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L’étude du couplage ventriculo-artériel permet d’optimiser la prise en charge de nombreuses situations pathologiques complexes: hypertension 108, insuffisance cardiaque 109, sepsis 110...

Il a été démontré que la simple estimation de la fraction d’éjection ventriculaire et des résistances vasculaires ne permet pas de déterminer la performance ventriculaire ni d’évaluer l’efficience énergétique du système cardiovasculaire. Cependant l’application pratique du concept de couplage ventriculo-artériel au niveau clinique se heurte à la difficulté d’acquisition des boucles pressions/volumes ventriculaires nécessaires à la détermination de l’élastance ventriculaire (Ees) et de l’élastance artérielle effective (Ea). Malgré une réelle plus- value dans la prise en charge de ces situations difficiles, le concept de couplage ventriculo- artériel n’est que peu utilisé, au quotidien. Récemment, Pinsky a suggéré d’évaluer le tonus artériel non plus de façon statique, battements par battements, mais de façon dynamique à l'aide des changements cycliques de la pression pulsée et du volume d’éjection systolique pendant la ventilation mécanique 111,112. Il a proposé de mesurer le rapport de la variation de

la pression pulsé (∆PP) sur la variation du volume d’éjection systolique (ΔVES) au cours d'un cycle ventilatoire à pression positive pour fournir une évaluation fonctionnelle du tonus artériel. Il a émis l’hypothèse que l'évaluation continue et immédiate du tonus artériel par l’élastance artérielle dynamique (Eadyn) au lit du malade pourrait prédire une augmentation

de la pression artérielle en réponse à un remplissage vasculaire.

C’est l’équipe de Monge Garcia 113, qui a étudié pour la première fois, suite aux travaux de

Pinsky, ce nouvel indice dynamique, issu de l’élastance artérielle effective (Ea). L’équation de l’élastance artérielle dynamique (Eadyn) correspond au ratio de la variation de pression pulsée

(ΔPP) sur la variation du volume d’éjection systolique (ΔVES) au cours d’un cycle respiratoire en ventilation contrôlée à pression positive :

Ea(dyn) = ΔPP(%)

ΔVES (%) Avec :

Leur hypothèse de départ est que l’attitude thérapeutique commune qui consiste à administrer en cas d’état de choc un soluté intraveineux (cristalloïdes ou colloïdes) afin de maintenir une pression artérielle au-delà du seuil d’hypoperfusion périphérique n’est pas toujours efficace. Bien que l'administration intravasculaire de fluide reste le traitement de référence de première intention, le postulat selon lequel l'augmentation du volume d'éjection systolique s’accompagne d’une augmentation de la pression artérielle n’est pas vrai ; puisque la relation pression-volume est difficilement prévisible et dépend du tonus artériel. Ainsi, pour une même augmentation de VES, l'augmentation de la pression artérielle sera d’autant plus importante que le tonus artériel est important. Bien que les résistances vasculaires systémiques (RVS) restent le paramètre le plus couramment utilisé pour décrire le tonus artériel, cette variable ne représente pas une description complète de l'ensemble des phénomènes impliqués mais juste une simplification qui ignore de nombreux paramètres, tels que la compliance artérielle, le caractère pulsatile de l’écoulement artériel, les phénomènes de réflexion d’ondes, les propriétés viscoélastiques des parois vasculaires mais aussi l’effet d’inertie de la masse sanguine. Sur la base du modèle de Windkessel 103, la pression artérielle

peut être décrite comme le résultat de l'interaction entre le ventricule gauche et le système artériel 107. Ainsi, la capacité du réseau vasculaire à augmenter la pression artérielle en

réponse à une augmentation du débit cardiaque est liée à la rigidité artérielle et est fonction de la pente de la droite d’élastance artérielle (Ea), qui est définie comme le rapport des changements de pression suite à des changements de volume. Comme l'objectif du système cardio-vasculaire est non seulement de maintenir le flux sanguin, mais aussi de maintenir une pression de perfusion adéquate 114, même si un patient possède une réserve de précharge, la

connaissance du tonus artériel est un facteur important pour l’utilisation d’un traitement approprié. Monge Garcia et al., font donc l’hypothèse que l’élastance artérielle dynamique (Eadyn), pourrait prédire l’élévation de la pression artérielle en réponse à une épreuve de

