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Chapitre IV. Problématique de l’environnement marin et côtier au Sénégal

IV. Des écosystèmes et des ressources halieutiques menacés

fortement concentrées dans la zone côtière qui abrite une grande partie des établissements humains et de la population urbaine du pays.

Ceci se traduit par une forte pression anthropique qui engendre la dégradation des écosystèmes marins et côtiers du fait de l’urbanisation mal contrôlée et de la pollution.

Les écosystèmes de mangroves subissent une forte dégradation liée aux facteurs climatiques et anthropiques. Les effets des phénomènes de salinisation des eaux et d’acidification des sols se sont amplifiés au point d’entraîner une réduction drastique des zones de mangroves et des rizières au profit des tannes qui se sont considérablement étendus. Par exemple, dans l’estuaire de la Casamance, la surface occupée par les palétuviers qui était d’environ 900 km2 en 1979 (Sall, 1980), est actuellement estimée à 820 km2. Toujours en Casamance, 70 à 80 % des palétuviers rouges (Rhizophora) ont disparu depuis 1969 (Marius, 1985).

Dans le delta du Saloum, on note la disparition totale de la mangrove dans le cours supérieur du Sine, du Saloum et de leurs affluents au nord du parallèle 14° 07 (Diop et Sall, 1996). Il en est résulté une extension territoriale considérable des tannes au détriment de la mangrove. Dans la région de Fatick, les tannes couvrent 266 000 ha soit 33 % de l’espace régional (PRAE, 1997).

Ces facteurs naturels ont été amplifiés ces dernières décennies par les actions anthropiques notamment : la coupe abusive et incontrôlée de la mangrove (bois, perches, cueillette des fruits de mer…) et les aménagements de rizières (barrages anti-sel). Dans la RBDS, la quantité de bois de mangrove utilisée est de 5000 tonnes pour l’usage domestique et 12 000 tonnes pour le fumage de poisson (Weigel et al., 2004). En Casamance, la mise en place de

78 retenues dans l’estuaire a entraîné une importante perte de superficie de mangrove en faveur des tannes, qui ont augmenté de 107 km2. Ces pratiques mettent en danger l’écosystème de mangrove dont les superficies ont globalement diminuées, passant de 1690 km2 en 1980 à 1287 km2 en 2006, soit une réduction de 24% des surfaces totales (PNUE, 2007).

Quant aux ressources halieutiques, elles subissent de fortes pressions qui menacent la durabilité du secteur de la pêche (Barry-Gérard et al., 1992 ; Agboton, 1999 ; CSE et CERPOD, 1996 ; CRODT et al., 2001). Compte tenu de la rapidité des progrès technologiques, il n’est pas étonnant que la pression exercée sur les ressources halieutiques ait été de plus en plus forte, en particulier sur les espèces démersales côtières, qui sont en état de surexploitation (Barry-Gérard, Kébé et Thiam, 1992 ; Barry-Gérard, Fonteneau et Diouf, 1992 ; COPACE, 2003 : CSE, 2009).

Les travaux de Pauly (2002) et le diagnostic des ressources halieutiques effectué dans le cadre du « Programme Cadre Intégré » révèlent une chute importante des ressources démersales côtières tant pour les captures, les biomasses que pour les quantités exportées (Fig. 8). Les diminutions enregistrées sont globalement de l’ordre de 50 %, mais peuvent atteindre 75 % pour plusieurs espèces82 (Thiam, 2000 ; Caverivière et Thiam, 1992 ; Gascuel et al., 2003, SIAP, 2003).

Figure 8. Diminution de la biomasse par rapport à l’augmentation de l’effort de pêche de 1950 à 2000 en Afrique de l’Ouest (Pauly, 2002)83

82 Certaines espèces de poisson ne souffrent pas de surexploitation. C’est le cas notamment des petits pélagiques

(principalement la sardinelle), dont les stocks, exploités par environ la moitié de la flotte artisanale, paraissent encore en bonne santé, et fournissent la matière première pour la transformation traditionnelle et consommation (surtout) locale de poissons au Sénégal. De même, les stocks de démersaux d’eaux profondes, pêchés uniquement par des navires battant des pavillons étrangers, ne donnent pas des signes de surexploitation. Cependant, la contribution de ces stocks au PIB du secteur et aux recettes d’exportation est relativement faible, et leur contribution à l’emploi représente moins de la moitié de l’emploi total du secteur. La situation des ressources côtières en crevettes parait raisonnablement bonne, bien que l’effort de pêche total y soit beaucoup plus élevé que l’optimal.

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Pauly D. 2002. Fishing down marine food webs : an index of fisheries impact on ecosystems. In: International Symposium

79 Les espèces les plus touchées par cette baisse sont celles de la communauté des sparidés (mérous et daurades). Plusieurs espèces de la communauté des scianidés présentent des niveaux d’abondance très bas (les capitaines) (DPM, 2002 ; CRODT, 2005). Quant aux espèces pélagiques des eaux côtières, de l’avis des biologistes du Centre de recherche océanographique de Dakar-Thiaroye (CRODT), leur exploitation tend rapidement à atteindre son niveau optimal.

Les dernières évaluations scientifiques du COPACE/FAO effectuées au niveau sous régional, ont permis de constater un état de surexploitation pour les sardinelles (Fig. 9) et recommandé de réduire l’effort de pêche total dans les pêcheries de sardinelles de 50 %. Une réduction de 20 % de l’effort de pêche a été préconisée pour les chinchards noirs (Trachurus trachurus et Trachurus trecae) et le chinchard jaune (Caranx rhoncus).

Figure 9. Biomasse des deux principales espèces rencontrées (S.maderensis et T. trecae)84

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80 La dernière évaluation exhaustive des ressources démersales côtières et profondes remonte à 2008 (la campagne menée en 2012 ayant été circonscrite à la Petite Côte). Le potentiel de capture, toutes espèces confondues, a été estimé à environ 55 000 tonnes, dont 35 000 tonnes de ressources côtières et 20 000 tonnes de ressources profondes (Tableau 6).

Tableau 6. Etat d’exploitation des principales espèces pêchées au Sénégal

81 Cette situation de diminution des ressources halieutiques est largement liée aux faiblesses institutionnelles du système de gouvernance des pêches sénégalaises (JICA, 2006 ; GIRMaC, 2004 ; Troadec et al., 2003). Les impacts de la dégradation des ressources halieutiques sont multiples dans un contexte de récession budgétaire, de croissance démographique et de paupérisation grandissante de la population. Ils sont d’ordre écologique, économique et social. (CRODT et al., 2001). Cette surexploitation se traduit sur le plan bioécologique par des modifications qualitative et quantitative des ressources biologiques et par des mutations environnementales importantes (CSE, 2005).

Sur le plan économique, la diminution des ressources halieutiques qui présentent une grande valeur commerciale, peut porter un coup dur au pays. Sur le plan social, une telle situation peut se traduire par l’augmentation de l’insécurité alimentaire et du chômage (CSE, 2005). Déjà, cette profonde crise du secteur compromet la survie de nombreuses communautés tributaires de la pêche et a poussé des milliers de jeunes pêcheurs à l’émigration clandestine vers l’Europe (Sène, 200685 ; Sène et al., 2010 ; Ndiaye, 2011).

Des espèces marines telles que les baleines, les dauphins et les tortues sont également menacées (MEPN/DEEC, 2007).

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Sène C. 2006. Projet d’appui aux communautés côtières, d’information et de sensibilisation pour lutter contre l’émigration clandestine, document de projet, WWF WAMER, 32 p.

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