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DES CONTRÔLES DE L’ACTIVITÉ INEXISTANTS OU INEFFICACES

CHAPITRE III - LA GESTION DES CARRIÈRES

B. DES CONTRÔLES DE L’ACTIVITÉ INEXISTANTS OU INEFFICACES

1. Le contrôle défaillant du service fait

L’un des problèmes généraux de la fonction publique, qui est du reste moins théorique que pratique, est de ne pas sanctionner les mauvais éléments, qui sont peu nombreux mais qui discréditent l’image du service public. Le problème se pose dans des termes spécifiques pour les universitaires.

Il faut d’abord reconnaître que l’organisation générale de l’enseignement unive rsitaire est dans l’ensemble fort médiocre (il suffit de prendre connaissance des emplois du temps pour s’en convaincre). Or cette mauvaise organisation incombe autant à la nature des contraintes matérielles à résoudre (inadaptation des salles de cours et amphithéâtres, longueurs excessives des périodes d’examen) qu’à la responsabilité des enseignants.

C’est pourtant dans ce contexte d’inorganisation que doit être apprécié le service fait.

Ensuite, l’universitaire est libre de l’aménagement général de son temps de travail. Il est certes tenu théoriquement à une obligation de résidence au lieu d’exercice de leurs fonctions1. Mais dans les disciplines littéraires et juridiques, notamment à Paris, de très nombreux universitaires ne disposent même pas d’un bureau personnel dans les locaux de l’université. Et surtout, cette flexibilité dans l’organisation du travail personnel est souvent indispensable (fréquentation des bibliothèques, commissions et conseils de toute sorte, soutenances de thèses, congrès scientifiques, séminaires…). Mais cette flexibilité nécessaire devient parfois abusive.

La Cour des comptes rappelle que « les établissements portent la responsabilité de veiller à l’application des textes [relatifs au service des enseignants-chercheurs] ; de ce point de vue, le contrôle apparaît souvent succinct, voire défaillant ».

Reprenant un rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale de 1997, la Cour des comptes indique ainsi que « les universités prennent des libertés plus ou moins grandes avec la réglementation ou certaines obligations de service : les enseignants ne sont pas astreints à signer des déclarations d’emploi du temps, la durée de l’année universitaire est « évaluée souplement », les durées de référence sont modulées pour certaines catégories d’enseignants sans référence à la réglementation ».

Bref, les universités ne vérifient pas l’effectivité du service fait.

1 Article 6 du décret statutaire du 6 juin 1984.

Pourtant, si les présidents d’université ont des pouvoirs à l’encontre d’universitaires n’accomplissant pas leurs obligations de service - ils peuvent par exemple leur adresser des lettres de rappel, et même demander au Trésor public que soit opérée une retenue sur salaire -, ils ne les utilisent quasiment jamais.

2. La diversification des carrières rend plus nécessaire le respect de l’obligation constitutionnelle de tout agent public de rendre compte de son activité.

Votre rapporteur, rappelant que tout agent public peut être amené à rendre compte de ses activités, considère que ce principe de valeur constitutionnelle1 connaît une application toute relative dans l’enseignement supérieur et la recherche, ce dont les universitaires sont d’ailleurs bien conscients.

Seulement 44 % des répondants au sondage considèrent que l’obligation constitutionnelle qu’ont les agents publics de rendre compte de leur activité est satisfaite dans l’enseignement supérieur. Plus de la moitié des universitaires sondés reconnaissent donc l’existence d’un réel problème en matière de contrôle de leur activité.

Plusieurs personnes qu’il a auditionnées lui ont ainsi indiqué qu’environ la moitié des enseignants -chercheurs effectuaient de réels travaux de recherche, soit autant qui n’en font pas !

Cela ne veut certes pas dire que l’autre moitié se contente du minimum de l’obligation de service, car beaucoup sont accaparés par des tâches administratives ou l’encadrement d’activités pédagogiques, qui ne leur laissent plus le temps de se consacrer à la recherche.

1 Il convient de rappeler que ce principe a été posé par l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

Les activités de recherche des universitaires sondés

Plus de 70 % des sondés in diquent consacrer, globalement, un peu moins de la moitié de leur temps de travail à la recherche, puisque moins de 39 % d’entre eux estiment y consacrer entre 20 et 40 % de leur temps de travail, et 32 % entre 40 et 60 %. Toutefois, les maîtres de conférences, probablement en raison de leurs lourdes charges d’enseignement, déclarent consacrer moins de temps à la recherche que les professeurs. En effet, 58 % des maîtres de conférences reconnaissent consacrer moins de 40 % de leur temps à la recherche, alors que la même proportion de professeurs déclarent y consacrer plus de 40 % de leur temps de travail.

86 % des répondants indiquent avoir, au cours des 5 dernières années, publié un ou plusieurs articles dans une revue à référé international, et près de 68 % d’autres publications. Si, sur la même période, près de la moitié des universitaires n’ont pas publié de livre, en revanche la moitié des professeurs en a publié au moins un.

