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A la demande du Cardinal Mariano Rampolla del Tindaro, secrétaire d’État de Léon XIII, pour défendre l’utilité des congrès autour de la question sociale objectés par beaucoup, par exemple les socialistes Ŕ qui essayent d’organiser les associations sous contrôle absolu du parti et organiser la vie des ouvriers, mais en dehors et contre la religion Ŕ et les libres-penseurs Ŕ qui bloquent la création de l’organisation ouvrière Ŕ, Dehon a écrit l’œuvre Nos Congrès348 sous forme de brochure, publiée par la Maison de la Bonne Presse à Paris en 1897.

Nos Congrès dont le titre renferme l’adjectif possessif au pluriel “nos” différencie les congrès catholiques de tous les autres congrès Ŕ congrès de la libre-pensée, congrès protestants, congrès socialistes... Parler des Congrès catholiques est pour Dehon important car il a pu accumuler bien des expériences en tant que participant et aussi en tant que conférencier comme il l’écrit dans la brochure : « Pour moi, j’atteste avoir suivi beaucoup de congrès

347 MORELLO Luigi, Introduction, in OSC, Vol. II, p. XXXVII.

348 Les écrits de l’œuvre Nos Congrès, réédités par le centre d’études de Rome se trouvent dans le deuxième volume des Œuvres Sociales de Dehon et est numéroté des pages du 353 au 377.

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depuis vingt-cinq ans. Je les ai toujours regardés comme des retraites de zèle. A mon humble jugement, toucher à ces congrès, ce serait trahir la cause sacrée de l’Église. »349

Nous pouvons revenir brièvement à la préoccupation de Dehon sur la question sociale au sujet des congrès. Avant de participer, organiser et présider des Congrès, Dehon a pris le temps des découvertes et des réflexions sur les problèmes, les réalités, les processus humains et sociaux. Il a assisté aux semaines de formation et d’études sociales au Val-des-Bois chez Léon Harmel. C’était cet industriel qui a initié Dehon et l’a appelé à participer activement aux congrès sociaux. C’est aussi grâce à lui que Dehon a pu présider le premier Congrès rassemblant des séminaristes et du clergé. Puis, avec le Bureau Diocésain de Soissons, il a organisé les Congrès de Notre-Dame de Liesse, de Saint-Quentin et de Soissons. Ces Congrès adressés à toutes les classes sociales ont enregistré des succès importants. Ils ont pu traiter des questions relatives aux œuvres d’éducation, de charité, d’action sociale, et les questions concernant l’organisation de l’usine chrétienne, la condition culturelle des ouvriers. Ils ont montré les causes d’indifférence à la loi civile par rapport au repos dominical et à la pratique religieuse, la cause de la démoralisation de l’usine, de la liberté illimitée des cabarets, et de l’embauchage criminel des enfants dès l’âge de douze ans.350

Nos Congrès commencent par citer au sujet de la tenue fréquente des Congrès catholiques l’exhortation de Léon XIII dans son encyclique. Dehon énumère alors le nombre des Congrès existants351 dont la plupart réunissent des laïques et des prêtres. Il souligne l’utilité et même nécessité de tenir des Congrès catholiques pour diffuser la religion catholique et défendre son apostolat face aux conditions nouvelles et aux évolutions de la société à la fin du XIXe siècle. Il met l’accent sur l’entente, l’organisation, les idées à répandre et sur l’action sociale à engager par les catholiques dans les Congrès. Il donne des renseignements sur les différents congrès catholiques et autres organisés et tenus dans des pays voisins comme en Belgique, Autriche, Portugal, Allemagne, Italie. A la fin de sa brochure, il reprend le discours de Monseigneur Radini-Tedeschi au Congrès de Fiesole

349 DEHON Léon, Nos Congrès, in OSC, Vol. II, p. 370.

350 PRELOT Robert, L’œuvre sociale du chanoine Dehon, p. 69-72.

351 « Union des œuvres catholiques ouvrières ; Alliance des maisons d’éducation chrétienne ; Société bibliographique ; Jurisconsultes chrétiens ; Propriétaires chrétiens ; Pèlerinage des prêtres à Reims ; Cercles ouvriers d’études sociales ; Œuvres de jeunesse ; Presse catholique ; Le journal La croix ; Tiers-Ordre franciscain ; Congrès national ; Démocratie chrétienne. »DEHON Léon, Nos Congrès, in OSC, Vol. II, p. 360.

