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Chapitre 3 Le sous-comité des bibliothèques (1967-1975) : Priorités, réalisations, échecs

3.6 Optimisation du capital culturel objectivé

3.6.1 Un développement de collections concerté

Les questions des acquisitions et de l’état des collections sont bien évidemment au cœur de plusieurs discussions. À ce sujet, toutes les études se concluent de la même façon, les bibliothèques universitaires ont « un problème de rattrapage très aigu [et] le taux des acquisitions par étudiant est nettement inférieur aux normes reconnues »393. À titre comparatif,

dans son rapport sur les bibliothèques universitaires transmis au Bureau de la Statistique du Québec le 14 décembre 1972, Greene indique que, en 1970-1971, les neuf bibliothèques universitaires et les deux centres d’études universitaires de l’UQ cumulent 6 121 586 documents imprimés et 709 005 documents non imprimés, soit respectivement 22 % et 8 % et du total canadien à la même époque394395. Rappelons qu’à l’époque, en 1971, le Québec

formait 27,9 % de la population canadienne396. Sa part des ressources documentaires est donc relativement faible comparativement au reste du pays, surtout en ce qui concerne les documents non imprimés. De plus, McGill et Laval possédant deux des plus anciennes collections au pays, on peut supposer que la proportion d’ouvrages dont les connaissances ne sont plus d’actualité est plus grande dans les collections québécoises que dans le reste du Canada.

Les bibliothèques étant incapables d’acquérir les publications courantes dont elles ont besoin pour répondre au besoin de la recherche actuelle, sans parler des nouveaux programmes, on observe un vieillissement rapide de leurs collections397. Comme nous l’avons

déjà spécifié, les bibliothécaires du sous-comité reprochent aux universités de penser pouvoir « offrir un programme illimité de cours »398, alors qu’elles devraient plutôt se répartir les

programmes d’enseignement et de recherche de manière à optimiser le développement des collections. À défaut de pouvoir faire de cette recommandation une réalité, le sous-comité

393 Roy et Bégin, Enquête relative à un plan de coordination : Rapport, 40-41.

394 Correspondance entre R. Greene et L. Laberge du Bureau de la Statistique du Québec, 14 décembre 1972.

FACREPUQ.

395 L’ensemble des établissements canadiens cumulent à ce moment 27 391 010 documents imprimés et 8 848 140

documents non imprimés selon le rapport de Greene au Bureau de la statistique. Voir Ibid.

396 Statistique Canada, « Population du Canada, par province, dates de recensement, 1851 à 1976 (tableau) », en ligne. 397 Mémoire du comité des bibliothèques de la Conférence des Recteurs en réponse au questionnaire du Conseil des

universités, 22 mars 1971. FACREPUQ.

s’entend rapidement sur la nécessité d’optimiser leur budget d’acquisition limité. Au niveau du sous-comité, différents projets sont mis sur pied en peu de temps. Ces initiatives visent la coordination de l’utilisation du capital économique en vue d’optimiser l’accumulation de capital culturel incorporé. Il s’agit essentiellement d’une stratégie de contestation, malgré qu’on puisse également relever un argumentaire subversif sous-jacent dans les appels répétés à la coordination des programmes entre universités. Cette contamination souhaitée par le microcosme de sa dynamique interne, caractérisée par la prépondérance d’activités collaboratives, à celle du champ universitaire, plutôt compétitif, traduit une volonté manifeste de bouleverser les règles du jeu de manière, on le répète, à renforcer la position des bibliothèques en facilitant leur capacité à répondre aux besoins de la recherche et de l’enseignement.