C. Evaluation de l’élastance artérielle dynamique en réanimation comme marqueur prédictif d’augmentation de la PAM suite à une épreuve de remplissage

Dans leur étude publié en 2011 113, Monge Garcia et al., ont évalué la capacité de l’élastance

artérielle dynamique (Eadyn) à prédire l’élévation de la pression artérielle en réponse à une épreuve de remplissage chez des patients possédant une réserve de précharge. Pour cela, ils ont inclus 25 patients de réanimation en état d’insuffisance circulatoire aiguë (tachycardie, oligo-anurie, marbrures, temps de recoloration cutané allongé) associé à une hypotension (PAM ≤ 65 mmHg, ou PAS < 90 mmHg ou chute de la pression artérielle de plus de 40mmHg par rapport à la valeur de base) et avec une réserve de précharge positive (VVE ≥ 10%). Les différents paramètres hémodynamiques étaient obtenus par un système FloTrac (Edwards Lifesciences LCC, Irvine, CA, USA). L’épreuve de remplissage vasculaire consistait en la perfusion de 500cc de colloïdes sur 30 minutes (Voluven 6%, Fresenius Kabi, Bad Homburg, Allemagne). Dans cette étude, 16 patients étaient « répondeurs », c’est-à-dire pour lesquel une augmentation de plus de 15% de la PAM et du VES était observée. Avant l’épreuve de remplissage, l’Eadyn des patients « répondeurs » était statistiquement différente des patients

« non-répondeurs » : 1,34 ± 0,45 versus 0,75 ± 0,12, p< 0,0001 (Figure 23).

Figure 23: Effets du remplissage vasculaire sur le tonus artériel des patients « répondeurs » et « non-répondeurs » ; Monge Garcia et al., Critical Care 2011, 15 :R15

Le niveau initial d’Eadyn était également corrélé avec le pourcentage d’augmentation de la PAM

après remplissage vasculaire chez les patients « répondeurs » : r2 = 0,83 ; p<0,0001 (Figure

24).

Figure 24: Relation entre l’Eadyn avant remplissage et l’augmentation de la PAM après

remplissage vasculaire ; Monge Garcia et al., Critical Care 2011, 15 :R15

L’aire sous la courbe de la courbe ROC de l’Eadyn chez les patients répondeurs est de 0,986 ±

0,02 ; IC 95[0,84 - 1] (Figure 25). Une valeur pré-remplissage d’Eadyn > 0,98 prédit une

augmentation de plus de 15% de la PAM en réponse à une épreuve de remplissage avec une sensibilité de 93,75% (IC95 [69,8% - 99,8]), une spécificité de 100% (IC95 [66,4% - 100%]), une valeur prédictive négative de 90% (IC95 [55,5% - 99,7%]) et une valeur prédictive positive de 100% (IC95 [78,2% - 100%]. Cependant certaine limites sont à prendre en compte et restreignent la généralisation de ces résultats 115,116.

Figure 25: Courbe ROC ; Monge Garcia et al., Critical Care 2011, 15 :R15

Une des limites de l’étude de Monge Garcia et al. est l’utilisation du même appareil de monitorage hémodynamique basé sur l’analyse de l’onde de pouls (FloTrac) pour l’obtention à la fois du ΔPP et du ΔVES, faisant craindre une erreur 115 dans l’estimation de l’Ea

dyn. Cette

limite a été levée grâce à la réalisation en 2014 d’une nouvelle étude 117, toujours par la même

équipe, avec le calcul de l’Eadyn cette fois-ci par deux méthodes différentes : doppler

œsophagien pour le ΔVES et cathéter artériel radial pour le ΔPP. Des résultats similaires à la première étude ont été obtenus : une aire sous la courbe de l’Eadyn chez les patients

répondeurs de 0,94; IC 95[0,86 – 98), p< 0,0001. Une valeur d’Eadyn > 0,73 avant remplissage

prédisait une augmentation de plus de 15% de la PAM avec une sensibilité de 90,90% (IC95 [75,6% - 98,1%]) et une spécificité de 91,5% (IC95 [79,6% - 97,6%]).

V. Evaluation de l’élastance artérielle dynamique au bloc opératoire

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