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Chapitre 2. Données quantitatives du transport routier de marchandises

1. Démographie des routiers en France

1.1 Données générales

Selon l’Enquête 2017 de l’O.P.T.L., il y a 463.500 conducteurs, répartis entre le transport routier de marchandises (T.R.M.), le transport routier de voyageurs (T.R.V.), et le transport routier sanitaire (T.R.S.). Dans l’ensemble de ces conducteurs, on dénombre parmi ces salariés itinérants 327.700 routiers en France dans le T.R.M. Parmi eux, tous ne sont pas conducteurs poids lourd. On décompte les conducteurs des véhicules utilitaires légers (V.U.L), les convoyeurs de fonds, des conducteurs de porteurs (entre 7,5 et 17 t.) et les poids lourds, selon les catégories de permis de conduire. Au niveau des super poids lourds, les transports se décomposent en zone courte et en zone longue. Les routiers que j’ai interrogés sont de zone longue et en super poids lourd pour une large majorité d’entre eux. Ils représentent 38 % de cet effectif, soit 124.526 personnes au niveau national. Par comparaison, les routiers de courte distance représentent 49 % de cet effectif global, c’est-à-dire 160.230 personnes. En conséquence, contrairement à ce qu’on pourrait penser, les routiers de zone longue ne représentent pas une majorité quantitative. En outre, tous ceux qui conduisent des poids lourds de marchandises de plus de 3,5 tonnes sont enregistrés dans la nomenclature P.C.S.-E.S.E. 2003 sous la référence 641a (Insee), indépendamment de leur secteur d’activité (T.R.M. ou autres). Les autres conducteurs (< 3,5 t.) correspondent à la référence 643a.

Encadré n° 6, Répartition des effectifs en conduite par sous famille et par activité

Source : « Enquête Tableau de bord AFT », cité par Denis SCHIRM, « Rapport 2017 de l’Observatoire Prospectif des métiers et des qualifications dans les Transports et la Logistique [O.P.T.L.] », 2018, p. 26 (80 p.).

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Dans le T.R.M., les métiers de conduite sont largement masculins, les femmes sont en effet largement en dessous des 10 %. Le transport de marchandises emploie 8.300 femmes conductrices, ce qui représente 2,53 % des conducteurs. Par ailleurs, il n’y a pas de féminisation croissante dans les métiers de la conduite (cf. encadré n° 7). Le type de véhicule conduit n’apparaît cependant pas. On observe dans le même temps une inégalité par rapport au T.R.V. qui s’accentue davantage en prenant en compte le T.R.S, où la présence des femmes est plus importante, même si elles restent minoritaires par rapport aux hommes.

Encadré n° 7, Évolution de la part des femmes dans la famille professionnelle de conduite par secteur

Source : Enquête Tableau de bord AFT, cité par Denis SCHIRM, « Rapport 2017 de l’O.P.T.L. », op. cit., p. 29 (80 p.).

62 1.2 Une répartition des âges inégale

Avec une inégalité de genre, le constat se fait aussi à la lumière de la disparité des classes d’âge des routiers que j’ai interrogés (cf. tableau n° 1). La moyenne d’âge des enquêtés de cette recherche est de 46,2 ans. La majorité de mon effectif se situe entre 41 ans et plus. Ainsi, le premier quartile de 18 à 30 ans recoupe 15 % de mon effectif, le second, de 31 à 40 ans regroupe 17,5 %, le troisième, de 41 à 50 ans regroupe 12,5 %. Le dernier, entre 51 ans et plus regroupe une large majorité à 45 %. Il y a donc une surreprésentation sociale des routiers de plus de 51 ans. De plus, la majorité s’accentue si on scinde mon groupe en deux tranches d’âge, la première 18-40 ans constitue 32,5 % du groupe, la seconde représente alors 67,5 %. Cependant, en recoupant ces résultats au niveau de la population des routiers, à nouveau selon l’O.P.T.L (2018), on obtient une courbe assez proche de mon effectif chez les conducteurs poids lourd, l’effet est même davantage accentué dans le transport de voyageurs (cf. encadré n° 9).

Encadré n° 8 : Evolution de la part des femmes dans la famille professionnelle Exploitation

(Source : Enquête Tableau de bord AFT, cité par Denis SCHIRM, « Rapport 2017 de l’O.P.T.L. », op. cit., p. 29).

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Tableau n° 1 : Répartition des classes d’âge des routiers de l’enquête

Classes d’âge Nombre %

56 et plus 11 27.5

51-55 7 17.5

46-50 4 10

41-45 5 12.5

36-40 4 10

31-35 3 7.5

26-30 4 10

18-25 2 5

Total 40 100

Moyenne 46,2

Encadré n° 9 : Structure par âge dans la conduite en 2015

(Source : Enquête tableau de bord AFT, cité par Denis SCHIRM, « Rapport 2017 de l’O.P.T.L. », op. cit., p. 36).

