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D.4. Extinction par ARN interférence dans le noyau

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 192-200)

B. Détection des transcrits ingi en présence ou non de sinéfungine. La flèche indique un type de transcrits insensible à la sinéfungine ayant une taille d’environ 5 kb

II. D.4. Extinction par ARN interférence dans le noyau

L’ARNdb et la machinerie ARNi sont impliqués dans la formation d’hétérochromatine chez plusieurs organismes, soit par modification des histones (Hall et al., 2003a; Volpe et al., 2002) soit par méthylation de l’ADN. Les modifications épigénétiques provoquent l’arrêt de la transcription (Transcriptional gene Silencing’, TGS) (Matzke et al., 2004; Schramke and Allshire, 2003). Chez la levure, l’expression d’ARNdb en épingle à cheveux induit la formation d’hétérochromatine au niveau de l’ADN (Schramke and Allshire, 2003).

Chez le trypanosome, l’ARN interférence pourrait induire un mécanisme similaire dans le noyau, cependant l’absence d’intron et de marqueur de l’hétérochromatine connu limite la caractérisation d’un tel phénomène. L’existence de cette voie d’extinction a déjà été suggérée par expression d’ARNdb de petits ARN nucléolaires (Liang et al., 2003b), et elle est suggérée sur les rétroposons ingi et SLACS (Shi et al., 2004). Afin de déterminer l’existence d’un mécanisme d’extinction par ARNi dans le noyau chez T. brucei, nous avons donc poursuivi cette étude.

Nous avons d’abord étudié les deux lignées PFRAi et snl-2 exprimant de façon inductible l’ARNdb du gène marqueur PFRA (Bastin et al., 2000; Durand-Dubief and Bastin, 2003). En présence de tétracycline, les lignées PFRAi et snl-2 induites expriment respectivement de l’ARNdb inter-, ou intramoléculaire de PFRA et dégradent les ARNm matures de PFRA. Seul l’ARNdb produit par la lignée snl-2 possède les signaux de trans épissage et est épissé correctement (Résultats partie ARNi et génomique fonctionnelle)(Durand-Dubief et al., 2003). La cinétique de dégradation de l’ARNm de PFRA par l’ARNdb chez la lignée snl-2, après induction à la tétracycline, montre que l’ARNm de PFRA est progressivement dégradé au cours du temps en produisant des fragments d’ARN de PFRA (figure 45 A).

Chez les deux lignées induites, la vitesse d’extinction de l’ARNm de PFRA est différente avec une dégradation plus efficace et plus rapide chez snl-2 (15% ARNm résiduel) que chez PFRAi (~30% résiduel)(figure 45 B).

129 Figure 45

L’ARNdb induit un mécanisme d’extinction dans le noyau

Northern blot avec hybridation de la sonde PFRA des lignées sauvage (WT), TbAGO1-/-(KO), snl2 induite, WTT4aa et KOT4aa ont été analysées en présence ou non de sinéfungine. Les ARNm matures et leurs précurseurs

non épissés sont visibles « unspliced transcripts ». Les cellules traitées ont été incubées avec 2µg/ml de sinéfungine dans le milieu de culture pendant 90minutes avant extraction d’ARN. Dépôt : 10µg d’ARN totaux par puits. La sonde PFRA a été marquée par la technique de « random priming ».

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L’expression d’ARNdb intra- ou intermoléculaire conduit donc à une extinction efficace sur un temps court d’induction mais ne suffit pas pour dégrader la totalité des ARNm de PFRA endogène. Nous avons dès lors, induit plus longtemps à la tétracycline la lignée snl-2 (70h) et avons généré des lignées sauvages et TbAGO1-/- capables de produire constitutivement l’ARNdb intramoléculaire de PFRA (comme la lignée inductible snl-2, voir annexes)(Bastin et al., 2000).

