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DEREGULATION DU CYCLE CELLULAIRE : LES VOIES DE SIGNALISATION pRb, p53

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1 GENERALITES SUR LE CHONDROSARCOME

4.2.2 DEREGULATION DU CYCLE CELLULAIRE : LES VOIES DE SIGNALISATION pRb, p53

La majorité des cellules d’un organisme normal sont quiescentes (en phase G0). Le passage dans une phase de prolifération nécessite le déclenchement du cycle cellulaire, défini comme un « point de non-retour ». Passé celui-ci, la cellule progresse dans le cycle cellulaire, qui est composé de quatre phases: G1 (précède la synthèse d’ADN), S (synthèse de l’ADN) et G2 qui précède la phase M (mitose).

Les points de surveillance du cycle cellulaire (cell cycle checkpoints) assurent le contrôle de la qualité du cycle cellulaire, et en particulier la fidélité de la duplication du matériel génétique. Ils sont représentés principalement par les deux voies pRb-E2F et p53. En cas d’anomalies, ces mécanismes de surveillance stoppent la progression du cycle cellulaire et activent des processus de réparation ou de mort cellulaire par apoptose.

→ La voie pRb-E2F contrôle le checkpoint qui engage irréversiblement la cellule dans le cycle

cellulaire. Les protéines de la famille pRb (pour retinoblastoma protein, p130 et p107) séquestrent les facteurs de transcription E2F, bloquent leur activité transcriptionnelle dans les cellules quiescentes ou en début de phase G1 et exercent ainsi un contrôle négatif sur la division cellulaire.

→ La voie p53 se situe notamment au niveau du point de surveillance G1→S : elle implique

l’activation de la protéine p53, facteur de transcription, capable en particulier d'activer la transcription du gène de la protéine inhibitrice p21, s’en suit une augmentation de la synthèse de p21 (cyclin-dependent kinase inhibitor 1) qui bloque le passage en phase S et conduit à l’arrêt du cycle cellulaire. p53 protéine est codée par le gène suppresseur de tumeurs TP53 et elle est l'une des principales voies de signalisation de l'apoptose. Elle est stabilisée en réponse à de nombreux stimuli de stress cellulaire (lésions de l’ADN, hypoxie…) et induit l’expression de gènes impliqués dans l’apoptose. Lorsque la protéine p53 est déficiente, l’arrêt en G1 n’est plus assuré et les cellules entrent en phase S malgré la présence d’anomalies de l’ADN. S’en suit alors deux mécanismes fondamentaux de l’oncogenèse à savoir: la perte du contrôle du cycle cellulaire, d’où une prolifération anarchique, et la résistance à la mort cellulaire par apoptose (19, 42, 43).

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Les dérégulations des deux voies pRb et p53 ont été décrites dans presque tous les types de cancers humains (44). Dans le cas du CHS conventionnel central, des altérations de type aberrations génétiques, touchant ces deux voies ont été mises en évidence. Nous pouvons citer en particulier : l'amplification de 12q13 et 8q24 et la délétion de 9p21. Les locus de plusieurs gènes importants pour le contrôle du cycle cellulaire sont, en effet, situés dans ces régions (45). Aussi, des mutations du gène TP53 sont rencontrées dans la quasi-totalité des cas de CHS de haut grade, suggérant une intervention tardive de cette voie p53 dans le processus tumoral et son implication dans la progression de la maladie (46). Comme exemples, Scharge et al. (47) ont isolé des altérations de la voie pRb dans 96% des cas du CHS central de haut grade, tandis que pour la série de Tarpey et al.

(41), des altérations des voies pRb et p53 ont été mises en évidence chez 33% et 20% des patients,

respectivement. Ces aberrations sont également retrouvées dans le CHS périphérique (48). MUTATION DES ENZYMES ISOCITRATE DEHYDROGENASE IDH1/IDH2

Il s’agit de deux enzymes homodimériques, présentant une forte homologie, localisées respectivement dans le cytoplasme et les peroxysomes, et la matrice mitochondriale des cellules. Ces enzymes catalysent une réaction d’oxydo-réduction qui convertit l’isocitrate en α- cétoglutarate (connu aussi sous le nom de 2-oxoglutarate) parallèlement à la réduction du co- facteur NADP en NADPH et la libération de dioxyde de carbone. Ces enzymes sont impliquées dans bon nombre de processus biologiques, comme la phosphorylation oxydative mitochondriale, le métabolisme de la glutamine, la régulation du statut redox de la cellule (en contrôlant la production de NADPH, principal agent réducteur utilisé dans les réactions biosynthétiques dans la cellule) (49).