Le 20 septembre 1971, les membres du sous-comité reconnaissent la nécessité d’une plus grande coopération sur le plan régional en matière d’abonnement aux périodiques, en raison de la hausse des coûts liés à ces documents399. Le 24 avril 1972, les responsables du

développement de collections s’entendent sur la création d’une liste des abonnements courants aux périodiques par grandes disciplines en vue d’établir des ententes bilatérales entre bibliothèques pour un développement coordonné de leurs collections400. Laval s’offre pour compiler les listes d’abonnement des différentes universités et, dès le mois d’octobre, la première édition de cette liste consolidée, comprenant 18 000 titres de périodiques courants, est publiée401. Totalisant 2 700 pages divisées en six volumes, la liste est disponible au coût de 200 $402. Ce travail aura également permis aux bibliothèques de comparer leurs pratiques.

Toujours dans cette optique de complémentarité, les membres se sont entendus pour se consulter lors d’acquisition de collections de plus de 1 000 $, de manière à répartir les coûts pour, d’une part, améliorer la quantité et la qualité des ressources documentaires disponibles sur le territoire, et, d’autre part, s’assurer d’un développement de collections cohérent avec les

399 Procès-verbal de la réunion du sous-comité de la CREPUQ, 20 septembre 1971. FACREPUQ. 400 Procès-verbal de la réunion du sous-comité de la CREPUQ, 24 avril 1972. FACREPUQ. 401 Procès-verbal de la réunion du sous-comité de la CREPUQ, 12 octobre 1972. FACREPUQ.

402 Papers to be presented on cooperative developments in Quebec University librairies at the CACUL meeting,

spécialités des différentes universités403. Dans un rare élan de générosité et en respect avec les

nouvelles orientations du sous-comité, Laval cède à l’UdeM sa collection de grec moderne, totalisant 500 livres404. Suite à l’abolition du programme de grec moderne à Québec, l’UdeM

est la seule université québécoise à offrir une formation sur le sujet. Autant y concentrer les ouvrages pertinents en la matière, se disent les bibliothécaires de Laval, qui libèrent du même coup leurs rayons pour des ouvrages plus utiles à leurs usagers.

On retrouve en outre dans l’argumentaire du sous-comité une volonté de concertation et de complémentarité entre les programmes et la recherche universitaire qui reflète l’habitus même du microcosme des bibliothèques universitaires. Cette stratégie de subversion du champ universitaire, si elle avait réussi, aurait bouleversé la dynamique compétitive qui y règne au profit notamment des bibliothèques, qui pourraient mobiliser l’ensemble de leur capital économique pour acquérir un capital culturel objectivé spécifique aux orientations de leur université. Au niveau canadien, le sous-comité dépose ainsi un mémoire à la commission de la rationalisation de la recherche universitaire de l’AUCC le 23 mars 1972405. Il y défend l’idée

qu’une coordination au niveau régional et national est nécessaire afin que les bibliothèques puissent offrir des ressources documentaires adéquates. La masse de publications formant le savoir aujourd’hui étant trop grande, aucune université ne peut y arriver seule, et ce, peu importe la taille de son budget. Le sous-comité recommande également une plus grande coordination entre les organismes subventionnaires gouvernementaux qui « distribuent des subventions et, semble-t-il, sans beaucoup de coordination »406. Notons que le rapport final de l’AUCC, déposé en novembre 1972, reprend l’esprit des propositions du sous-comité407. Une

meilleure coordination dans l’ensemble du champ aurait permis aux bibliothèques de soutenir plus adéquatement la recherche et l’enseignement, ce qui aurait sans doute renforcé leur position dans la dynamique universitaire.

403 Étude d’un projet d’entreposage en commun de la documentation rarement consultée dans les bibliothèques

universitaires du Québec, octobre 1974. FACREPUQ.

404 Procès-verbal de la réunion du sous-comité de la CREPUQ, 23 avril 1974. FACREPUQ.

405 Mémoire du comité des bibliothèques universitaires du Québec à la commission de la rationalisation de la recherche

universitaire de l’AUCC, 23 mars 1972. FACREPUQ.

406 Ibid., 2.

407 Coordination des bibliothèques au Canada – Rapport du groupe d’étude de l’AUCC sur la rationalisation des