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CHAPITRE II : LE CORPUS DEHONIEN Ŕ Œuvres Spirituelles de type dévotionnel

I. LE CORPUS DEHONIEN : des ouvrages de type dévotionnel, dévotion mystique

L’étude du Corpus Dehonien va à présent approfondir la compréhension de la spiritualité du Cœur du Christ chez Dehon par l’étude des Œuvres Spirituelles de type dévotionnel. Nous y verrons qu’à partir d’une relecture constante du mystère chrétien et de ses différentes expressions que proposent ses méditations, Dehon relève la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus typique pour le XIXe siècle français et forme sa propre spiritualité au Cœur du Christ. De là, nous voyons que sa compréhension va de pair avec son apostolat, ses activités sociales, son engagement sociétal.

I.1- Genre littéraire des ouvrages de type dévotionnel

Les écrits spirituels de Léon Dehon, en grande partie, de type dévotionnel sont un genre de méditation de l’Ecriture, centrée sur la personne de Jésus et sur la charité chrétienne. Ces écrits s’appelleront des ouvrages type dévotionnel car ils expriment toutes les expressions de la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus chez Dehon. Regardés comme les fruits d’une vie consacrée à appliquer l’Evangile dans le quotidien, ces ouvrages expriment les efforts et les préoccupations de Dehon pour rendre meilleure sa vie et celle des lecteurs de son temps en vue de leur connaissance de Dieu et leur salut (le don de la vie en Dieu). En effet, pour un vrai chrétien, il ne faut pas seulement se préoccuper de sa propre sanctification personnelle, mais il faut aussi œuvrer pour la venue du règne du Christ dans la société : « le règne de la justice, de la charité, de la miséricorde, de la pitié pour les petits, pour les humbles et pour ceux qui souffrent. »127Aussi, dès la préface de ses premiers écrits, pouvons-nous voir son grand désir de renouveler, d’actualiser le style de vie avec le Seigneur. Nous citons ces lignes : « Il y a quelques années, nous rencontrions un véritable religieux de la Compagnie de Jésus, directeur d’une maison de retraite, et il nous disait : J’ai collectionné tous les manuels de retraite qui ont été édités et je n’ai pas trouvé encore une Retraite du Sacré-Cœur. Ŕ Cette pensée nous a frappés. Nous nous sommes mis à l’œuvre, nous avons essayé d’écrire la Retraite du Sacré-Cœur. »128 Ce désir de se nourrir lui-même et de nourrir les autres fera naître plusieurs ouvrages de type dévotionnel et développera chez Dehon, la dévotion mystique. C’est ce désir

127 DEHONLéon, La Retraite du Sacré-Cœur, in OSP, Vol. I, p.233.

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dévotionnel qui motive la forme de “méditations” de la plupart des œuvres spirituelles de Dehon.

I.2- Forme littéraire des ouvrages de type dévotionnel : méditation déhonienne

Pour parler de “méditation déhonienne”, il serait souhaitable de changer notre optique de compréhension. En effet, si nous nous sommes habitués à la méditation chez les autres auteurs et maîtres spirituels de l’époque précédente et de son temps, la compréhension de la méditation chez Dehon ne sera pas la même. Prenons par exemple la méditation chez un grand maître spirituel comme Ignace de Loyola : pour lui, la méditation est un exercice d’intelligence et de considération sur un sujet ou un thème qui concerne la mémoire, l’intelligence et la volonté sans le support scripturaire. Alors, il faudrait dire en quelque sorte que la forme des méditations chez Dehon ressemble à ce que saint Ignace appelle la “contemplation évangélique”129 ou bien la “méthode d’oraison”130 pour saint Alphonse de Liguori.

Quant à Léon Dehon, l’ambiance de son époque de la deuxième moitié du XIXe siècle se concentre principalement sur la piété dévotionnelle populaire au Sacré-Cœur de Jésus131. Ainsi, le thème fondamental est désormais la dévotion au Sacré-Cœur ; la contemplation du Verbe Incarné, surtout celle de l’humanité du Christ, laisse sa place dorénavant à cette dévotion dans laquelle l’appellation de la personne de Jésus est "renouvelée" : au lieu de nommer le Verbe Incarné ou Jésus-Christ, le Sacré-Cœur ou le Cœur de Jésus ou bien encore

129 Nous pouvons parler de cette contemplation comme une méthode de prière très personnalisée chez Ignace. Cette contemplation exige le support scripturaire. Avec le but primordial de chercher le Seigneur en toute chose pour être avec Lui et s’unir à Lui, la contemplation évangélique comporte essentiellement les trois temps : celui de la préparation pour se disposer ; puis celui de la contemplation en s’employant principalement les sens humains pour voir, écouter et regarder ; finalement, c’est celui de la relecture pour goûter ce qui produisait pendant le temps de pratiquer cette contemplation.