Les enzymes mutantes IDH1/IDH2 acquièrent une nouvelle activité, via laquelle l’α- cétoglutarate est transformé en une structure apparentée, le 2-hydroxyglutarate, connu comme un oncométabolite potentiel. Produit en quantités importantes dans les cellules hébergeant la

mutation IDH, le 2-hydroxyglutarate inhibe, via un mécanisme compétitif, des enzymes

dépendantes de l’α-cétoglutarate. Ces enzymes sont notamment les ADN-déméthylases TET-2, les histones déméthylases JumonjiC, les prolyl hydroxylases et les lysyl hydroxylases nécessaires au repliement et la maturation du collagène, et les prolyl hydroxylases qui régulent l’expression du facteur inductible par l'hypoxie (HIF) en activant sa dégradation par le protéasome. Les enzymes mutantes IDH sont donc impliquées dans divers processus cellulaires comme les dérégulations épigénétiques, l’hypoxie, l’angiogenèse et la maturation du collagène (50-52) (Figure 14).

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Figure 14: Effets métaboliques de la mutation IDH sur le cycle de Krebs : l’enzyme sauvage IDH produit l’α- cétoglutarate. L’enzyme mutante le convertit en 2-hydroxyglutarate, un oncométabolite potentiel (53). La mise en évidence des mutations IDH1/IDH2 somatiques dans des tumeurs cartilagineuses a été publiée consécutivement par deux équipes. D’une part, Amary et al. (54) ont isolé des mutations hétérozygotes de IDH1 (R132) ou de IDH2 (R172) chez des patients atteints de CHS central de haut grade (2 et 3) et de type dédifférencié, mais pas chez des patients atteints de CHS conventionnel secondaire périphérique ou d’ostéochondrome. D’autre part, l’étude multi- centrique de Pansuriya et al. (55) a permis d’identifier ces mutations chez des patients atteints de la maladie d’Ollier (81%), du syndrome de Maffucci (77%) et de tumeurs solitaires tel que l’enchondrome, pointant vers leur rôle dans la transformation maligne.

MUTATION DES GENES EXT1 ET EXT2 (56, 57)

Les gènes exostosine-1 (EXT1) et exostosine-2 (EXT2) codent pour les protéines EXT glycosyltransférases, impliquées dans la biosynthèse de l'héparane sulfate, GAGs des PGs. Ces dernières jouent un rôle dans la diffusion de l'IHh, de la PTHrP et du facteur de croissance des fibroblastes (FGF), tous impliqués dans la prolifération et la différenciation des chondrocytes.

Les mutations EXT1/EXT2 ont été isolées dans les CHS secondaires périphériques qui sont le résultat de la transformation maligne d’un ostéochondrome, déjà connu pour héberger des mutations de l’un de ces deux gènes. La plupart des mutations EXT1/EXT2 sont inactivantes, ce qui provoque l'arrêt prématuré de la synthèse des protéines EXT et la perte de leur fonction. La voie de signalisation Hh se trouve affectée par des chaines héparanes sulfates défectueuses, d’où des défauts de formation de la collerette osseuse. Les cellules EXT-/- perdent leur capacité à répondre aux signaux de polarisation ou d’orientation du chondrocyte, se développent ainsi hors de l'os, puis recrutent des cellules normales pour former un ostéochondrome. L’Ihh/PTHrP et FGF sont souvent absents dans les ostéochondromes, mais se re-expriment en cas de transformation maligne en CHS périphérique.

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MUTATION DU GENE COL2A1 (41)

Le gène COL2A1 code pour la chaine α des fibres de collagène de type II, constituant majeur du cartilage articulaire. Les mutations constitutives de COL2A1 conduisent à des altérations touchant le squelette et l’œil et peuvent conduire à une perturbation importante de la structure de la MEC cartilagineuse et donc de la signalisation, avec une implication potentielle dans l'oncogenèse.

Dans leur analyse génomique systématique de 49 individus atteints de CHS, Tarpley et al. (41) rapportent une hypermutation fréquente du gène COL2A2 (des insertions, délétions et réarrangements) dans 37% des cas. Aussi, les tumeurs de haut grade (CHS conventionnels de grade 2, 3 et CHS dédifférenciés) étaient significativement les plus susceptibles d’héberger une mutation

COL2A1, comparées aux tumeurs de bas grade.

La Figure 15 résume les différents mécanismes moléculaires et génétiques, précoces et tardifs, impliqués dans la genèse et la progression du CHS.

Figure 15: Evènements génétiques et moléculaires, précoces et tardifs, impliqués dans la genèse et la progression du CHS (58)

5 TRAITEMENT

LE TRAITEMENT CHIRURGICAL

Un traitement chirurgical basé sur une exérèse complète est considéré à ce jour, comme le pilier de la prise en charge thérapeutique du CHS. Actuellement et dans le cas d’un CHS non métastatique (tous grades et sous-types inclus), la chirurgie offre une chance de guérison au patient. Le management optimal du traitement chirurgical fait encore l’objet de débats entre les spécialistes et dépend essentiellement de la localisation et du grade histologique.

