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CHAPITRE II : LE CORPUS DEHONIEN Ŕ Œuvres Spirituelles de type dévotionnel

III. LE CORPUS DEHONIEN : une approche christologique sur le Cœur de Jésus dans

III.3- Dehon et l’Écriture Sainte

Nous trouvons dans les écrits spirituels de Dehon la référence constante à l’Écriture Sainte. Les citations bibliques lui viennent comme quelque chose d’important et lui sont

250 Nous pouvons les voir dans la résolution qu’il a prise : « Je me nourrirai constamment de l’Evangile… Je lirai de préférence les écrits des Saints… », Ibid., p. 262.

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habituelles. Sa familiarité avec la Bible n’est pas scientifique mais spontanée. En fait, Dehon n’est pas un exégète mais il se nourrit de la Bible, spécialement des Evangiles, en particulier celui de saint Jean Ŕ qui permet d’approfondir les mystères de Jésus - et celui de saint Luc Ŕ qui montre bien la proximité de Jésus avec les gens et avec la foule. En Saint Jean, Dehon aime le Verbe de Dieu-fait-chair Ŕ l’Incarnation Ŕ et trouve Dieu-Charité Ŕ Dieu est Amour251. En saint Mathieu et en saint Luc, Dehon reconnaît Jésus comme Maître par excellence, enseignant une nouvelle justice ; Dehon aime Jésus homme, Verbe de Dieu-fait-homme qui est à l’aise avec la foule : « Venez à moi vous tous qui ployez sous le fardeau et moi je vous soulagerai… car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos de vos âmes. (Mt 11, 28-30) ». Pour Dehon, l’Evangile contient la vie de Jésus qui manifeste un grand amour pour tous :

« Jésus est venu sur la terre par amour pour son Père et par amour pour nous.

L’Évangile, c’est la vie de Jésus, c’est le récit de cette grande manifestation d’amour qui a duré trente-trois ans.

Ouvrez saint Jean : Le Verbe était en Dieu et il était Dieu, mais il s’est fait homme : il a déifié la nature humaine en s’unissant à elle par l’Incarnation ; il s’est abaissé jusqu’à nous pour nous élever jusqu’à lui. Il nous a donné le glorieux privilège de l’adoption et de la filiation divine….

Le premier chapitre de saint Jean annonce et résume tout l’Évangile : Jésus est l’amour même, il est plein de grâce et d’amabilité, il mourra par amour pour nous.

Il n’y a pas à chercher dans l’Évangile autre chose que l’amour de Jésus, depuis son incarnation jusqu’à sa mort. »252

En complément des Evangiles, Dehon fréquente beaucoup les Epîtres de saint Paul parce qu’il voit dans saint Paul un homme saisi par Jésus comme le dit Paul lui-même. Effectivement, c’est Jésus qui passionne saint Paul. En « homme fou » de Jésus, Paul souhaite laisser se saisir lui-même par Jésus puisque, pour lui, il est une personne et il est celui

251 « Ouvrez saint Jean : Le Verbe était en Dieu et il était Dieu, mais il s’est fait homme : il a déifié la nature humaine en s’unissant à elle par l’Incarnation ; il s’est abaissé jusqu’à nous pour nous élever jusqu’à lui. Il nous a donné le glorieux privilège de l’adoption et de la filiation divine… Le premier, chapitre de saint Jean annonce et résume tout l’Évangile: Jésus est l’amour même, il est plein de grâce et d’amabilité, il mourra par amour pour nous. »,DEHONLéon, Etudes sur le Sacré-Cœur de Jésus, Tome I, in OSP, Vol. V, p. 447.

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qui « m’a aimé, il s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). Dehon est ainsi sensible au souci de saint Paul de maintenir l’Evangile dans sa vérité (vérité de l’évangile, l’expression propre de Galates 2,5 et 2,14). Dehon, comme Paul, est sensible à ce risque que l’on puisse déformer la vérité de l’Evangile. Comme Paul en Galates (Ga 2,20), contemplant cet amour de Jésus qui « embrasse tout l’horizon de la vie et de la mission du Sauveur »253, Dehon le paraphrase :

