Au
Procureur douzelivresdixsols;Au
ReceveuretauGreffier pareillesomme
pour chacun;A chacun
dessixGagers soixantesois etun
habillement complet;A
l'Avocat etau Procureur dela Villeen laCour du Par-lement de Bordeauxdeux
écusaussipour chacun.De
tellesortequelesressourcesdutrésorcommunal
étaient presquetoujours absorbées;etquand
ilsurvenaitun
procès, lesÉchevinsétaientleplus souvent obligés de prendredes deniersdansleurbourse pour en payerlesfrais.Je
me
suisdemandé
pourquoilesMunicipauxn'ajoutèrent pas auchiflredeleursdépensesordinairesl'argent
employé
chaque année, suivant les bonnes coutumes, à acheterde l'hypocraslejourdelafêtedu MonsieurS
aint-IIilaire.Quelle était l'originede cetusage?Jel'ignore; mais, sansoûenser nossévères aïeux,n'est-il
par permis de supposer quetout u'étail pasreligieux et grave au grand jourdesélections, etqu'après avoirpieusement invoquéleslumièresde l'Esprit-Saint pourl'heureux accomplissement de l'œuvre munici-pale
, ils ne dédaignaient pas d'en sceller les résultatspar de joyeuseslibations?
I
LA MUWN ET L'ATELIER
DE BERNARD PALISSY
MÉMOIRE
LL-ALA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DE SAINTES,DANSSA SÉANCEDlîiOFÉVRIER1843
On
a cru jusqu'à présent que, pendant son séjour à Saintes, Bernard Palissydemeura
dans le faubourg des Roches, surlarivegauche de laCharente.En
l'absence dedocuments
écrits et detoute tracema-tériellede l'ateher
du
célèbre potier, cette opinion pouvait sesoutenir.Ilétaiten effetraisonnablede supposer quePalissyavait choisile voisinage d'uneeau pure et abondante. Ensuite, lesfaïenceries actuelles desRoches, dontl'existence est in~
contestableraent très-ancienne,pouvaientbien, quoique ne donnantplusque desproduitsfortdégénérés,avoir continué l'humble étabhssement de celui qui, plustard,perfectionna l'artde fabriquerles
émaux.
Enfin, le quai qui conduitdelaplace Belairau faubourg des Roches a été appelé quai Palissy, N'est-cepas parce que le souvenir des travauxde
\'
\
I
—
58—
Bernard s'esttransmis d'âge en âge,et latradition delieu n'a-t-ellepasdicté elle-mêmecette
commémoration
dugénie longtempsmalheureux
etignoré?Sans doutecetteopinionavaitdelavraisemblance; mais aujourd'hui il n'estplus permis, ce
me
semble, d'y per-sévérer.Au
mois demars
1576,un
sieurdeLaunay
rédigeaitla«^^iipplique suivante :
u A nos Seigneursles Maire et Eschevins dela ville de
« XaiiilL^, liastiende
Launay
vous remonstre queparcy-<( devnîit vous auriez
donné
et arrenté audict deLaunay
(( une place ettoursiseprès lamaisonde maistre
Bernard
« Pallicis,pourleprixet
somme
decinqsoubz de renteque« ledict suppliant a toujours
payé
despuisledictarrente-((
ment
jusques à présent àlarecepte de ladicte Maison«
Commune,
fors despuisquelque tems en ça qu'il auroit« cesséde payer ladicte rente,
au moyen
de ce que ledict(( maistre
Bernard
a occupé ladicteplaceettourpourCesten-(( due de sonœuvre
comme ung
chaiscungscayt etce-« pendant, etdevantlaquelle occupation par ledictmaistre
(( Bernardfaicte
comme
dictest,MonseigneurleSéneschal,(( parprovision etjusqu'à ce que ledict
œuvre
fust enlevé(( de ladicte ville et lieuoccupé, auroit bailléàicelui
sup-(( phant une aultre tour appelée vulgairement la tour
du
« Bourreau pourl'exercice et vacationde l'art dudict
sup-<( pliant,laquelle tourilauroitce
néanmoings
faictracous-(( treràsespropres couslz etdespens, d'aultantque durant
« lestroubles elleestoit
tombée
en ruyne etd'aultant qu'à« présent ladicte
œuvre
dudict maistre Bernardestpara-a chevée etque ladicte place
demeurera
inutile etde(( laquelleaulcungn'enpayroytrente; ce considéré,ilvous
—
59—
« plaisedevos grâcesetque lerevenu de ladicte ville ne
« soictdiminué, continuerledict suppliant à payerladicte
« rente, et ce faisant le restablir dans ladicte tour et
« place 6^. »
Ce précieux
document
établit clairementdeux
choses:la première, quela maison dePalissyétait siseprès d'une tour primitivement arrentée àde
Launay;
la seconde, que cettetour était devenue l'atelierde l'artiste, ou, pourme
servirdestermes delasupplique,qu'il l'avaitoccupée pour Vestendue de son œuvre.