Dans le cas d’un CHS de bas grade, un curettage intra-lésionnel pouvant être suivi par un traitement adjuvant local (phénolisation ou cryochirurgie) est réalisé dans 40 % des cas. Le traitement local adjuvant peut être utilisé avec succès uniquement dans le cas de lésions confinées à l’os. Dans certains cas, une reconstruction des tissus peut être réalisée grâce à des techniques d’ostéosynthèse, de greffe osseuse ou de pose de prothèse. Les greffes osseuses ont montré des résultats cliniques prometteurs à long terme et un contrôle local satisfaisant (2, 6, 7). Une méta-

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analyse publiée en 2011, comparant la résection chirurgicale avec une large marge de sécurité

versus le curetage intra-lésionnel dans le cas du CHS intramédullaire de grade 1, a conclu que cette

dernière technique peut être utilisée comme alternative dans le cas de localisations extra- pelviennes, sans pour autant augmenter le risque de survenue de récidives locales ou de métastases (59). L’étude de Campanacci et al. sur une population de patients atteints de CHS du squelette appendiculaire de bas grade sans signes radiologiques d’agressivité a conclu aussi aux même résultats (60). D’autres résultats issus de séries rétrospectives comparatives rapportent, toutefois, une récurrence locale et une progression de la maladie chez des patients atteints de CHS de grade 1 traités par la technique de curetage intra-lésionnel, comparés à un groupe de patients traités par excision locale (61, 62).

Pour tous CHS de grade histologique haut ou intermédiaire, pour une tumeur de grande taille, dans le cas d’une localisation pelvienne et une implication intra-articulaire ou de tissus mous, l'approche générale recommandée par le National Comprehensive Cancer Network (https://www.nccn.org/) est une excision locale, en bloc, avec de larges marges chirurgicales. Ces marges chirurgicales consistent à enlever une partie des tissus sains environnants dans tous les plans autour de la tumeur pour éviter les risques de récidives. Ces exérèses larges sont toutefois responsables d’une morbidité considérable et nécessitent une prise en charge reconstructive, ceci dépendant essentiellement de la localisation (63, 64).

Dans le cas de patients présentant des lésions non opérables de consistance mucoïde (habituellement un CHS conventionnel de grade 2 ou 3), l'aspiration de la tumeur est une option palliative pour soulager les douleurs (6). Pour certaines localisations particulières tel que le CHS laryngé, la résection est conservatrice car ce type est habituellement de bas grade avec un pronostic relativement favorable (65).

L’élément crucial dans l’acte chirurgical est la marge de sécurité histologiquement adéquate qu’il faut assurer lors de la résection, car les tissus tumoraux résiduels sont une cause importante de récurrence locale ou de dissémination métastatique (65). Une récidive peut survenir 10 ans après la chirurgie et est alors associée à une mauvaise survie globale. En général, avec les stratégies de traitement actuel (incluant la thérapie adjuvante locale), le taux de récurrence locale est bas pour le CHS de grade 1 (6). Les taux de survie à 10 ans pour des tumeurs de grade 1 et 3 sont respectivement de 95 et 69 % en absence de récidive, contre seulement 73 et 21 % en cas de récidive locale, selon les résultats de l’étude rétrospective de Andreou et al. (66) portant sur un groupe homogène de 115 patients atteints de CHS primaire central, tous traités selon le même protocole chirurgical. Ces chiffres montrent l’importance de la prise en charge chirurgicale initiale du CHS.

En cas de récidive, la conduite à tenir dépendra du grade de la tumeur primitive, de son évolution histologique ainsi que de la localisation. Un arbre décisionnel est alors mis en place. Dans le cas d’une récurrence locale solitaire après un CHS de grade 1, sans progression histologique et localisée dans un os long, le traitement de choix reste à nouveau un curetage intra-lésionnel associé à une thérapie adjuvante locale. Dans le cas de l’invasion des tissus mous dans le CHS de grade 1, une résection large en bloc est alors recommandée. La prise en charge d’une récurrence locale des

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CHS de grade 2 ou 3 localisés dans les os longs et plats consiste, par contre, en une résection en bloc, bien qu'il soit souvent difficile d’atteindre de larges marges de sécurité adéquates (6).

Dans certains cas, une amputation peut s’avérer nécessaire, et ce dans 12 et 40 % des cas pour des CHS de grade 2 et 3, respectivement, selon Angelini et al. (67).

PLACE DE LA RADIOTHERAPIE ET DE LA CHIMIOTHERAPIE

En raison de l’absence d’études randomisées, prospectives et de grandes ampleurs, le bénéfice escompté de l’utilisation de la radiothérapie et/ou de la chimiothérapie chez des patients ayant déjà bénéficié d’un traitement chirurgical demeure à ce jour sujet à débat (68). La radiothérapie adjuvante et/ou la chimiothérapie peuvent être proposées à des fins palliatives pour les patients ayant des CHS à haut risque dans un contexte d’incertitude quant à leurs effets et efficacité (69).

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