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comme conclusion pour insister sur le rôle et le devoir social des prêtres : « Il faut absolument que le prêtre prenne part à la vie sociale… Il doit, au prix de tous les efforts et de tous les sacrifices, intervenir dans la vie sociale, de façon à en être en quelque sorte l’âme et la forme en lui apportant Jésus-Christ et en le faisant reconnaître comme roi dans le monde entier »352. D’où leur présence inévitable aux Congrès d’études sociales afin d’entrer pleinement dans les situations concrètes de la vie des gens et d’annoncer le message évangélique de la rédemption du Christ.

Pour les congrès français tenus depuis des années, Dehon évoque certains résultats : on peut voir « les délégués de l’Association des patrons du Nord et ceux des Unions démocratiques ouvrières s’entendre sur un programme commun d’action sociale. » et on peut trouver les congressistes qui sont sortis des Congrès « meilleurs, plus ardents, plus croyants, plus semblables à Notre Seigneur par un accroissement de charité. »353. On peut remarquer que « nos Congrès d’études ont fait connaître les enseignements du Pape et apporté quelque lumière au difficile problème social et montrer comment on lui donnera une solution par les œuvres, par les revendications légales, par le retour aux vrais principes chrétiens défigurés par l’action séculaire des légistes, de la Réforme, de la Renaissance, du Césarisme et de la Révolution. »354 Ces Congrès démontrent ainsi le rôle-moteur de l’action sociale.

Dans l’encyclique Rerum Novarum, le pape Léon XIII avait écrit : « Des hommes de bien se réunissent fréquemment en Congrès pour se communiquer leurs vues, unir leurs forces, arrêter des programmes d’action ». Avec cette exhortation, de nombreux Congrès catholiques se sont bien tenus en France. Les Congrès nationaux, provinciaux ou locaux se sont multipliés. L’apostolat laïque s’est développé durant ce siècle.

Les catholiques français sont exhortés à « s’unir dans la justice, dans le respect mutuel et dans la charité chrétienne… et à s’allier pour lutter ensemble contre les périls qui la [la patrie française] menace »355. Aux yeux de Dehon, ces Congrès donnent le lieu nécessaire aux catholiques de se concerter, s’entendre, s’organiser afin de trouver une solution suffisante aux problèmes si complexes du crédit, de l’usure moderne, du salaire..., afin de se diriger vers le

352 DEHON Léon, Nos Congrès, in OSC, Vol. II, p. 375-376.

353 Ibid., p. 369.

354 Ibid., p. 369-370.

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véritable progrès social et surtout afin de s’orienter vers le Christ, source de vie et d’amour. Dehon juge que l’ensemble des catholiques doit d’abord reconnaître clairement la situation de la société et ses évolutions, puis s’y engager par leur entente avec des actions sociales et enfin la renouveler. Car, la société soulève plusieurs questions : « Comment lutter sur le terrain électoral et sur le terrain économique ? Comment pourvoir à des intérêts provinciaux ou nationaux ? Comment agir par la presse ou par les assemblées politiques ? Comment créer les réseaux d’œuvres qui doivent embrasser tous les âges, toutes les conditions sociales, tous les intérêts religieux, moraux ou économiques, toutes les provinces, toute la nation ? »356 De cela, sortiront, à partir de 1904, Les Semaines sociales357 qui en sont une expression vivante encore de nos jours.

Selon Dehon, les Congrès contribuent donc, « à leur manière, à faire la lumière sur les questions contemporaines, à réchauffer le zèle et à exciter les bonnes volontés. »358 Ils ont réveillé une conscience à réformer la vie sociale chrétienne afin de résoudre particulièrement les questions de justice sociale. Pour la nécessité de la société démocratique, il faut que l’Eglise aille au peuple, qu’elle favorise les études sociales chrétiennes, les Congrès d’ouvriers et que le prêtre étudie les questions sociales et économiques pour bien connaître les désirs et les nécessités de l’ouvrier ; le prêtre connaîtra ainsi les problèmes humains et spirituels ainsi que la vie concrète du peuple afin de lui annoncer l’évangile du Christ.