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CHAPITRE I CADRE THÉORIQUE ET MÉTHODOLOGIE

1.2 Méthodologie

1.2.2 Démarches de recherche sur le terrain

En effectuant la revue de la littérature scientifique au sujet des mobilisations de femmes autochtones en Amérique latine, rien ne prédisposait à choisir le Costa Rica comme lieu de recherche. C’est justement pour cette raison qu’il a été sélectionné. Comme le Costa Rica représente un lieu d’exception dans sa région géopolitique (il en sera question au prochain chapitre), où la démocratie libérale est installée et où il y a peu de soulèvements populaires, ce pays touristique est peu présent dans la littérature scientifique critique des études autochtones.

Dû notamment à sa densité de population, une région névralgique de préservation et de revendication des cultures autochtones au Costa Rica est Talamanca. Ce qui m’a toutefois conduit à effectuer mon terrain dans cette région est que la première association de femmes autochtones m’ayant invité à les rencontrer se retrouvait au sein de ce territoire. L’effet boule de neige y est resté localisé et le court temps de présence sur place ne m’aurait pas permis de couvrir davantage de superficie.

La recherche s’est effectuée en trois temps. De prime abord, une recension des écrits a permis d’historiciser et contextualiser notre sujet d’étude (enjeux, revendications, histoire, situation légale actuelle, etc.). Cette contextualisation a posé les bases afin de développer un cadre d’interprétation ainsi qu’un guide d’entrevue afin d’aller sur le terrain mener des entretiens avec des femmes autochtones de Talamanca. Ainsi, avant de partir sur le terrain, le sujet de recherche tournait autour du processus de subjectivation politique vécu par les femmes autochtones au Costa Rica engagées au sein d’associations par et pour elles. Le terrain visait alors à se pencher sur la parole des principales concernées afin de mettre en lumière la manière dont les femmes autochtones membres d’organisations s’identifient, à travers leurs activités dans la sphère publique, afin d’identifier leurs revendications et stratégies tout en analysant les critiques et/ou transformations que leur action politique entraine sur le concept et la pratique de la citoyenneté. Ainsi, j’avais établi une liste de questions compatibles avec le type d’entrevues choisies ainsi que les objectifs de la recherche, soit des questions ouvertes, générales, neutres, courtes, simples et claires regroupées au sein de trois thématiques : l’identification personnelle, le rapport à l’engagement et le rapport à la citoyenneté. Un certificat éthique a été obtenu avant d’entamer le processus d’entrevues (Appendices A, B et C).

Durant l’étape du terrain, le travail fut double. Il a d’abord été question de mener une recension des écrits dans les centres de documentations universitaires ou étatiques ainsi qu’à la bibliothèque nationale du Costa Rica afin d’accumuler des informations difficilement accessibles au Québec. D’autre part, j’ai mené des entretiens avec des

femmes autochtones habitant le territoire autochtone de Talamanca11 au sud-est du Costa Rica, dans la province de Limón.

Par ailleurs, le processus d’entrevues a remis en question l’angle de recherche. Il faut savoir que l’association de femmes avec laquelle je m’étais entendu afin d’y faire du bénévolat pendant deux mois n’a pas été en mesure de m’accueillir tel que prévu. J’ai donc voulu me rediriger vers d’autres associations reconnues, ce qui n’a pas été chose facile. Durant ce temps, j’ai rencontré plusieurs personnes et eu multiples échanges qui m’ont fait comprendre la complexité des relations intracommunautaires et de l’hétérogénéité des situations et réalités sur le territoire. C’est pourquoi j’ai finalement interviewé sept femmes autochtones habitant le territoire de Talamanca, n’appartenant pas nécessairement à une association et provenant de différents milieux économiques et sociaux. De cette manière, j’ai pu avoir accès à une diversité de réalités et, conséquemment, de points de vue.

Cet échantillonnage dynamique a démarré auprès des membres et de la présidente de l’association de femmes autochtones rencontrée et s’est poursuivi avec l’effet boule de neige. La perte de contact direct avec l’association m’a obligé à revoir mes critères de sélection des participantes afin de plonger plus profondément dans une démarche inductive. Autrement dit, si au départ je souhaitais rencontrer des femmes actives au sein de l’association sélectionnée (que nous aborderons au chapitre III), j’ai finalement décidé de m’entretenir formellement ou informellement avec les femmes habitant le territoire. Les critères se sont donc restreints à (1) être une femme autochtone (2) adulte

(3) habitant le territoire de Talamanca. Ceci étant dit, sans pour autant que ce soit des critères, toutes les femmes à qui j’ai parlé étaient mères et cultivaient le territoire sans que ce soit leur occupation principale.

Une était cuisinière, mère célibataire de deux enfants dans le début quarantaine. La parcelle de terre familiale lui revenant étant mal située, elle a toujours travaillé sur les terres d’autrui ou de grandes compagnies agroforestières. Deux étaient membres fondatrices et leaders actuelles d’ACOMUITA. Dans la jeune cinquantaine, elles vivent aisément et sont bien entourées des membres de leurs familles respectives. Elles détiennent un très bon capital économique, culturel et politique. Dans la trentaine, une autre était conseillère pédagogique à l’école primaire et travailleuse autonome sur ses terres en plus d’être membre d’une communauté solidaire des femmes de sa région. Elle habite avec son mari et ses enfants dans une demeure plutôt confortable. L’une était tenancière du restaurant de son village et approchait de la soixantaine. Si elle avait travaillé toute son adolescence et sa vie de jeune adulte à San José comme femme de ménage, car c’était à ses frères qu’était réservé le travail sur la terre familiale, c’est aussi à San José qu’elle fit la connaissance de son mari, un non-autochtone. En attente de leur premier enfant, ils ont décidé de retourner vivre sur sa terre natale à elle et de vivre du territoire qui lui revenait de droit et d’un restaurant. Deux autres étaient des femmes vivant principalement de leurs terres et de troc, l’une ayant dans la trentaine et l’autre approchant de la soixantaine. Elles habitaient dans des maisons construites de manière traditionnelles et ne manquaient de rien, sauf parfois d’argent pour payer l’école postsecondaire aux enfants.

J’ai rencontré ces femmes dans les villages dans lesquels elles vivent présentement, bien que ce ne soit pas nécessairement leur communauté de naissance. J’ai interviewé deux femmes à Shiroles, une à Suretka, trois à Yorkin et une à Katsi. Les entrevues se

sont déroulées à leurs convenances, soit chez elle, à leur lieu de travail ou chez une personne tierce. Au final, sept entrevues semi-dirigées auprès de femmes autochtones habitant le territoire de Talamanca ont été effectuées, mais plusieurs rencontres informelles participent également de l’élaboration de cette recherche.

La troisième étape constitue l’analyse des données co-construites dans les entretiens en les recoupant avec le cadre d’interprétation préétabli et en retravaillant ce dernier aux lumières des observations et réflexions survenues pendant et après le terrain de recherche.