130 C’est la prière qui a pour but de faire une conversation avec Dieu et de conduire l’homme à l’adoration. Cette méthode d’Alphonse demandera les cinq temps : premièrement, c’est celui de préparation pour rejoindre le silence intérieur ; deuxièmement, celui de la méditation qui est la réflexion d’un texte biblique ou d’un autre livre ; le troisième temps est d’élever notre cœur vers Dieu et Lui offrons de bons actes : acte d’humilité, de confiance mais surtout acte de contrition et d’amour ; quatrièmement, c’est le temps de la prière de demande des grâces : lumière, résignation, persévérance,… mais surtout le don de l’amour divin ; finalement, le cinquième temps qui est les résolutions consiste à prendre une résolution pratique et précise en vue de la conversion et de la sanctification.

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le Cœur Divin devient le mode de dévotion dont l’aspect d’amour132 est mis en exergue. Dehon devra nécessairement s’adapter à cette ambiance spirituelle, mais il ne pourra jamais abandonner la christologie fondamentale. Il s’imprègne de toutes les piétés populaires de son époque et propose particulièrement une spiritualité christologique en produisant une série de méditations133 qui met en relief les événements majeurs de l’existence de Jésus. Dès lors, la forme des méditations chez Dehon donne une méthode de méditation, une “méthode de vie intérieure” qui a pour but “l’union avec le Cœur de Jésus” et qui amène vers la voie de l’amour. Cette voie montre tout : méthode, pratique, motif et fin : «…l’amour est la voie la plus simple… L’amour n’a qu’une méthode, celle de suivre l’impulsion de la grâce, qui nous porte à aimer. Il n’a qu’une pratique, qui est d’aimer en tout temps, en tout lieu, en toute situation… ; un motif, aimer parce qu’il aime ; une fin, aimer pour aimer. »134

Il nous faut revenir maintenant sur la méditation chez Léon Dehon. Pour lui, méditer, c’est se laisser interpeller par la Parole de Dieu, d’où le support scripturaire exigé presque toujours dans ses écrits spirituels. De cette manière, nous pouvons remarquer avant tout que Dehon n’utilise aucune méthode fixe de méditation. Il est spirituellement construit sur la méthode ignacienne et aussi sur celle de l’Ecole Française135. Dehon est, en fait, très souple pour conseiller une méthode de méditation, en raison de l’influence de deux méthodes Ŕ celle ignacienne et celle de l’Ecole Française. Toutefois, la “méthode de méditation” dehonienne peut être représentée ainsi : Dehon prend, au point de départ, un passage de l’Ecriture Sainte. Il laisse cette Parole de Dieu interpeller et il fait un très court commentaire. Ensuite, il donne trois points de méditation Ŕ ce qui ressemble à la forme méthodique ignacienne Ŕ qui établissent un dialogue familier entre le disciple et son maître. Enfin, il arrive à des résolutions ou une prière. Il tient beaucoup à ce dernier temps parce que la résolution s’appliquera à toute la journée du méditatif.

132 La manière de symboliser l’amour de Dieu est changée. En effet, dès les premiers siècles chrétiens, l’amour de Dieu s’est souvent représenté par les images du Bon Pasteur, l’icône de la Croix…

133 Les méditations de Léon Dehon se reconnaissent généralement sous deux types toujours avec le support scripturaire : méditation libre qui est liée à un thème ; le deuxième type est lié à la liturgie.

134 DEHONLéon, De la vie d’amour envers Sacré-Cœur de Jésus, in OSP, Vol. II, 1983, p. 17-18.

135 Les figures représentant cette école trouvées dans les écrits de Dehon, ce sont Pierre de Bérulle et Jean-Jacques Olier. Les thèmes dominants de cette école qui se sont reproduits chez Dehon sont surtout l’Incarnation du Verbe dans le mystère trinitaire, la vie intérieure, la mystique d’union à Jésus, le Christ prêtre, le Christ adorateur du Père.

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D’ailleurs, nous pouvons noter que dans ses œuvres spirituelles, Dehon n’a pas fait un exposé théorique ni didactique ni systématique mais il parle de style de vie. Commençons maintenant à étudier les ouvrages de type dévotionnel.

I.3- Etude des ouvrages de type dévotionnel

Dans le travail de cette partie, nous allons examiner les ouvrages suivants : La Retraite du Sacré-Cœur (1896), Mois du Sacré-Cœur de Jésus (1900), De la Vie d’amour envers le Sacré-Cœur de Jésus (1901), Couronnes d’amour au Sacré-Cœur (1905), L’Année avec le Sacré-Cœur de Jésus (1909), Etudes sur le Sacré-Cœur ou contribution à la préparation d’une Somme doctrinale du Sacré-Cœur de Jésus (1922).