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L’encadré n° 10 nous donne, en fait, un aperçu sur la répartition des classes d’âge selon le genre et la faible représentativité des femmes dans le transport routier de fret (T.R.F.).

Comme l’annonce le Sylvain Moreau, la moyenne d’âge est assez importante, « au 31 décembre 2014, les salariés du T.R.F. élargi sont âgés en moyenne de 42 ans »85. L’encadré n° 11 présente, par contre, un relevé quantitatif de la répartition des routiers selon leur classe d’âge. Je n’obtiens pas tout à fait les mêmes proportions, mais la tendance générale ramène à une génération de routiers élevée en âge. En redécoupant les classes d’âge en deux (18-39 ans et 40 ans et plus), on obtient aussi une surreprésentation de la seconde tranche, dans la mesure où 67,75 % des routiers ont 40 ans et plus.

85 Sylvain MOREAU (direction de la publication), Datalab Transport, Bilan social annuel du transport routier de marchandises, Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, février 2017, p. 22 (93 p.).

Encadré n° 10 : Pyramide des âges par genre des salariés au 31 décembre 2014 en %

(Source : Sylvain MOREAU (direction de la publication), Bilan social annuel du transport routier de marchandises, Datalab Transport, Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, février 2017, p. 23 (93 p.).

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Tableau n° 2 : Recomposition des tranches d’âge des routiers du T.R.M., selon les estimations de l’O.P.T.L. (2018) de l’encadré n° 11, en pourcentages.

Classes d’âge Nombre %

58 et plus 55 060 16.8

50-57 62 004 18.9

45-49 57 503 17.5

40-44 47 472 14.5

35-39 37 175 11.3

30-34 32 721 10

25-29 22 951 7

20-24 11 338 3.4

18-20 1 503 0.4

Total 327 727 100

Parmi l’ensemble de mon effectif, il y a une majorité d’hommes (97,5 %), Belina est la seule routière que j’ai interviewée. En outre, aucune statistique ne montre le statut matrimonial des routiers. On pourrait s’attendre, au départ, qu’ils soient majoritairement célibataires. Leur récit développent des thématiques qui vont dans ce sens (i.e. : le goût pour la liberté, l’aventure, la découverte, la solitude) et pourraient renforcer cette hypothèse. La majorité des routiers montre plutôt le contraire, ils sont mariés dans 57,5 % et en concubinage dans 25 % des cas. Bien que leur métier implique un isolement social qui pourrait les contraindre au célibat, ils vivent en majorité en couple (82,5 %). Or, travailler en zone longue implique un coefficient conventionnel plus élevé et des primes journalières de nuitée et de repas (jusqu’à environ 55 à 57 €/jour) plus important qu’en zone courte. La motivation n’est

Encadré n° 11 : Estimation des effectifs en conduite par tranche d’âge.

(Source : Enquête Tableau de bord AFT, cité par Denis SCHIRM, Rapport 2017 de l’O.P.T.L., op. cit., p. 35).

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pas uniquement fondée selon le goût de la liberté ou de l’autonomie au travail, c’est aussi une nécessité pour le reste de la famille (i.e. : remboursement des prêts bancaires, études des enfants, ou lorsque la conjointe est en formation ou ne travaille pas).

« Si on n’avait pas de frais de déplacements, il n’y aurait pas d’intérêt de faire ce travail. C’est une grosse partie du salaire qui tombe chaque mois. Les frais de route c’est de l’avantage en nature. Bon moi je compte suivant les mois entre 1000 et 1100 € de frais de déplacement. Et en ce qui me concerne, je ne vais au restaurant que le soir, donc sur cette somme là je n’utilise que 250 € pas plus. Moi c’est mon budget, je le gère à ma façon ! J’ai envie de le ramener au foyer cet argent. » (Jacky, 60 ans, routier de zone longue, entretien n° 15).

Le système de transport français est par ailleurs essentiellement axé autour de l’entreprise et moins sur le travail indépendant. Le salariat est donc très significatif dans le secteur, en dépit d’une concurrence du bas-coût issue des pays de l’Europe de l’est ou du sud ibérique. On pourrait penser, par ailleurs, que les petites entreprises et l’auto-entrepreneuriat pourraient, éventuellement diminuer les coûts du transport. Cet aspect n’est pas innocent, car c’est ce qui avait justifié par le passé une régulation des prix de la marchandise, dès le début des années 1960, dont résultait l’ancienne Tarification routière obligatoire (T.R.O.) abrogée dans la seconde moitié de la décennie 1980. Le secteur du transport routier est très marqué par une présence importante des petites entreprises et l’usage du camion n’étant pas une activité réservée aux transporteurs.