Cette situation met toutefois en lumière à la fois l’inadaptation de la définition du service des universitaires, dont les carrières se diversifient et les lacunes d’un contrôle adéquat de leurs activités. Le comité national d’évaluation (CNE) a lui aussi insisté sur les difficultés que rencontrent les enseignants affectés dans certains IUT ou certaines petites universités pour mener des activités de recherche, mais, ajoute-t-il, « les contacts avec les milieux professionnels, le suivi des stages, la participation à des études qui intéressent les entreprises sans pour autant fournir directement des éléments pour la recherche, contribuent grandement à la réussite des filières de formation ».

Cette diversification des fonctions nécessite que l’établissement ou l’UFR demande des comptes et que l’universitaire soit tenu de les lui rendre. Il conviendrait de réfléchir à la production régulière, tous les trois ans par exemple, par les enseignants -chercheurs d’un rapport présentant leur charge de travail dans ses différents aspects à partir duquel le président (ou son représentant, vice président ou directeur d’UFR) pourrait définir les aménagements à son tableau de service pour les années à venir. Un tel système existe déjà aux Etats -Unis ou au Canada par exemple.

Votre rapporteur est en tout cas convaincu qu’un rapport d’activité envoyé à l’a dministration centrale, comme l’idée en est parfois avancée, ne servirait à rien sinon à créer un peu plus de bureaucratie. Et qu’un même rapport serait même inutile au niveau de l’université si celle-ci se refusait à définir le contenu réel des fonctions de chacun et les moyens qui lui sont offerts en contrepartie.

3. L’application souvent illicite de la réglementation en matière d’heures complémentaires

La question des heures complémentaires constitue une bonne illustration des conséquences de l’absence de réel contrôle du service fait et de l’inadaptation de la définition du service.

55 % des répondants au sondage ont indiqué assurer des heures complémentaires, dont 49,5 % dans leur propre université, et 5,7 % dans une autre université. Il convient de souligner que les maîtres de conférences assurent plus souvent des heures complémentaires que les professeurs, respectivement 70 % et 51 %.

L’accomplissement d’heures complémentaires apparaît essentiellement contraint. En effet, plus de 70 % des universitaires assurant des heures complémentaires disent le faire parce qu’elles sont obligatoires pour le bon fonctionnement de leur UFR, seuls 11 % invoquant leur intérêt pour l’enseignement, mais 18 % chez les professeurs. Un peu plus de 10 %, et 14 % des maîtres de conférences, mettent en avant le complément de rémunération que cela représente.

Il convient d’abord d’indiquer, pour le déplorer, que le ministère de l’éducation nationale n’a aucun moyen de contrôler l’utilisation qui est faite des heures complémentaires, même s’il a cherché, par le biais des dotations budgétaires, à en réguler le volume. Il ne peut qu’inciter les présidents d’université à accroître leur contrôle, mais, ce dernier ne prenant qu’une forme déclarative, les présidents éprouvent de réelles difficultés à connaître les abus autres que manifestes.

Or, une croissance parallèle des effectifs d’enseignants et des heures complémentaires a été constatée, ce qui rend inopérante la revendication exprimée par certains de voir les dotations budgétaires pour heures complémentaires transformées en emplois…

Il est vrai que les abus en la matière sont multiples. Dans certaines universités, quasiment tous les enseignants bénéficient d’heures complémentaires, alors que le ministère a fixé la norme à 20 % du cor ps enseignant d’un établissement. L’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale avait, dans un rapport publié il y a quelques années, dénoncé ces abus, le fait, par exemple, que des universitaires pouvaient dispenser des cours au titre des heures complémentaires alors que leur service de base en matière d’enseignement n’était pas fait1 !

1 Dans son rapport public particulier précité, la Cour des comptes a relevé « les montants irréalistes d’indemnités perçus par certains enseignants, l’octroi d’heures complémentaires à des enseignants bénéficiant par ailleurs de décharges de service ». Elle indique que « l’irrégularité

Pour votre rapporteur, la vérité est que les heures complémentaires servent de variable d’ajustement pour l’ensemble du service et non pour les seules activités de cours : on ne peut compenser une charge exceptionnelle de travail que par l’octroi d’heures complémentaires ou des décharges, fréquemment illégales, d’enseignement !

Le rapport de la commission Espéret donne des exemples probants de cette pratique : « la conception et la réalisation de cours en ligne, ainsi que les activités de tutorat à distance, sont parfois rémunérées sous forme d’heures complémentaires, ou comptées dans un service, bien qu’il n’y ait pas à proprement parler d’enseignement en présence d’étudiants. Il en est de même pour certaines activités de suivi de stage, sur le terrain, d’encadrement de projets personnels, de fin d’étude, de gestion et d’examens de recrutement, etc. ».

On voit à travers la variété de ces pratiques, le risque de dévoiement du système des heures complémentaires. Et « la possibilité ouverte aux établissements, par simple circulaire, de rémunérer en heures complémentaires certaines de ces activités sur leur budget global » ne fait qu’aggraver les risques de dérapage.