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D´ ecalage spectral (redshift) et mesure de distances

Un cadre pour la formation des galaxies

2.1 D´ ecrire la g´ eom´ etrie et le contenu de notre Univers

2.1.2 D´ ecalage spectral (redshift) et mesure de distances

Redshift

L’´evolution du facteur d’´echelle, traduit donc la dilatation au cours du temps de la trame cosmologique. Cette expansion, comme abord´e dans le chapitre 1, affecte le rayonnement ´emis par les galaxies. Les longueurs d’ondes λem et λobs

correspondantes respectivement `a celle ´emise par la source au temps tem et celle mesur´ee par l’observateur au temps tobs = t0 > tem sont reli´ees par le d´ecalage spectral z (ou redshift en anglais) :

1 + z = λobs λem

= a(t0)

a(tem) (2.5)

Par l’interm´ediaire des ´equations (2.4, 2.5) ont peut relier le redshift au temps qui s´epare l’instant d’´emission du rayonnement (tem) et l’instant d’observation (t0). Ce temps de regard en arri`ere2 tlbt n’est rien d’autre que l’int´egrale du temps pass´e depuis l’´emission du rayonnement :

tlbt= Z t0 tem dt = Z zem 0 1 H0(1 + z)pm(1 + z)3+ ΩΛ dz

La relation entre les pas infinit´esimaux de temps (dt) et de redshift (dz) ´etant donn´ee par :

dz

dt =a(ta02) ˙a(t)(t) =−H0(1 + z)pm(1 + z)3+ ΩΛ Distances comobile et lumineuse

La d´efinition 2.4 permet ´egalement de d´efinir la relation liant le d´ecalage spectral (z) et la distance qui s´epare l’observateur de la source de rayonnement. Dans un Univers en expansion, plusieurs d´efinitions de distance co-existent. La premi`ere de ces distances, dite comobile et not´ee Dc(z) s’affranchit des effets de l’expansion, ou plus pr´ecis´ement suit l’expansion de notre Univers. Par ce fait, la distance comobile entre deux objets est donc constante au cours du temps.

Dc(z) = Z t0 tem c(1 + z)dt = Z z 0 c H0 p Ωm(1 + z)3+ ΩΛ dz (2.6)

Figure2.1 –Le fond diffus cosmologique vu par le satellite europ´een Planck. Chaque variation de coloration, trace d’infimes variations (≃ µK) de temp´erature. Ces ´ecarts de temp´erature sont la signature de perturbation de densit´e ne rompant qu’`a un niveau extrˆemement faible (10−6K)

l’homog´en´eit´e globale. Malgr´e tout, ce sont ces grumeaux primordiaux qui vont, sous l’effet de la gravitation donner naissance aux grandes structures et aux amas de galaxies actuels. [Cr´edit : Collaboration Planck].

Bien que cette distance soit une indication pr´ecieuse pour d´ecrire le positionnement des objets dans un Univers en expansion, elle n’est pas ´egale, dilatation des lon-gueurs d’onde oblige, `a la distance parcourue par les photons. Or, dans le cadre des m´ethodologies et des r´esultats pr´esent´es dans le chapitre 1, la mesure de cette dis-tance, dite lumineuse et not´ee Dl(z), est indispensable pour d´eduire les propri´et´es intrins`eques de la source du rayonnement. L’´evolution de cette distance lumineuse est reli´ee au d´ecalage spectral, prenant en compte par d´efinition la modification de la longueur d’onde sous l’effet de l’expansion, comme suit :

Dl(z) = (1 + z)Dc(z) (2.7)

2.1.3 Le contenu de notre Univers

L’empreinte du fond diffus cosmologique

Comme mentionn´e pr´ec´edemment, les ´equations d’Einstein (Eqs. 2.3) d´ecrivant l’´evolution de notre Univers, s’appuient sur le lien entre g´eom´etrie et contenu ´energ´etique de ce dernier. La question de sa composition se pose alors.

