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Chapitre 2 : Les cancers de type MSI

C. Détermination du statut microsatellitaire d’une tumeur

Deux méthodes complémentaires permettent d’analyser le statut MSI d’une tumeur : l’immunohistochimie (IHC) et la réaction de polymérisation en chaîne (PCR). Ces deux techniques sont mises en œuvre sur des échantillons biologiques issus de biopsies ou de pièces chirurgicales. Actuellement, ces deux méthodes sont réalisées au service d’anatomo-pathologie et de biologie médicale de l’hôpital Saint-Antoine, de façon systématique sur tous les CCR, en parallèle et en routine.

1. Approche immunohistochimique

L’analyse du statut microsatellitaire par IHC est une méthode indirecte puisqu’elle permet de mettre en évidence la perte d’expression des protéines MMR (MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2) plutôt que l’instabilité des microsatellites que cette perte engendre. L’IHC est réalisée avec des anticorps dirigés contre ces protéines sur coupe tissulaire. A l’état physiologique, l’expression des protéines MMR est ubiquitaire et localisée dans le noyau. Dans la tumeur, les cellules normales de la muqueuse adjacente ou infiltrant la tumeur (telles que les cellules immunitaires ou les cellules des vaisseaux sanguins) constituent des contrôles positifs internes. L’analyse se fait par comparaison du marquage entre les cellules tumorales et les cellules normales (FIGURE 5A).

Les protéines MMR agissent en hétérodimères : MLH1-PMS2 et MSH2-MSH6. MLH1 et MSH2 sont stables en absence de PMS2 et MSH6, respectivement. L’inverse n’est pas vrai : PMS2 et MSH6 sont instables en absence de leur partenaire. Ainsi, une perte d’expression de MLH1 est toujours associée à une perte d’expression de PMS2 (idem pour MSH2 et MSH6), alors qu’une perte de PMS2 est isolée (idem pour MSH6). La majorité des CCR MSI étant des CCR sporadiques dus à une hyperméthylation du gène MLH1, la perte protéique la plus fréquemment observée est une perte conjointe de MLH1 et PMS2. A l’inverse, une perte conjointe de MSH2 et MSH6 ou une perte isolée de PMS2 ou MSH6 sont plus suggestifs d’un syndrome de Lynch. Le marquage avec l’anticorps anti-MLH1

25 est difficile d’interprétation et nécessite la lecture par un pathologiste expérimenté. L’utilisation conjointe de l’anticorps anti-PMS2 permet de simplifier l’interprétation, puisqu’une perte de PMS2 est presque systématiquement concomitante à une perte de MLH1 (De Jong et al., 2004).

L’IHC présente de nombreux avantages puisqu’elle est facile à mettre en place, rapide et peu onéreuse et peut donc être exploitée en routine. Cette technique présente une sensibilité de 92% (Shia, 2008). De plus, l’IHC donne une indication sur le gène impliqué dans la tumorigenèse MSI du patient. En cas de suspicion d’un syndrome de Lynch, ces informations permettent d’orienter l’analyse génétique vers un gène donné.

Cependant, plusieurs limitations sont à noter. Premièrement, le marquage peut porter à confusion dans certains cas, tels qu’un marquage cytoplasmique au lieu de nucléaire. L’interprétation des résultats d’IHC nécessite donc une certaine expérience. De plus, le marquage n’est pas toujours uniforme et la réalisation de l’IHC sur des petits échantillons (tels que des biopsies) peut manquer de sensibilité (Shia, 2008). Par ailleurs, le défaut de sensibilité peut également être dû aux mutations faux-sens qui provoquent l’inactivation fonctionnelle de la protéine sans affecter son expression, sa stabilité et sa capacité à être reconnue par l’anticorps (Baretti et Le, 2018). Des mutations tronquantes et de larges délétions en phase dans le gène MLH1 peuvent également conduire à un marquage normal en IHC, sans que le mécanisme sous-jacent soit compris (Shia, 2008). Dans les deux cas, il s’agit de faux-négatifs, puisqu’il y a marquage de la protéine alors qu’il y a effectivement une déficience du système MMR.

2. Approche moléculaire

Le phénotype MSI est caractérisé par une altération de la longueur des microsatellites dans la tumeur. Ainsi, l’analyse du phénotype MSI peut être réalisée grâce à une PCR qui amplifie des répétitions microsatellitaires non-codantes spécifiques (FIGURE 5B).

