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5. Le cadre théorique : présentation des concepts

5.2. Les concepts psychanalytiques convoqués dans ma recherche

5.2.2. Le désir

Le Centre national de Ressources textuelles et lexicales (CNRTL) définit le désir comme l’aspiration profonde de l'homme vers un objet qui réponde à une attente.

En psychanalyse, le terme désir a été traduit du mot wunsch employé par Freud (1900) et signifiant « souhait, vœu formulé ». C'est dans la théorie du rêve que se dégage le plus clairement ce que ce dernier entend par wunsch, permettant ainsi de différencier ce concept d'autres concepts proches.

Ainsi Laplanche et Pontalis (1967), pour expliciter ce concept, affirment que « dans la conception dynamique freudienne, le désir est un des pôles du conflit défensif : le désir inconscient tend à s’accomplir en rétablissant, selon les lois du processus primaire, les signes liés aux premières expériences de satisfaction. »

La conception freudienne du désir concerne donc le désir inconscient et infantile, issu des strates les plus profondes du psychisme. On ne peut désirer que ce que l’on a déjà connu. L’objet désiré est désirable en tant qu’il représente inconsciemment autre chose que lui-même, antérieurement vécu.

Le désir est dès lors cette force psychique qui perpétue la recherche de la satisfaction primordiale, qui pousse à retrouver l’expérience de la satisfaction princeps (avoir faim et recevoir de l’amour en plus de la nourriture), celle qui fonde l’expérience fusionnelle avec la mère.

Issu du tout premier ressenti de plaisir et du souhait de revivre celui-ci, le désir est donc lié à la quête du souvenir, de l’excitation émanant du besoin et de la satisfaction du besoin. Autrement dit, désirer, c’est réactiver des contenus inscrits au plus profond de son psychisme ; c’est tenter de faire revivre cette satisfaction originelle.

L’EMC est-il une discipline qui met en jeu plus qu’une autre le désir de l’enseignant ? Si ce désir se manifeste particulièrement à travers l’EMC, quels peuvent en être les effets sur la transmission de cet enseignement ? Et quel rôle le désir joue-t-il sur les difficultés des enseignants à mettre en œuvre l’EMC ? Puisqu’il s’agit d’un processus inconscient, le sujet peut-il, dans sa posture d’enseignant, le « raisonner » au besoin ? Comment peut-il « faire avec » si son désir ne coïncide pas avec la commande institutionnelle ? L’enseignant doit-il prendre conscience de ce désir pour accepter de surmonter l’embarras que lui procure l’EMC ?

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Ce désir peut-il être porteur dans le cadre de l’EMC ? À quelles conditions ? Y a-t-il une part de désir nécessaire pour accepter de se confronter à l’EMC ? Peut-il représenter une difficulté insurmontable dans la transmission de l’EMC ? Et qu’en est-il du désir de ne pas enseigner l’EMC ?

Lacan (1966) quant à lui s’est employé à recentrer la psychanalyse sur la notion de désir et à remettre celui-ci au premier plan de la théorie analytique. Dans cette perspective, il a conduit à la distinguer des notions de besoin et de demande précisant ainsi que « L’Homme désire car la satisfaction de ses besoins passe par l’appel adressé à un autre, cet appel se fait demande, demande d’amour ».

Issu de pulsions d’autoconservation, le besoin nait du sentiment de manque de ce qui est nécessaire à l’existence, à la conservation ou au développement d’un être vivant ou d’une espèce : respirer, boire, manger, dormir, se reproduire, etc. Le besoin est intimement lié au biologique. Ainsi, il apparait de manière cyclique ou sporadique suivant l’horloge biologique de l’organisme. La satisfaction du besoin est liée à l’intégrité du vivant, à l’intégrité de la vie biologique.

Alors que le désir peut se contenter d’un objet fantasmatique, intrapsychique, le besoin vise un objet réel spécifique. Il disparait en se satisfaisant complètement de cet objet.

La demande, quant à elle, est une adresse formulée d’un sujet à un autre. Si elle porte sur un objet, celui-ci n’est pas essentiel car la demande est, en son fond, demande d’amour.

En effet, la demande trouve son origine dans le cri primal du nourrisson. Ce dernier, exprimant un besoin primaire, est entendu par la mère qui interprète. En répondant « au-delà », elle transforme alors le besoin (de nourriture) en une demande (nourriture et amour).

Ainsi, toute sa vie, l’Homme, en questionnant l’Autre, demande plus qu’il n’exprime car il attend une réponse « au-delà » de sa question.

Le désir selon Lacan (1966) nait de l’écart entre le besoin et la demande ; il « s’ébauche dans la marge où la demande se déchire du besoin ».

Autrement dit, pour Lacan, le désir « n'est ni l'appétit de la satisfaction, ni la demande d'amour, mais la différence qui résulte de la soustraction du premier à la seconde. » Le désir est ce qui reste quand, dans la demande, le besoin a été satisfait ; ce qui pourrait être résumé dans cette formule « mathématique » : demande - besoin = désir.

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Si, comme l’indique Lacan, le désir nait de la soustraction du besoin à la demande, quel peut être ce besoin à satisfaire pour que le désir d’enseigner l’EMC apparaisse chez l’enseignant ?

Le refus de l’EMC est-il une demande ? Et si la demande est une adresse à un autre : À quel autre la demande de l’enseignant s’adresse-t-elle dans le cadre d’un refus de l’EMC ? L’institution est-elle en mesure d’y répondre ? Doit-elle y répondre ?