Nous avons ensuite analysé l’expression des ARNm matures et immatures de PFRA dans nos lignées sauvage, TbAGO1-/-, snl-2 induites à 70h, TbAGO1-/-+T4αα , WT+T4αα en présence ou non de sinéfungine (figure 45). Sans inhibiteur, les cellules sauvages et TbAGO1-/- expriment normalement l’ARNm de PFRA, alors que traités à la sinéfungine les pré-ARNm non épissés s’accumulent et la proportion d’ARNm mature est réduite. Chez les cellules snl-2 induites pendant 70h et WT+T4αα, produisant de l’ARNdb de PFRA, nous détectons encore une faible quantité l’ARNm mature de PFRA et nous observons l’apparition de fragments d’ARN de PFRA correspondant à une taille de d’environ 300 bases. En présence de sinéfungine, chez les lignées snl-2 induites pendant 70h et WT+T4αα, les pré-ARNm polycistroniques ne sont plus détectés et démontrent que l’ARNdb induit un mécanisme d’extinction dans le noyau.

Dans la lignée TbAGO1-/-+T4αα et en présence de sinéfungine, la quantité de précurseurs et la quantité d’ARNm mature de PFRA n’est pas affectée, démontrant que la protéine TbAGO1 est indispensable à ce mécanisme d’extinction. D’autre part chez ce mutant, nos résultats montrent que les petits fragments d’environ 300pb ne proviennent pas de la dégradation de l’ARNm de PFRA mais est produit par le clivage de l’ARNdb, d’une taille de 1800pb transcrit constitutivement par le plasmide pT4α α. Ce résultat supplémentaire montre que TbAGO1 n’est pas requis pour le clivage de l’ARNdb.

131 Figure 46

Extinction transcriptionnelle et post-transcriptionnelle médiées par différents types d’ARN double brin

Les lignées ont été induites à la tétracycline pendant les durées indiquées, puis exposées à la sinéfungine. À droite, hybridation à l’aide de la sonde PFRA. À gauche, réhybridation sur la même membrane, avec une sonde reconnaissant l’alpha-tubuline.

Les ARNm matures et leurs précurseurs non épissés sont visibles. Les sondes ont été marquées par la technique de « random priming. » Les cellules traitées ont été incubées avec 2µg/ml de sinéfungine dans le milieu de culture pendant 90minutes avant extraction d’ARN. Dépôt : 10µg d’ARN totaux par puits

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En conclusion, la présence d’ARNdb entraîne la disparition des ARNm matures, mais aussi de leurs précurseurs non épissés. Ce résultat est en contradiction avec les données de Ngo et al. (Ngo et al., 1998), qui ont démontré qu’après électroporation d’ARNdb dans la cellule, seuls les transcrits matures sont dégradés, sans modification de précurseurs non-épissés. Cette contradiction pourrait s’expliquer par la nature des ARNdb utilisés (transitoire-stable). Nos données suggèrent que soit, les préARNm sont aussi ciblés par ARNi directement dans le noyau, soit ils ne sont plus produits (extinction transcriptionnelle ou TGS).

Pour clarifier, nous avons suivi les conséquences de l’expression d’ARNdb de PFRA au cours du temps. En présence de tétracycline, les lignées PFRAi et snl-2 induites expriment respectivement de l’ARNdb inter-, ou intramoléculaire de PFRA et dégradent les ARNm matures de PFRA (figure 46). Les cellules P F R Ai et snl-2 non induites expriment l’ARNm de PFRA, alors qu’après traitement à la sinéfungine, les pré-ARNm non épissés s’accumulent aux dépens de la production d’ARNm matures de PFRA des lignées PFRAi et snl-2 non induites. Quatre heures après induction à la tétracycline, les lignées non traitées présentent une réduction visible de l’ARNm mature de PFRA. Le traitement à la sinéfungine au même stade ne montre pas de réduction apparente de la quantité d’ARNm polycistronique. Cette observation confirme donc l’expérience de Ngo et al. 1998 et démontre qu’à ce stade, l’extinction passe bien par un mécanisme post-transcriptionnel dans le cytoplasme (PTGS)(Ngo et al., 1998). Par contre, après une induction prolongée à la tétracycline pendant 24h et en présence de la sinéfungine, les ARN polycistroniques de PFRA ne sont plus détectés. Cette différence pourrait correspondre à un processus plus lent, par exemple lié à la rentrée de petits ARNdb dans le noyau.

