• Aucun résultat trouvé

Dangerosité d’une exposition aux bioaérosols sur la santé humaine

II. Les aérosols microbiens

II.2. Dangerosité d’une exposition aux bioaérosols sur la santé humaine

II.2.1. Généralités

Depuis les années 70, de nombreuses personnes travaillant dans des immeubles de bureaux se sont plaintes d’inconfort ou de symptômes particuliers. Une mauvaise qualité de l’air est le plus souvent à l’origine de ces plaintes. Pourtant, beaucoup de cas semblent avoir une origine plurifactorielle. Ainsi, un groupe de travail de l’OMS a décidé en 1983 d’introduire le SBS (Sick Building Syndrome - Syndrome des Bâtiments Malsains) pour qualifier ces pathologies sans cause attribuable. Le SBS est la pathologie la plus étudiée dans les bâtiments de bureaux. De plus, les nouvelles constructions sont aujourd’hui mieux isolées. Or, une meilleure isolation associée à une mauvaise ventilation peuvent entraîner l’apparition de SBS, en raison notamment d’une augmentation des bioaérosols (en particulier des champignons) (Walinder et al, 2001). Et bien que les bioaérosols soient en concentrations relativement faibles dans l’air par rapport aux particules inorganiques, ils peuvent avoir des effets néfastes sur la santé humaine et animale (Maus et al., 2001). L’intérêt pour les bioaérosols a ainsi considérablement augmenté ces dernières années car il est désormais prouvé que des expositions trop importantes ou trop longues à des agents biologiques dans les espaces intérieurs peuvent être associées à des problèmes de santé d’une grande variabilité (Douwes et al., 2003). Les maladies générées par une mauvaise qualité de l’air sont communément rangées en trois catégories majeures :

Les maladies infectieuses : les infections proviennent de la pénétration dans le corps d’agents infectieux, issus des microorganismes, par contact direct. C’est aujourd’hui la 3ème cause de mortalité en France. Les principales répercussions sur la santé sont très variables selon l’agent biologique incriminé (localisation, gravité, temps d’apparition). De plus, même si l’infection résulte de l’action d’un microorganisme particulièrement virulent, des genres microbiens opportunistes peuvent s’avérer pathogènes pour des individus affaiblis (Arnow et al., 1991). En exemple, de nombreux problèmes sont survenus lors d’infections par la légionellae (particulièrement Legionella pneumophila) qui est une bactérie Gram négatif très virulente. La legionelle peut être très nocive (pneumonies), particulièrement pour des personnes fragiles (personnes âgées, immunodéprimées). Beaucoup d’infections sont provoquées par des microorganismes lorsqu’ils atteignent certains organes respiratoires profonds. Par exemple, la tuberculose, la diphtérie ou la légionellose se transmettent ainsi 52

(Nevalainen.et al., 1993 ; Brousseau et al., 1994 ; Lacey and Dutkiewicz, 1994). Depuis les années 1980, la prévalence des infections fongiques a considérablement augmenté en France.

Les maladies respiratoires : les symptômes respiratoires et les problèmes pulmonaires sont les plus étudiés parmi les effets sur la santé entraînés par la présence d’aérosols (Douwes et al., 2003). En effet, selon leur taille, les particules vont atteindre des zones du système respiratoire plus ou moins profondes :

- de 10 à 30 μm elles resteront dans la zone thoracique, c'est-à-dire qu’elles ne dépasseront pas les fosses nasales et le larynx.

- < 10 μm elles atteignent la zone alvéolaire et sont retenues dans les bronches et la trachée et s’insèrent jusqu’aux petites bronches et alvéoles lorsqu’elles atteignent des tailles < 3 μm.

L’exposition particulière à des bioaérosols peut entraîner les principales pathologies suivantes (Persoons et al., 2010) :

- Réactions irritantes (au niveau des voies inférieures et supérieures du système respiratoire, asthme).

- Réactions inflammatoires (bronchites chroniques).

- Réactions allergiques ou réactions immunoallergiques (rhinites, sinusites, athme allergique).

- Infections telles que des aspergillosis envers des sujets immunodéprimés (Bünger et al., 2000 ; Douwes et al., 2003 ; Millner et al., 1994).

Les problèmes respiratoires varient de légers symptômes influençant une journée de travail jusqu’aux problèmes chroniques qui imposeront l’intervention d’un spécialiste. Jones (1998) constate que parmi les polluants de l’air des logements qu’il a étudiés, les biocontaminants sont les plus souvent mis en cause dans les cas d’asthmes. En particulier, l’asthme affectait aux Etats-Unis, en 2009, 24,6 millions d’adultes et d’enfants, soit 8,2% de la population. Une sensibilité aux moisissures serait un facteur important chez les patients souffrant d’allergies touchant les voies respiratoires. Elles joueraient un rôle majeur dans le développement, la persistance et la sévérité des problèmes des voies respiratoires inférieures, en particulier de l’asthme (Knutsen et al., 2012). Il s’avère également qu’entre 25 et 30% des cas d’asthme causés par des allergies dans le monde industriel sont la conséquence d’une exposition aux champignons trop importante. Cela affecterait approximativement 6% de la population générale (Horner et al., 1995 ; Kurup, 2003).