Or,la tour'dont il s'agit ne pouvait être que l'une de celles comprises dans l'enceintemurale dela ville; caril
n'existait ailleursaucune autre constructionde ce genre, et la maison de Palissy devait être elle-même très-près des remparts,soiten dedans, soitendehors; car cenefutsans doute qu'à raison de cette proximité de la tour et dela
commodité
otlerteàsestravauxque le modeste ouvrier en terreenobtintlaconcessiondes magistratsde la cité.Si donc l'atelier de Palissyétaitdans unedes tours des remparts, sisamaison était prèsde cette tour, ilsne pou-vaient pas être dans le faubourg des
Roches
bâti alors,comme
aujourd'hui, àune
distance éloignée des fortifica-tionsdelaville.Mais vers quelle partie de ces fortifications doit-on les chercher?
Les
murs
de Saintes étaient flanqués de plus de vingt68Ledernier cahierdu Bulletin de laSociétédel'histoiredu protestantisme français renfermecedocument avec son commentaire signéJ. L. Le
commen-taireest un abrégédu travail de M. Dangibaud et les initialessont cellesde M.l'abbéLacurie.(Avril etmai1863)
—
60—
tours disposées sur une ligne quasi-circulaire, presque à égale distance entre elles, etfaisant corps avec cesmurs.
L*une deces tours avoisinant le terrain oùest maintenant laplace Belairnejustifierait-elle pas,
du
moins,la dénomi-nationdonnée
auquai Palissy?Non.Le31
décembre
1575,M. delaChapelle, lieutenant pourleRoiau pays de Sainton^çe,ré.i^lait par
une
ordonnancele servicepour la garde de la ville entre les habitantset les soldatsde la garnison. Aprèsavoir indiquéles postescon-fiésàlasurveillance des bourgeois,ilcontinuaitainsi:
« Les trois capitainesdessoldats pouserontleurs gardes
« tous les soirs, savoir est :
ung
à la porte Esguière qui« estcndra les sentinelles et les mettra depuis la tour de
« l'EspingoUe jusqu'àlatour quiestentrelecorpsde garde
« et labresche, appelée latour de maislreBernard.
« L'autre corps de gardeseraprèslaporte
du
Pont, qui« mettrases sentinellesàlabrescheetàlaporteduChapitre.
« Etle tierscorpsde gardesera àlaporte Évesquo, qui
« se ferapareifiement parlesditssoldats qui mettront
sen-« tinelleàlatour
du
CordieretàlaMarsaude
»>J'admets
comme
horsdecontestationque/atourdemaistre Bernard^ mentionnée dans l'ordonnance de M. de la Cha-pelle, estbienlamême
que celledontparlelasuppliquede de Launay.Cette ordonnanceestaussiunenouvellepreuve quecette tour étaitattenanteaux remparts de la ville; au-trement, le lieutenantdu
Roi ne l'aurait pas indiquéecomme
devantrecevoirunesentinelle. D'ailleurs,ces expres-sions: latour qui est entre le corps degardeet labrescheylèvent toute incertitude sur ce sujet.
Mais oùétaitdoncla tour entre ces
deux
points?r
i
.î
—
Cl—
Je
remarque
d'abord que M. de la Chapelle embrasse dans lepremierparagraphe de son ordonnance toutl'es-pace comprisentrelaporteEsguièreet celle
du
Pont, c'est-àvdire tout celuique nous parcouronsaujourd'hui, quand, partisdu
lieuoù
fut la première decesportes,nous parve-nons,en descendantle Coursroyal, à l'extrémité occiden-taledu
vieux pont,oùs'élevait laseconde. C'estdonc dans cetespace etprès dela brèche queje dois chercherla tour de Pahssy.Maintenantoùplacerai-je labrèche?