Ces résultats signifient que soit l’ARNi dégrade rapidement le pré-ARN dans le noyau soit il existe une voie d’extinction transcriptionnelle.

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Si les résultats obtenus au niveau de l’expression des gènes endogènes de PFRA sont comparables dans les deux lignées, il n’en va pas de même quant au devenir de l’ARN double brin. Dans le cas de la lignée PFRAi, les ARN sens et antisens sont produits par l’ARN polymérase T7 et sont indépendants du trans épissage car ces transcrits ne possèdent pas de séquence ni pour l’addition du splice leader, ni pour l’addition de la queue polyA. Ce type de transcrits n’est normalement pas (ou peu efficacement) exporté du noyau. L’expression de ces ARN n’est que peu ou pas réduite par la sinéfungine (figure 46). Par contre chez la lignée snl2, l’ARNdb intramoléculaire en épingle à cheveux est flanqué de séquences UTR permettant le trans épissage en 5’ et la polyadénylation en 3’.

Dans ce cas, l’addition de sinéfungine montre une baisse de la quantité du fragment de cet ARNdb à 4h et à 24h.

Une deuxième différence s’observe au niveau de la taille des ARNdb. Celle-ci est presque identique (intra- ou intermoléculaire) : ARNdb d’environ 1700-1800 pb ; toutefois dans le cas de snl-2, la présence de grands ARNdb est indétectable et seuls sont détectés des ARN de petite taille (environ 300pb) (figure 46) suggérant un clivage spécifique induit probablement par une activité de type Dicer dans le cytoplasme.

Nous remarquons également que les transgènes produisant respectivement les ARNdb par les promoteurs T7 (ARN polymérase T7) et procycline (ARN polymérase I) sont toujours transcrits et détectés, même après plusieurs générations. Ces résultats démontrent donc que les deux transgènes échappent à l’extinction transcriptionnelle par ARNi puisqu’ils sont toujours exprimés. En conclusion, ces données démontrent qu’il existe deux voies d’extinction par ARNi chez T. brucei et indiquent donc qu’en présence d’ARNdb, le locus PFRA endogène (transcrit par l’ARN polymérase II) serait soumis à une voie d’extinction transcriptionnelle.

Nous avons également analysé l’expression des gènes flanquants en amont et en aval du locus PFRA chez la lignée snl-2 induites et non induites. Il s’agit de gènes codant respectivement pour TRP11 polII (GenedB 5H5.740) et la sous-unité ADN polymérase alpha (GeneDb4A8.580) situé à 10kb du premier gène et dernier gène de PFRA. Dans les deux cas, aucune réduction significative de leur expression n’a été détectée, ce qui démontre une absence de propagation dans le cas d’une extinction transcriptionnelle (données non montrées).

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II.D.5. Conséquences d’expression d’ARN non épissés sur l’expression des rétroéléments

Les expériences précédentes ont rappelé l’importance les conditions d’expression de l’ARNdb de P F R A. En règle générale, les transcrits non épissés ne sont pas correctement exportés vers le cytoplasme et pourraient s’accumuler dans le noyau. Nous avons donc analysé les conséquences de l’accumulation de ce type d’ARN sur les transcrits des rétroéléments ingi/SLACS. Plusieurs lignées exprimant de l’ARNdb non épissés (voir partie ARNi et génomique fonctionnelle) ont été analysées.