Initialement, chaque équipe utilisait des marqueurs différents, ce qui avait pour conséquence une grande variabilité dans la fréquence rapportée du phénotype MSI, même au sein d’un même type tumoral. Pour pallier à ce biais, un panel consensus de 5 marqueurs mononucléotidiques, développé par notre équipe, a été proposé (NR-21, NR-22, NR-24, BAT-25 et BAT-26) (Buhard et al., 2004; Suraweera et al., 2002). Une tumeur est considérée comme MSI si au moins 2 des 5 marqueurs présentent une variation de taille. Cette technique, connue sous le nom de « pentaplex », constitue le test de référence pour analyser le phénotype MSI en biologie moléculaire, même si beaucoup de laboratoires utilisent encore d’autres panels.

Ce panel de 5 marqueurs mononucléotidiques présente deux avantages. Comme ces marqueurs sont quasi-monomorphes dans la population mondiale, l’analyse des résultats ne nécessite

26 pas de comparaison avec l’ADN germinal du patient. D’autre part, le choix s’est porté sur des marqueurs mononucléotidiques plutôt que dinucléotidiques car les premiers sont plus sensibles et spécifiques, en particulier chez les patients ayant une tumeur extra-colique et dans le cas des cancers liés à une mutation dans MSH6 (Verma et al., 1999). En effet, MSH6 n’est pas impliqué dans la réparation des microsatellites dinucléotidiques et les tumeurs MSH6-déficientes peuvent donc apparaître faussement stables si on utilise ces marqueurs.

L’étude du phénotype MSI par biologie moléculaire est une expérience très reproductible entre différents laboratoires (Zhang, 2008) et présente une sensibilité de 93% (Shia, 2008).

Cependant, dans certains tissus, l’instabilité peut ne pas être détectée à cause de difficultés techniques comme une trop faible quantité d’ADN tumoral (Hampel et al., 2005). Par ailleurs, les mutations dans le gène MSH6 provoquent un phénotype MSI moins marqué en biologie moléculaire (Zhang, 2008). Cela s’explique par la redondance de fonction entre les protéines MSH6 et MSH3. Le dimère MutSα (MSH2-MSH6) reconnaît les mésappariements ainsi que les petites boucles d’insertion/délétion alors que le complexe MutSβ (MSH2-MSH3) reconnaît l’ensemble des boucles d’insertion/délétion. Ainsi, en cas de déficience de MSH6, MutSβ peut prendre le relais et cacher la perte d’expression de MSH6.

FIGURE 5 | Détermination du statut MSI des tumeurs

A. Immunohistochimie des 4 protéines MMR : exemple d’une perte d’expression isolée de PMS2 dans

un CCR, avec conservation des protéines MLH1, MSH2 et MSH6. B. Amplification des 5 microsatellites de la pentaplex par PCR puis migration sur capillaire et détection grâce à la fluorescence des amorces. Dans la majorité des cas, l’instabilité des microsatellites se traduit par un raccourcissement des séquences répétées dans l’ADN tumoral par rapport à l’ADN normal (symbolisé par la flèche). Adapté

de (Mojtahed et al., 2011 ; Boland et Goel, 2010).

PMS2 MLH1

MSH2 MSH6

A.

27 Les performances du diagnostic MSI par biologie moléculaire et par ICH sont comparables. Cependant, chaque technique a ses avantages et ses inconvénients et les deux méthodes fournissent des informations complémentaires.

Récemment, notre équipe a suggéré l’étude du microsatellite T17 présent au niveau d’une borne d’épissage du gène HSP110 comme nouveau marqueur diagnostique du phénotype MSI (Buhard

et al., 2016). Dans cette étude, il a été démontré que ce marqueur présente un degré de

monomorphisme encore plus important que les marqueurs de la pentaplex. En effet, seulement deux allèles sauvages (T16 et T17) ont été mis en évidence dans 1 037 échantillons d’individus de 54 populations issues de 29 régions géographiques à travers le monde (cohorte du CEPH, Centre d’Etude du Polymorphisme Humain). Ce marqueur présente une meilleure sensibilité et une spécificité identique par rapport à la pentaplex. Ainsi, cette technique serait plus simple puisque nécessitant un seul marqueur au lieu de 5.