notre Univers. Dans les premiers instants, ce dernier pr´esente des densit´es et des temp´eratures extrˆemes. Dans ces conditions, mati`ere et rayonnement sont intiment li´es et interagissent perp´etuellement. Puis, progressivement, du fait de l’expansion, le milieu se dilue, la temp´erature baisse, elle devient alors suffisamment basse pour que mati`ere et rayonnement soient lib´er´es de leurs emprises mutuelles. Les photons sont libres de parcourir des distances tr`es ´elev´ees, distances allant jusqu’`a celle nous s´eparant de cette surface de derni`ere diffusion. Aujourd’hui, les instruments peuvent mesurer, dans le domaine radio3, la trace fossile de ce rayonnement origi-nel. La figure 2.1 pr´esente la cartographie, tout le ciel, la plus d´etaill´ee et la plus pr´ecise jamais r´ealis´e de ce fond diffus cosmologique. Issu de l’analyse approfon-die des donn´ees recueillies par le satellite europ´een Planck, cette distribution de temp´erature pr´esente d’infimes variations (≃ µK), traduction d’infimes perturba-tions dans le champ de densit´e de mati`ere.

Le mod`ele standard, Λ− CDM

L’analyse complexe de ce fond primordial de photons s’inscrit dans le cadre th´eorique du mod`ele cosmologique standard. Celui-ci, baptis´e Λ− CDM s’ap-puie sur un contenue ´energ´etique s´epar´e en trois composantes d’importance assez diff´erentes.

– La mati`ere dite classique compos´ee des baryons (protons, ´electrons compo-sant le noyau des atomes) des ´electrons et de toutes les autres particules de notre environnement quotidien. Elle constitue ´egalement les ´etoiles, et le gaz interstellaire.

– Aux cˆot´es de cette mati`ere classique qui nous est famili`ere, semble co-exister une mati`ere plus ´etrange, plus sombre. Ce second constituant, appel´e mati`ere noire froide (CDM4) est au centre du mod`ele cosmologique standard actuel. Repr´esentant la majorit´e de la mati`ere dans notre Univers, celle-ci n’interagi-rait que tr`es peu avec sa consœur la mati`ere baryonique, rendant les d´etections directes difficiles. En revanche elle subit la gravitation, force dominante aux ´echelles cosmologiques, elle peut donc ˆetre d´etect´ee indirectement, par l’ana-lyse des comportements dynamiques des grands ensembles de mati`ere : les amas de galaxies par exemple. Les premi`eres hypoth`eses sur l’existence d’une

3. Mˆeme si, `a l’origine, ce fond de photons cosmologiques a ´et´e ´emis `a des longueurs d’ondes beaucoup plus courte, traduction du niveau d’´energie encore ´elev´e qui reignait `a cette ´epoque, comme tout signal lumineux il a subit l’expansion de notre Univers. C’est pourquoi aujourd’hui, ce rayonnement est observ´e dans le domaine des ondes radio.

telle mati`ere sont donc apparues pour expliquer les r´esultats, troublants, pro-venant des premi`eres ´etudes focalis´ees sur les amas de galaxies. En 1933, Fritz Zwicky (1898-1974), un astrophysicien am´ericano-suisse, observe `a l’aide du t´elescope du Mont Wilson (voir Fig.1.2) l’amas de galaxie dit de Coma (Zwi-cky, 1937). Il souhaite mesurer la masse dynamique Mdyn, qui intervient dans les ´equations r´egissant le mouvement des corps, et comparer celle-ci `a la masse lumineuse, Mlumd´eduite d’une part, de la mesure de l’´energie produite par les ´etoiles h´eberg´ees par les galaxies hˆotes de l’amas, et d’autre part, d’une distribution raisonnable de ces populations stellaires dans ces galaxies. Les mesures de dispersion de vitesse au sein de l’amas de la Coma, ´etablies par Zwicky, indiquent alors une tr`es forte diff´erence entre ces deux estimateurs, la masse dynamique ´etant environ 400 fois sup´erieure `a la masse lumineuse. A l’´epoque, les grandes incertitudes sur les mesures, coupl´ees au faible niveau de connaissance sur la distribution du gaz et des poussi`eres dans les galaxies n’ont pas permis de conclure.

