétés catalytiques de ces catalyseurs sont testées lors de la réaction de déchlorination du 2,4-dichlorophénol en réacteur continu à lit fixe, sous pression atmosphérique, à 200°C, pendant huit heures. Ce premier « cycle » de réaction est suivi d’une phase de régénération du catalyseur sous hydrogène pendant deux heures à 330°C. Ensuite, un deuxième cycle de réaction est conduit dans les mêmes conditions que le premier. Pour le premier cycle de réaction, l’activité du catalyseur NiAu est environ 2,5 fois supérieure à celle du Ni/SiO2, après régénération du catalyseur, l’activité du NiAu augmente alors que celle du Ni seul diminue ; l’activité du NiAu est 7 fois plus élevée que celle du Ni seul. Pour les auteurs, ce gain en activité et en stabilité du catalyseur obtenu par ajout d’or ne peut s’expliquer que par une synergie entre le nickel et l’or intimement liés à la surface de la silice : l’Au activerait la liaison C-Cl pendant que le Ni dissocierait la molécule d’H2.

Les travaux de Chin et al.[83] décrivent deux catalyseurs Ni/MgAl2O4 (à 8,8 et 15,8 %pds en Ni) préparés par imprégnation à sec du support puis calcinés sous air à 500°C pendant quatre heures. Ces catalyseurs ont été modifiés par imprégnation d’HAuCl4 (0,2 et 0,4 %pds d’Au sur catalyseur final) après réduction sous H2 à 700°C pendant deux heures, et passivation pendant une nuit, à température ambiante, par un courant d’O2 dilué à 1% dans l’He. A la suite de l’imprégnation par l’Au, les catalyseurs sont séchés à l’air, puis chauffés sous He à 200°C pendant au moins huit heures. D’après les mesures de chimisorption d’H2 réalisées sur les catalyseurs obtenus, les auteurs constatent que l’ajout de 0,2 % d’Au sur le catalyseur à 15,8 % de Ni, soit 10 µmol d’Au/gcat, entraîne une baisse de la quantité d’hydrogène chimisorbé de 65 µmol d’H/gcat., ce qui dépasse largement un simple effet de blocage de sites Ni par greffage d’Au. Les auteurs expliquent ce phénomène par un effet électronique de l’Au sur plusieurs sites Ni adjacents. Des mesures EXAFS réalisées au seuil LIII de l’or ont pu confirmer l’existence d’une forte interaction Au-Ni(0) et, d’après les mesures XANES, suggérer un transfert électronique de l’Au vers le Ni.

L'or et le nickel présentent en effet un large domaine de non miscibilité et il est admis que dans des conditions "douces", température de traitement inférieure à 500°C, la formation d'un alliage massif n'est pas possible. Par contre, la formation d'un alliage de surface stable dans la première couche atomique d'une particule métallique, tel que représenté sur la Figure 6 a été démontrée par des études combinées en XPS, LEIS, TEM et Monte Carlo, d’après Rousset et al.[84] ou encore par EXAFS, TEM et XRD, selon les travaux de Molenbroek et

al.[85, 86].

Figure 6. Modèle de nanoparticule Ni-Au, obtenu par simulation Monte Carlo à 300K, d’après Molenbroek et al.[85] Particule de 2,6 nm de diamètre, composée de 100 atomes d’Au (clair) et de 583 atomes de Ni (foncé). A gauche : particule Ni-Au avec les atomes d’Au présents sous forme d’alliage de surface sur le cluster de Ni. A droite : représentation en coupe au centre de la particule.

Dans une partie de ces travaux,[85] les catalyseurs bimétalliques NiAu/SiO2 étudiés ont été préparés par imprégnation du catalyseur monométallique Ni/SiO2 préalablement réduit, dans une solution aqueuse du complexe [Au(NH3)4](NO3)3. Le catalyseur obtenu après filtration est séché à l’air à 110°C. S’appuyant sur les résultats des analyses EXAFS et des simulations Monte Carlo, les auteurs proposent un dépôt préférentiel de l’Au sur les arêtes et les coins d’une particule de nickel, la rendant moins sensible au cokage lors de l’hydroréformage du butane par exemple. D’autre part, des calculs DFT sur des surfaces d’alliages Au-Ni(111) indiquent une diminution de la densité locale en électrons des états d du nickel entouré d'atomes d'or,[87, 88] synonyme d’un effet électro-attracteur de l’Au sur le Ni.

2.4.4.2 L’Iridium

L’Iridium seul n’est pas un métal inerte, il a déjà été cité pour son activité hydrogénante,[89] mais il est surtout connu pour son activité hydrogénolysante.[90] Nakagawa et al.[91] décrivent la préparation d’un catalyseur NiIr/La2O3 (0,25 %pds en Ir et 0,5 %pds en Ni)

par co-imprégnation en phase aqueuse de nitrate de nickel, Ni(NO3)2, et de chlorure d’iridium, IrCl4. Le catalyseur est séché à température ambiante puis calciné sous air à 600°C pendant cinq heures. Le catalyseur NiIr/La2O3 est comparé aux monométalliques Ni/La2O3 (0,5 %pds en Ni) et Ir/La2O3 (0,25 %pds en Ir) pour la réaction d’oxydation partielle du méthane (mélange CH4:O2=5:1) en gaz de synthèse, dans un réacteur continu à lit fixe, sous pression atmosphérique, à 600°C. Dans ces conditions, le catalyseur Ni-Ir s’est révélé très actif, alors que les monométalliques Ni ou Ir sont totalement inactifs à si faible teneur de métal supporté. Les auteurs expliquent le phénomène observé par un effet de synergie entre les particules de Ni et de NiO d’une part, et les particules d’Ir et d’IrO2 d’autre part. Aucune explication d’ordre géométrique n’est formulée.

2.5 Préparation des catalyseurs

Pour un catalyseur Ni-X, les espèces Ni et X pourront être déposées, soit par imprégnations successives, soit par co-imprégnation. Dans le premier cas, le Ni est tout d'abord déposé à la surface du support, séché, calciné ou réduit, puis le dopant X est déposé. Dans le second cas, le dépôt des espèces se fait de manière simultanée, la solution d’imprégnation contient les précurseurs de Ni et de X, ou un précurseur bimétallique, c'est-à-dire un cluster contenant à la fois le métal (Ni) et le dopant (X) intimement liés au sein de la même molécule.

Dans notre étude, nous utiliserons la méthode d'imprégnations successives. Nous commencerons par préparer des échantillons de Ni/SiO2 parfaitement caractérisés, puis, nous déposerons de manière contrôlée un précurseur du co-métal X à la surface du nickel. Nous décrirons dans les paragraphes qui suivent à la fois les différentes méthodes de préparation des catalyseurs monométalliques supportés, puis les différentes techniques de dopage.