Quand, au moisd'août 1570,
René
de Pontivy vint assié-ger Saintesdéfendue par Jean de Beaufort, marquis de Canillacetcomte d'Alais, le chef des Calvinistes attaqua d'abordlatourdu
Bourreau, située à l'entréedu
pont,du
côtéde la ville; ellefutpromptement
démantelée par lecanon. Scipion Vergano, habileingénieur, fit dresser en-suiteunebatterie contrelapartie
du
rempartdémasquée
parlaruinedelatour,et lapremière décharge del'artilleriey
pratiquaune
ouverture d'environ quatre-vingts pas.C'estdecette brèchequeparlenttousles
monuments
de l'époque.Ilenest questiondansun
grandnombre
de déli-bérationsdu
Corps de Ville, et il n'est jamais parlé que d'uneseulebrèche. Il ne pouvait paseneffety
en avoir d'autre; car lors de ce siège de 1570, qui, sans l'édit de pacification publié peu de jours après, aurait peut-être soustrait pour longtemps la capitale de la Saintonge au pouvoircatholique,la villenefutattaquéequedu
côtédu du
pont. Etsi,antérieurement,elletomba
quatrefoisaux mains desparties contraires, ce fut toujours par surprise oupar trahisonetpresque sanscoupférir.Je ne crains donc pas d'affirmer quecette brèche était
^^
il
aussi celle désignée par M. de laChapelle cinq années seu-lementaprèsla capitulationde Saintes, alorsqueles
mal-heursdu
tempset la misère publique n'avaientpas permis anxbourgeoisdereleverlapartiedeleursrempartscroulée sousle canon desCalvinistes.Si doncces remparts furent battusvis-à-visla tour dé-mantelée
du
Bourreau, labrèchedevait être en face ou presque enface del'entrée occidentale du pont, défendue parcette tour, et il convientde la placer à l'endroit où s'élèventaujourd'huilesmaisons Coindreau; etcomme
la tourde Bernard était/>m
dela brèche, elle ne pouvait pasnon
plusêtre très-éloignéedu
pont.Il
me
resteàfaireune
dernièreremarque.D'après l'ordonnance de M. de la Chapelle, la tour de maître
Bernard
était entre lecorps de garde et la brèche;en d'autrestermes,elle était, de toutesles tours, la plus rapprochée del'ouverturefaiteaux remparts par lecanon de 1570.
Or, sij'examine le plan de la ville telle qu'elle existait en 1560^9,je voisque l'enceinte muralesuivaituneligne droitedepuis la porte Aiguière jusqu'à l'endroitoùest ac-tuellementla maison Bonnain. Là, tournant
brusquement
à angledroit, elle continuaitsadirection vers laportedu
pont. J'observe ensuite qu'entre cet angle,marqué
sur le plan parune grosse tour danslaquelle étaitprobablementle corpsde garde dontilestparlé, et la brèche, ou, pour
me
fairemieux comprendre
de ceux qui n'ont pas vu lei
^
#
69C'estl'estampesicurieusedelaTopographie de Braun:elleportelen°<7du 5»livre: VRBIVM PRAECIPVAaVM MVNDI THEATRVM «VINTVM. AVCTORE GEORGIO BRAV.MOAl.RlPPINATE.
—
63—
.
plan,entre lesmaisons Bonnain, d'unepart, et Coindreau, del'autre, iln'yavait qu'une seuletour bâtieà peu près versle
miheu
decetespace,environ à l'endroitoù
s'élève de nos joursle café delaCouronne, et j'en conclus que cettetourétait celle de Palissy. J'ajouteque
lamaisondu
potierdevaitêtre verslemême
heu, puisque, suivant la suppliquede de Launay, elleétaitsiseprès dela tour.J'ai pensé. Messieurs, que vous ne rechercheriez pas sansintérêt avec
moi
lesheux
témoins des veilles, des travaux et (pourquoi faut-il le dire aussi!) de la misère de Pahssy. Si la villedeSaintes ne futpas le berceau de cethomme
célèbre, elle futlongtempsdu moins
sapa-trie adoptive. Pendant près de vingt ans il
donna
à nos pèresl'exemple de la persévérance dans les nobles entreprises, de la force d'âme dans l'adversité. Pourquoi une déplorable intolérance, source fatale de dissensions plusdéplorables encore,le força-t-elle à chercher ailleurs la protection due à son génie?Son
art aurait peut-être créédans notrebelle Saintonge une de cesindustries vi-vaces etfécondesqui,bravantlesrévolutionsdu
temps et deshommes,
enrichissent ethonorentun
pays pendantune
longuesuitedesiècles.Au
contraire,à notreterrequ'entre toutesilavait choisie, ilnereste delui pasmême
untom-beau
7^'; à peineun
vague souvenirdu
grandetcourageux"0Cen'estpas letombeau dePalissy,fictionderêveur! quimanqueàlaville deSaintes;c'estsastatue.Demandons-laàquelquegrandartistedenotreépoque.
Elleauraitsurtout inspiréDavid d'Angers;elle eninspirerait d'autres. Lafigure longueetimpassibledePalissy,d'après safiguline, tellequel'acompriselecrayon deDeveria,offre le type leplusparfait delarésignation... Impavidum ferient ruinae...LejourquePalissymodela sonvisage,ilsembles'êtrerappelé toutesles infortunesdesavie,touteslesdéceptionsdeseslabeurs,dontilnousalaisséun
siadmirabletableau.
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64—
artiste!...