Malgr´e une nouvelle mesure, bas´ee sur les mˆemes traceurs, effectu´ee par Sin-clair Smith en 1936 dans l’amas de la Vierge (Smith, 1936) l’hypoth`ese de cette mati`ere sombre restera inexplor´ee pendant pr`es de quarante ans. En effet, c’est au cours des ann´ees 1970 que l’astronome am´ericaine Vera Rubin (1928 - ) fit r´e-´emerger cette notion aux travers de ces ´etudes sur la rota-tion des galaxies spirales. Ces travaux r´esum´es en cinq articles, de Rubin et al. (1977) `a Rubin et al. (1979), d´emontrent que les vitesses de rotation des ´etoiles mesur´ees dans ces galaxies `a disques sont incompatibles avec les pr´edictions issues de la th´eorie de la gravitation si l’on ne prend en compte que la masse trac´ee par les ´etoiles Mlum. Les vitesses mesur´ees ´etant beaucoup plus ´elev´ees qu’attendu, ajout´e au fait que la vitesse ne semble pas d´ecroitre avec l’´eloignement au centre de la structure, le lien direct entre vitesse et masse dynamique permet `a Vera Rubin de postuler l’existence d’un gigan-tesque halo de mati`ere, non visible, entourant les galaxies. Cette distribution de masse semble aujourd’hui en accord avec de nombreuses mesures effectu´ees sur les groupes de galaxies (lentillage gravitationnel, Brainerd et al. (1996), McKay et al. (2001), Hoekstra et al. (2004), Mandelbaum et al. (2006a), Mandelbaum et al. (2006b), Leauthaud et al. (2010), Leauthaud et al. (2012) ).

– Le troisi`eme constituant de l’Univers, majoritaire en terme de densit´e d’´energie est, l`a aussi pr´esent sous une forme sombre. Il s’agit de l’´energie sombre.

Cette composante, intimement li´ee `a la constante cosmologique Λ, figurant dans le syst`eme d’´equations pr´ec´edent (Eqs. 2.3), n’est autre que la traduc-tion en terme de contenu ´energ´etique, de l’effet d’expansion observ´e dans nˆotre Univers. Caract´eris´e par une pression n´egative, cette ´energie noire est le moteur principal de la dilatation continuelle de notre Univers. Le mod`ele cosmologique standard nous indique qu’`a la suite de l’`ere radiative, au cœur de laquelle la densit´e d’´energie ´etait domin´ee par les photons, apr`es l’`ere de la mati`ere, notre Univers est actuellement domin´e par cette composante particuli`ere d’´energie dont l’origine exact est encore inconnue. L’entr´ee dans l’`ere de l’´energie noire s’accompagne, au vu des derni`eres mesures (superno-vae, Riess et al. (2007), Kowalski et al. (2008), Conley et al. (2011)), d’une acc´el´eration de l’expansion de notre Univers

Mod`ele et observations, un accord quasi-parfait !

Les hypoth`eses et les lois du mod`ele cosmologique standard d´eduites des ´equations de la relativit´e g´en´erale et de la physique des particules permettent d’analyser et de d´ecrire statistiquement la distribution de temp´erature, mesur´ee sur la totalit´e du ciel, par le satellite Planck (voir Fig. 2.1). L’un des outil les plus adapt´es `a cette ´etude est appel´ee, spectre de puissance. Ce dernier traduit l’intensit´e des fluctuations de temp´erature (et donc de densit´e) mesur´ees en fonction de l’´echelle spatiale.

La figure 2.2 pr´esente le spectre de puissance ´etablie par les membres de la col-laboration Planck. L’ajustement (Fig. 2.2 : courbe verte) du mod`ele cosmologique standard (Λ− CDM : Planck Collaboration et al. (2013)), aux points de mesures (en rouge sur la figure 2.2) est d’une qualit´e exceptionnelle5. Celui-ci permet de contraindre un tr`es grand nombre de propri´et´es comme l’ˆage de notre Univers, es-tim´e aujourd’hui `a 13.813± 0.058 milliards d’ann´ees, mais de donner ´egalement avec une grande pr´ecision le d´etail, en fraction, du contenu ´energ´etique d´etaill´e pr´ec´edemment. La figure 2.3 d´ecrit cette composition d´eduite des amplitudes et/ou des ´ecarts d’amplitude entre les pics du spectre de puissance (Fig. 2.2). Elle indique que la grande majorit´e de l’´energie de notre Univers se pr´esente sous une forme sombre (68.3%), la mati`ere noire occupant 26.8%, il ne reste pas plus de 4.9% du

5. L’ajustement du mod`ele standard aux ´echelles angulaires (> 1˚) conduit `a un accord d’une tr`es grande qualit´e. En revanche, ce meilleur mod`ele semble syst´ematiquement sous estimer la puissance des fluctuations aux grandes ´echelles (> 20˚). Mˆeme si cette tendance reste compatible avec la variance cosmique naturellement ´elev´ee dans ce domaine angulaire, certain cosmologiste y voit la trace d’une anomalie.

