• Aucun résultat trouvé

E. ORGANISATION DU DOCUMENT

1.3 LES ATTENTES DES COLORISTES ET LES METHODES DE

1.3.2 Les démarches formalisées de conception de la coloration des

1.3.2.1 La démarche de Caroll M Gantz

Dans son article, tiré de la revue "Industrial Design", Caroll M. Gantz nous décrit la démarche de choix de la coloration des produits qu'il a développée dans son entreprise. Il la préconise à tous les responsables de projets de design de produits grand public. Elle se décline en cinq étapes.

1.3.2.1.1 Présentation

• 1ère étape : Recherche (dont les recommandations représentent 50% de la solution)

Un groupe de recherche (composé, par exemple, du chef de projet, d'un coloriste-conseil et d'une agence spécialisée dans la prospective) identifie les couleurs qui se vendent le plus, les couleurs à la mode et les tendances des marchés pour les années à venir.

• 2ème étape : Analyse du projet (dont les recommandations représentent 20% de la solution)

L'équipe de conception (composée, par exemple, du chef de projet, du mercaticien, du designer et des responsables de l'ergonomie et de l'industrialisation) définit les objectifs du projet. Elle positionne le nouveau produit par rapport à ses concurrents et identifie les contraintes mercatique, design et industrielles.

• 3ème étape : Synthèse des données (dont les recommandations représentent 15% de la solution) L'équipe de conception composée, par exemple, du chef de projet et d'un mercaticien, d'un designer et d'un responsable de l'industrialisation, synthétise les attentes des différents services de l'entreprise. Elle propose des échantillons de couleurs satisfaisant les différentes attentes et compose les harmonies au sein du produit.

• 4ème étape : Maquettage coloré (dont les recommandations représentent 10% de la solution)

Le responsable du projet, les responsables mercatique et design ajustent les colorations en étudiant les harmonies du volume, l'harmonie de la gamme de produit et le positionnement de chacune des maquettes par rapport aux produits concurrents. Ils vérifient la réponse apportée par les colorations aux attentes initiales. A l'issue de cette phase ils formulent des recommandations précises et déterminent des critères de choix précis.

• 5ème étape : Décision (dont les recommandations représentent 5% de la solution)

Les colorations sont présentées aux décideurs éventuellement appuyées par les résultats d'un test consommateur pour une validation de la recommandation. Le test de vente est la seule méthode pour obtenir une mesure sérieuse des préférences du marché, mais si le travail de conception amont est fait consciencieusement, ses résultats ont peu d'incidence sur la recommandation.

- 24 - Problématique

Cette démarche a pour première qualité son opérationnalité. En effet, aux dires de son auteur, elle a été utilisée avec succès à de nombreuses reprises. Cependant un point sombre subsiste ; si la détermination qualitative des "couleurs à la mode" repose sur des méthodes connues [CHRISTOFOL, 1995], la détermination des couleurs les plus vendues et de leurs utilisations nous semble hasardeuse pour trois raisons :

- lors de la décision d'achat, la couleur interfère avec le design, la marque, le prix et l'ensemble des qualités du produit. Comment une étude peut-elle dissocier la part de la

couleur dans le volume des ventes ? Cela peut se déterminer lors d'enquêtes menées sur un

ensemble limité de secteurs d'activités, sur certains produits proposés dans des couleurs données. On imagine, compte tenu de l'ensemble des variables, l'importance de l'étude qui veut rendre compte des couleurs les plus vendues aux États Unis d'Amérique ou en Europe ! - les couleurs ne suscitent pas des comportements identiques suivant les secteurs d'activités, les produits et les caractéristiques culturelles ou socioprofessionnelles du

consommateur ciblé. De plus, un même consommateur aura des comportements d'achat

différents suivant qu'il recherche un produit pour son travail ou ses loisirs, pour des activités sportives ou culturelles, pour ses vacances ou sa vie quotidienne… Ainsi les couleurs de carrosserie de Mercedes les plus vendues ne sont pas les couleurs de gants de ménage Mapa les plus vendues. De même, un cadre supérieur, qui ne s'habille qu'en costume sombre à son travail, peut ne porter que des combinaisons de ski multicolores aux sports d'hiver. Dans ces conditions, comment les concepteurs peuvent-ils utiliser des données aussi générales que "les couleurs les plus vendues"? Il est dangereux de suivre une tendance à partir de données purement quantitatives, sans savoir sur quels fondements qualitatifs elles s'appuient. Les décideurs choisissent alors une stratégie de suiveur, sans savoir si elle correspond au positionnement de leur produit ou à l'image de marque de leur entreprise.

L'auteur préconise l'utilisation de sa démarche pour la détermination des colorations de l'ensemble des produits grand public. Cette démarche n'accorde que 50% du choix de la solution de coloration à la prise en compte des spécificités du projet. Comme les 50% initiaux correspondent à la sélection des "couleurs les plus vendues", nous considérons que cette démarche et adaptable et pertinente pour les projets pour lesquels l'objectif principal est de concevoir un produit "à la mode".

Cette démarche permet au coloriste d'exprimer sa créativité lors des trois phases centrales mais comme la première partie de ce document l'a présenté, cette démarche néglige des domaines d'expression du phénomène coloré qui sont des sources importantes de créativité : - les techniques de coloration ne sont abordées qu'à travers la prise en compte des contraintes de l'industrialisation. Ce domaine n'est pas qu'un critère de sélection des solutions industrialisables. Il peut être une source de propositions de colorations créatives issue de transferts ou d'innovations technologiques.

- en général, l'ensemble des données propres au projet, comme la nature de l'entreprise, son image de marque, l'historique de sa politique de coloration de ses produits, de sa communication publicitaire et institutionnelle, l'adaptation des produits nouveaux aux spécificités du marché ou à une cible de consommateurs particuliers, ne semblent pas être pour l'auteur des sources de créativité majeures propres à faire évoluer la coloration du produit.

- de même, l'auteur ne s'intéresse pas à l'étude d'univers chromatiques qui permettrait un positionnement très ciblé du produit et qui nécessiterait éventuellement le recours à des colorations jusqu'alors peu vendues.

- la volonté de l'auteur de proposer une démarche rationnelle et déductive laisse peu de place aux raisonnements inductifs, analogique ou abductifs qui sont les raisonnements prisés par les coloristes, designers, artistes et autres "créatifs" des entreprises.

1.3.2.1.3 Conclusion

Le processus décisionnel de ce modèle est très normalisé. Cette normalisation devait convenir aux concepteurs et aux décideurs de l'entreprise Black & Decker. Mais elle nous semble un frein important à l'adaptation de cette démarche à d'autres entreprises et surtout à des finalités différentes de celle induite par la démarche : colorer un produit dans une teinte qui fait partie des couleurs les plus vendues. Il faut être déjà familiarisé avec les divers outils du coloriste et de la conception de produit pour comprendre la mise en oeuvre et les pièges d'une utilisation "à la lettre" de cette démarche.

- 26 - Problématique