Tout d’abord, nous avons cherché à savoir si la présence d’ARNdb supplémentaire modifiait l’expression des ingi. C’est effectivement le cas des lignées PFRAi et pZJM-Mdp2 où l’expression d’ARNdb intermoléculaire (non épissé) entraîne une augmentation de l’abondance des rétroposons ingi (figure 47 A). Ceci a été reproduit chez d’autres lignées induites qui expriment de l’ARNdb (des gènes IFT88, DHC1b, Absalon S. et Bastin P., données non publiées). En résumé, la présence d’ARNdb intermoléculaire non-épissé génère la surexpression des rétroposons ingi sans toutefois avoir d’effet particulier au niveau de la croissance et de la mitose (à l’exception de la lignée pZJM-Mdp2). La surexpression des transcrits ingi n’est cependant pas observée dans la lignée snl-2 induite qui exprime de l’ARNdb intramoléculaire et épissé correctement. Ce résultat suggère donc que l’augmentation de l’expression des transposons ingi n’est pas due à la présence d’ARNdb en général, mais plutôt à la présence d’ARN non épissés résidant dans le noyau.

Est-ce que ce phénomène pourrait se produire si de l’ARN d’ingi lui-même était exprimé dans ces conditions ? Nous avons donc généré une lignée dans les mêmes conditions que ci-dessus en transformant le vecteur pZJM contenant un fragment codant de 839 nt du rétroposon ingi (+2759 à +3598). En présence de tétracycline, de l’ARN à la taille attendue est détecté et non dégradé (figure 47 A). Toutefois, nous n’observons pas ici de surexpression des transcrits ingi. Ces résultats permettent aussi de déduire que si les rétroéléments ingi sont soumis à un mécanisme d’extinction transcriptionnelle, le transgène transcrit par un promoteur T7 échappe à cette régulation.

Nous avons également généré une lignée capable d’exprimer dans les mêmes conditions un fragment (609nt, +1701 à +2309) du rétroposon site-spécifique SLACS.

L’induction à la tétracycline produit la bande de taille attendue avec la sonde SLACS, mais

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ne déclenche pas non plus de surexpression des ingi. Curieusement, c’est en condition non induites qu’on observe une surexpression des rétroposons ingi et SLACS (figure 47 A et B). Cette surexpression pourrait être due au contexte d’intégration du vecteur dans la cellule. Malgré cela, les cellules induites et non induites ont une croissance identique soulignant une nouvelle fois l’absence de toxicité suite à la surexpression de ces transcrits.

Enfin, toutes ces expériences démontrent que les transcrits non épissés produits par l’ARN polymérase T7 sont résistants à l’ARNi.

Figure 47

Expression d’ARNdb et conséquence sur le profil des transcrits de rétroéléments A/ Détection des transcrits ingi chez les lignées induites et non induites.

B/ Détection des transcrits SLACS chez les lignées induites et non induites.

Les lignées induites ont été incubées avec 1µg/ml de tétracycline pendant 48h. Les sondes spécifiques de ingi et de SLACS correspondent à la séquence des transgènes respectifs et ont été marquées par

« random priming ». L’expérience a été reproduite deux fois. Dépôt : 10µg d’extraits ARN totaux par puits.

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Dans le génome du trypanosome, les rétroposons SLACS sont intégrés dans le même sens que les répétitions des tandems ARN splice leader (1379nt) qui couvrent environ 35kb sur le chromosome IX (figure 48 A). La surexpression de SLACS observée ci-dessus pourrait-elle donc affecter la transcription des séquences flanquantes ? Nous avons dès lors analysé la transcription des tandems du splice leader sur nos différentes lignées. Seule la lignée pZJM-SLACS non induite qui surexprime les transcrits des rétroposons SLACS montre une modification de ces éléments, avec l’accumulation d’ARN de grande taille (figure 48 B). Cette surexpression est spécifique des rétroéléments et n’affecte pas la transcription du contrôle tubuline (figure 48 C).

Figure 48 Les lignées pZJM-SLACS induites surexpriment des transcrits SL-ARN A/ Représentation schématique du tandem SL-ARN du chromosome IX. La position de la sonde employée pour le northern est indiquée B/ Détection des transcrits de tandem de 1,3 kb des SLARN chez les lignées induites et non induites. C/ Détection de l’alpha -tubuline (contrôle). Les lignées induites ont été incubées avec 1µg/ml de tétracycline pendant 48h. Les sondes spécifiques ont été marquées par « random priming ». L’expérience a été reproduite deux fois. Dépôt : 10µg d’extraits ARN totaux par puits.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 192-200)