Figure2.2 –Spectre de puissance du fond diffus cosmologique mesur´e par le satellite europ´een

Planck. Aux points de mesures (rouges) est ajust´e le meilleur jeu de param`etres (6 seulement) du mod`ele standard (courbe verte). L’axe inf´erieur des abscisses indique l’´echelle spatiale en degr´es d’angle sur le ciel. L’´echelle sup´erieure des abscisses indique elle, la valeur du multipˆole (l). Aux faibles valeurs de multipˆole sont associ´ees les grandes ´echelles spatiales. Ce spectre de puissance indique que les fluctuations de temp´erature (donc de densit´e) les plus marqu´ees on une taille apparente de l’ordre d’un degr´e d’angle. Pour comparaison, le diam`etre apparent de la lune est approximativement de 0.5 degr´es d’angle. Cette ´echelle correspond `a la taille caract´eristique des fluctuations visibles en Fig. 2.1. [Cr´edit : Collaboration Planck].

contenu ´energ´etique pour la mati`ere classique. Il est alors int´eressant de remarquer que, malgr´e notre ignorance sur la composition et l’origine exacte de l’´energie noire et de la mati`ere noire, le mod`ele standard Λ− CDM, s’accorde, avec une pr´ecision d´econcertante aux observations, et plus particuli`erement aux r´esultats statistiques extrait du fond diffus cosmologique.

Homog´en´eit´e `a grande ´echelle : l’inflation primordiale

La cartographie des fluctuations de temp´erature r´ealis´ee par le satellite eu-rop´een Planck et pr´esent´ee en Fig. 2.1 r´ev`ele une extrˆeme homog´en´eit´e. En effet, les variations de temp´erature d’un point `a l’autre de cette carte ne d´epasse pas quelques µK, et ce mˆeme pour des r´egions tr`es ´eloign´ees les unes des autres. Cela signifie que l’ensemble des points visualis´es par cette cartographie, qu’ils soient s´epar´es par de courtes ou de larges distances, ont ´et´e, par le pass´e, en relation

Figure 2.3 – Le contenu ´

energ´etique actuel de notre Univers tel que mesur´e par le satellite europ´een Planck. On constate que la composante d’´energie noire domine largement (68.3%), ne laissant ainsi `

a la mati`ere, quelle soit sous forme noire ou classique, moins d’un tiers du contenu ´energ´etique (mati`ere noire : 26.8% / mati`ere classique : 4.9%). Ce diagramme nous indique donc que plus de 95% de l’´energie contenu dans notre Univers est sous une forme sombre, de nature inconnue. [Cr´edit Figure ESA : Collaboration Planck]

causale : de l’information a pu se propager entre ces r´egions, la temp´erature s’est alors ´equilibr´ee.

Ces observations posent alors le probl`eme suivant : si l’on se place dans le cas d’un Univers en expansion continue, au rythme constant mesur´e aujourd’hui alors, le rayonnement voyageant `a vitesse finie, les r´egions les plus ´eloign´ees observ´ees sur la voute c´eleste n’ont pas, dans ces conditions, pu ´echanger d’information. Les points les plus distants ne devraient alors donc pas pr´esenter une telle homog´en´eit´e. Ce paradoxe est r´esolu dans le cadre d’un mod`ele d’Univers ayant subi une forte phase d’inflation dans ses premiers instants. En effet, un tel processus, a du ´etendre consid´erablement la toile cosmique, s´eparant des r´egions proches, causale-ment reli´ees. A la fin de cette phase de dilatation, des points initialecausale-ment li´es, se sont retrouv´es extrˆemement distants, pr´esentant des distances sup´erieures `a celles accessibles au rayonnement dans le temps ´ecoul´e. L’homog´en´eit´e observ´ee est donc le r´esultat d’une thermalisation r´ealis´ee avant cette phase d’inflation.

La phase d’inflation dilatant notre Univers, s´eparant des r´egions initialement tr`es proches, impacte ´egalement la distribution des fluctuations de temp´erature et donc de densit´e observ´ee. L’ensemble des points observables de notre Univers ayant ´et´e causalement reli´es dans les temps pr´ec´edent l’inflation, la distribution des fluctuations de densit´e (δρ) s’apparente aujourd’hui `a une distribution gaussienne, traduction de cette extrˆeme homog´en´eit´e.