Des risques toxiques peuvent également être liés à des composants de microorganismes et sont susceptibles d’engendrer des problèmes respiratoires. Deux sortes de toxines se distinguent :

- Les exotoxines qui sont des molécules protéiques sécrétées par des microorganismes (mycotoxines de certaines moisissures, toxines de tétanos,…) (Balty et al., 2006). - Les endotoxines (lipopolysaccharides) qui sont des facteurs d’asthme et de

problèmes pulmonaires (Douwes and Heederick, 1997). Des sujets déjà sensibles aux problèmes bronchiques et d’asthme ont plus de probabilité de développer des symptômes. Plusieurs études ont suggéré une association causale entre les endotoxines et une augmentation de l’asthme chez les enfants et les adultes (Michel et al., 1996 ; Park et al., 2001).

Les cancers : les cancers peuvent être la conséquence d’une variété d’agents biologiques. Les seuls cancérigènes biologiques reconnus sont certaines mycotoxines (Richard et al., 1999 ; Douwes et al., 2003).

II.2.2. Danger d’une exposition aux fragments microbiens

En plus des aérosols microbiens et des sous-produits des microorganismes (endotoxines, mycotoxines,...), il ne faut pas négliger les conséquences que provoqueraient l’inhalation de fragments microbiens sur la respiration et la santé. Beaucoup d’études se sont penchées sur l’émission des spores fongiques (Foarde et al., 1999 ; Gorny et al., 2001 ; Pasanen et al ., 1991) mais peu se sont intéressées aux fragments de champignons. Or, il s’avère que les particules fines inhalées (< 2,5 μm) peuvent avoir des impacts néfastes sur la santé car elles atteignent des parties profondes du système respiratoire (Dockery et al., 1993 ; Levy et al., 2000 ; Schwartz et al., 1996). La fragmentation des champignons peut se déclencher par des procédés biotiques (autolyse fongique, vacuolisation des hyphes,...) ou abiotique (vent, vibration, perturbations mécaniques,...) (Eduard et al., 2012). Une étude de Gorny et al. (2002) met en évidence que des champignons soumis à un flux d’air relarguent une forte proportion de fragments de champignons par rapport aux spores fongiques. La proportion de gros fragments (> 2,5μm) peut représenter environ 56% de la totalité des bioaérosols d’origine fongique dans certains environnements (Green at al., 2011).

Par ailleurs, les bioaérosols ont des tailles qui varient entre 0,02 et 100 μm en diamètre. La fraction respirable la plus préoccupante concerne les tailles inférieures à 10 μm (Cox et al., 54

1995). Comme l’indique le graphique de la Figure I- 5, ce sont ces particules qui atteignent les zones profondes du système respiratoire. Selon Jones and Cookson (1983), 34 % des bactéries sont associées à la fraction « respirable » des particules (D < 8 μm). Tandis que pour les spores fongiques, ce pourcentage varie suivant les espèces, de 56% à 96%.

Figure I- 5. Courbes conventionnelles CEN (Comité Européen de Normalisation) définissant les fractions de taille des particules exprimées en pourcentage en fonction du diamètre aérodynamique des particules en μm

II.2.3. Qualité de l’air et bénéfices économiques

Les dangers potentiels liés à une mauvaise qualité de l’air inhalé sont avérés. Par ailleurs, Wargocki et al. (2003) ont étudié le rapport coût-bénéfice afin d’évaluer l’intérêt financier d’un nouvel investissement pour améliorer la qualité de l’air intérieur des bureaux. Ils en déduisent que les bénéfices issus d’une meilleure productivité des employés lorsque l’air est de meilleure qualité peuvent être 60 fois supérieurs aux coûts engendrés par cette amélioration de la QAI. Le retour sur investissement ne se fait par contre qu’au bout de 2 ans (Wargocki et al., 2003). Encore d’un point de vu économique, Clausen (2004) montre que les filtres colmatés d’un système de ventilation peuvent dégrader la QAI et augmenter la prévalence des symptômes liés à la QAI en diminuant la productivité. Pourtant, aucune norme ou rapport dose-réponse n’a encore été établie en ce qui concerne les bioaérosols. Pour d’autres polluants (chimiques, physiques), des valeurs limites d’exposition (VLE) sont établies. Cet état de fait est principalement dû au manque de méthodes universelles quantitatives des bioaérosols. Il n’y a aucun consensus sur les méthodes à employer pour évaluer les taux d’aérosols microbiens. En effet, l’intérêt pour l’étude des bioaérosols est récent mais en pleine expansion grâce notamment au développement de nouvelles technologies adaptées. De plus, l’air est un milieu très instable pour les microorganismes et sa composition microbienne varie dans une journée ce qui complique les mesures. Et même pour des méthodes bien établies, des variations significatives peuvent être visibles sur les mesures 55

d’exposition, entre plusieurs laboratoires (Thorne et al., 1997 ; Chunn et al., 2000 ; Reynolds et al., 2002). Les mesures doivent également avoir une très grande sensibilité du fait de la très faible concentration des microorganismes dans l’air.