« Saint Paul a dit: “Il m’a aimé et, par suite de cet amour, il s’est livré pour moi (Ga 2,20)”. Nous pouvons étendre cette conclusion et dire: Il m’a aimé et son amour pour moi lui a fait choisir la pauvreté de Bethléem, les labeurs de Nazareth et les fatigues de l’apostolat ; il m’a aimé et son amour pour moi lui a fait trouver douces les souffrances de sa passion et de sa mort. Il m’a aimé, et il m’a donné son corps et son sang dans l’Eucharistie ; il m’a donné sa mère du haut de la croix ; il m’a donné sa grâce par les sacrements ; il m’a donné la lumière de son Évangile ; il m’a donné son Église comme mère, le sacerdoce comme appui et le ciel comme récompense. C’est l’amour qui ouvre encore le Sacré Cœur, pour en répandre sur nous tous les trésors. »254

Il faut noter que l’épître aux Galates porte un contexte polémique fort qui prépare la synthèse théologique de l’épître de Paul aux Romains. A côté des épîtres aux Galates et aux Romains, il y a l’épître aux Philippiens qui est la plus cordiale, confidentielle et affectueuse de Paul. Ayant médité ces épîtres de saint Paul255, Dehon revit son expérience de tout laisser, de tout abandonner pour être saisi par le Christ : « Tous les avantages que j’avais autrefois je les considère comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ (Ph 3,7-9) » et il l’affirme ainsi « pour moi, vivre, c’est le Christ (Ph 1,21) » ou « je vis : ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20) ». Paul a beaucoup médité sur la kénose, le grand hymne de la communauté chrétienne primitive : « lui qui est de condition divine… il s’est anéanti, fait serviteur, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix (Ph 2,1-11) » c’est pourquoi, Dieu l’a ressuscité. Paul prend cette liturgie ancienne et se nourrit de cet hymne. C’est bien un Christ humain, incarné, adhéré au Père, serviteur jusqu’à la croix et obéissant.

253 PERROUX André,KO HA FONG Maria, Saint Paul et le père Dehon : deux contributions pour l’année

jubilaire saint Paul, Clairefontaine, Heimat und Mission Verlag, 2009, p. 45.

254 DEHONLéon, Mois du Sacré-Cœur de Jésus, in OSP, Vol. I, p. 468.

255 Pour une étude plus détaillée : Cf. PERROUX André,KO HA FONG Maria, Saint Paul et le père Dehon :

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On parle donc de la théologie de l’Incarnation, à savoir que Dieu nous donne Jésus son Fils qui est de condition divine et qui est devenu l’un de nous et ce Fils se donne totalement à nous jusqu’à mourir. Dans son humanité, il est pleinement uni à Dieu et en même temps serviteur des hommes.

Cette épître invite à montrer ce qu’est suivre le Christ et devenir son disciple. Dehon interprète ainsi cet esprit de saint Paul et c’est pourquoi, concrètement, il veut devenir le disciple du Christ et essayer par Sa grâce et Son esprit de devenir un homme en vraie humanité. Nous parlons donc de la mystique de Dehon : accueillir Dieu en son Fils serviteur et obéissant pour devenir par Lui un homme accompli. Pour Dehon, cela indique ce que signifie être chrétien : « pour moi, vivre, c’est le Christ (Ph 1,21) » ou « je vis : ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20) » : l’homme comprend vivre à partir du Christ et non de soi, mais comprendre le Christ, cela l’envoie à lui « être vraiment un homme achevé » ; la mystique de Dehon fait voir le Christ qui est Fils de Dieu devenu l’un de nous, qui nous apprend à être des vrais hommes parce que le Christ est un homme parfait ; être disciple du Christ, c’est apprendre de Dieu, recevoir le Christ comme cadeau, don de Dieu par excellence. Ce don de Dieu nous apprend à être véritablement homme. C’est dans cette approche de l’Incarnation que nous pouvons reprendre ce que saint Irénée dit : « la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant mais l’homme vivant, c’est la contemplation de Dieu. » Nous ne pouvons pas séparer ces deux thèses : le Christ m’apprend Dieu (Cf. saint Jean : l’un ne connaît Dieu sinon le Fils…) et m’apprend aussi à être ce que je suis, un homme aimé de Dieu à l’image de Dieu et fait pour aimer.

Toutefois, Dehon ne développe pas cette théologie. Il la vit et il l’appuie sur la lecture de l’Evangile : comment Jésus dans l’Evangile (surtout ce point dans l’Evangile de Luc) m’append-il ce qu’est « être homme », homme parfait selon le Christ : homme parfait, homme plein de miséricorde, homme obéissant, abandonné à Dieu, son Père, homme proche des pauvres et des petits.

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CHAPITRE III : L’ETUDE DE LA CHRISTOLOGIE PROPRE DE