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Des classes d'identité aux classes de similarité

1.3 Vers une perspective abstractive

1.3.2 Des classes d'identité aux classes de similarité

Dans une perspective abstractive, l’élaboration d’une classification flexionnelle des lexèmes ne répond plus au besoin de minimiser une grammaire. S’il n’est plus nécessaire de fournir des étiquettes de classes servant au ré-assemblage de mots segmentés, il n’en reste pas moins que les systèmes flexionnels peuvent présenter un ensemble de paradigmes types, liés entre eux par des points de similarité. On peut donc se demander comment classer les lexèmes en fonction de leur comportement flexionnel. Nous nous demanderons tout d’abord quels types de classification sont le plus appropriés à décrire les analogies dans les paradigmes de flexion. Revenons aux deux définitions des classes flexionnelles selon Carstairs-McCarthy (1994, p. 639) et Aronoff (1994, p. 64). Suivant celles-ci, un système de classes flexionnelles est une partition exhaustive de l’ensemble des lexèmes en plusieurs classes sans chevauchement. Les membres d’une classe partagent un comportement flexionnel identique. Par exemple, les classes (2a) et (2b) du tableau1.2, quoiqu’elles partagent l’ensemble de leurs autres réalisations, sont distinctes en ce que (2b) ne présente aucune réalisation affixale au nominatif et vocatif singu- liers.

Les 13 paradigmes types qui constituent les lignes du tableau1.2correspondent aux défini- tions d’Aronoff et de Carstairs-McCarthy, mais ne correspondent en fait pas à la classification traditionnelle du système flexionnel des noms latins. La tradition ne distingue que cinq classes, qui réunissent ensemble certaines des lignes et qui sont numérotées dans la première colonne du tableau. Au sein de ces classes, comme Dressler, Kilani-Schoch et al. (2008, p. 52) nous le rappellent, « tous les noms d’une classe ne se fléchissent pas exactement de la même façon20».

19. [En anglais dans le texte] « grammatical approaches that posit words and paradigms and clausal constructions

as primary units of analysis appear to be well grounded ».

Par exemple, tandis que certains lexèmes de la troisième déclinaison se terminent en-iumau génitif pluriel (3d, 3e, 3), d’autres se terminent en-um(3a, 3b, 3c). Plutôt qu’une identité, les membres de classes flexionnelles au sens traditionnel présentent un degré de similarité fort.

Cet exemple est représentatif d’une observation générale selon laquelle les descriptions tra- ditionnelles de systèmes flexionnels distinguent un petit nombre de grandes classes, compre- nant à la fois des patrons communs vus comme réguliers et des patrons plus rares vus comme des déviations à la situation régulière. Dans les faits, les analyses de linguistes se fondent sou- vent également sur ce type de classes.

Cette seconde définition rappelle les « macroparadigmes » de Carstairs-McCarthy, qui réunit certaines classes à condition qu’elles ne soient pas en concurrence. Le principe directeur pour leur élaboration est le respect des contraintes de complexité du système (comme le NBP) ; ce- pendant leur définition mentionne explicitement un critère de similarité (Carstairs1987, p. 69) :

Un macroparadigme consiste en :

(a) Deux ou plusieurs paradigmes similaires dont toutes les différences flexion- nelles peuvent être expliquées phonologiquement, ou qui corrèlent de façon consé- quente avec des différences de propriétés déterminées sémantiquement ou lexica- lement ;

ou

(b) tout paradigme qui ne peut être combiné de cette façon avec un autre para- digme.21

D’autres auteurs s’appuient également sur ce type de définitions fondées sur la similarité. Brown et Hippisley (2012, p. 4) définissent les classes flexionnelles comme des « classes de lexèmes qui partagent des contrastes morphologiques similaires22». Matthews (1991, p. 129)

propose quant à lui : « les classes flexionnelles […] sont des classes de lexèmes qui vont en- 21. [En anglais dans le texte] « A macroparadigm consists of:

(a) any two or more similar paradigms all of whose inflexional differences either can be accounted for phonologically, or else correlate consistently with differences in semantic or lexically determined syntactic properties;

or

(b) any paradigm which cannot be thus combined with other paradigm(s) ».

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semble relativement à une certaine flexion.23», enfin, Blevins (2004, p. 42) décrit ainsi les

classes flexionnelles dans le modèle WP : « Les lexèmes qui se fléchissent similairement sont assignés à une conjugaison ou déclinaison commune ; c’est-à-dire une classe flexionnelle24».

Dans une série de publications influentes, Dressler et ses collègues proposent de ne pas choisir entre les deux définitions, et fournissent des noms distincts pour décrire les deux types de classes :  et  (Dressler, Mayerthaler et al. 1987; Dressler et Thornton1996; Kilani-Schoch et Dressler2005) : Les  sont de petites classes uni- formes dont les membres se comportent de façon identiques. Il existe autant de microclasses qu’il y a de paradigmes types. Les  sont de grandes classes fondées sur la simi- larité qui présentent un certain degré de variation interne.

Dressler et Thornton (1996) appellent également « paradigme isolé » une microclasse ne comportant qu’un lexème. Nous prendrons plutôt le parti de les voir comme un type (extrême) de microclasse. Ainsi, les microclasses correspondent aux définitions d’Aronoff et de Carstairs- McCarthy. Comme différents travaux utilisent des termes variables pour désigner microclasses et macroclasses, le tableau1.6résume ces usages.

nous microclasses macroclasses

Corbett (1982) types paradigms

Carstairs (1987) paradigm macroparadigm

Dressler et Thornton (1996) microclasses et paradigmes isolés  macroclasses  Blevins (2006) declensions macrodeclensions

Brown et Hippisley (2012) class superclass

Bonami et Boyé (2014) classes flexionnelles élémentaires classes flexionelles irréductibles

T 1.6 – Terminologie utilisée pour décrire les micro et macroclasses.

23. [En anglais dans le texte] « inflectional classes […] are classes of lexemes that go together in respect of some

inflection ».

24. [En anglais dans le texte] « Lexemes that inflect alike are assigned to a common conjugation or declension; i.e.,