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1. Introduction des personnages dans la narration en amharique

1.1. La définitude

La définitude (Lyons, 1999) représente le concept d’identifiabilité « identifiability », la facilité qu’à l’interlocuteur à identifier le référent. En amharique, l’article défini n’est utilisé que quand le référent est déjà dans la mémoire discursive. La langue n’a pas d’article indéfini à proprement parlé, et c’est l’absence de détermination ou l’utilisation du numéral and « un » qui signale la non identifiabilité du référent comme illustré ci-dessous :

(87) a. selä sost gwadäNam-occ näw

de trois RECIP.ami-PL c’est

c’est à propos de trois amis

b. ennäsu-mm leJ wesha enQurarit näbbär-u eux-mm garçon chien grenouille COP.PS-3PL

eux, (ils) étaient un garçon, un chien, une grenouille (hab-12)

Les trois personnages principaux sont introduits par un terme générique (hyperthème) montrant leur relation (87) a et leur nombre, mais pas leur identité. La suite (87) b, le pronom s’y référant crée un lien vertical pour désigner les trois amis individuellement (le morphème -mm sera analysé plus loin). L’amharique est une langue à sujet nul, l’apparition du pronom sujet ennäsu « ils, eux » marque une emphase (eux, ces amis-là). Dans l’exemple qui suit, les personnages sont introduits dans leur structure définie :

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(88) a. wesha-w enQurarit-u-n y-ay-ä-w-al

chien-DET grenouille-DET-ACC 3M-regarder.INAC-O.3M-AUX

le chien regardent la grenouille

b. leJ-occ-u-nna wesha-w täNNet-äw-al

garçon-PL-DET-et chien-DET dormir.GER-3PL-AUX

les enfants et le chien dorment (hel-5)

Les personnages sont présentés comme connus. Les syntagmes nominaux définis pour la première mention des personnages sont fréquents chez les jeunes74. Les enfants sont sensibles à l’existence d’un savoir partagé, ils ne sont pas encore en mesure de se soustraire de la situation d’énonciation (Hickmann, 2004). En outre, il leur arrive d’introduire un personnage avec une forme pronominale morphologique comme illustré ci-dessous :

(89) a. and wesha näbbärä

un chien Exist.PS il y avait un chien

b. enna enQurarit y-ay-allu

et grenouille 3PL-regarder. INAC-AUX.3PL

et, ils regardent une grenouille (ils = le garçon et le chien) (bark-5)

Dans l’exemple ci-dessus, le chien et la grenouille sont introduits nominalement. Pour le contexte, la marque morphologique pronominale « ils » en (89)b fait référence au garçon et au chien, alors que le garçon n’est pas encore introduit, sa présence est comme évidente pour les enfants. L’exemple suivant pose aussi des problèmes de référence ; le garçon, le chien, de même que la grenouille sont introduits dans leur structure définie (avec un déterminant). Bien que la grenouille soit partie (90)e pendant que le garçon dormait (90)d, rien ne signale que c’est bien une grenouille que le garçon a montrée au chien (90)c :

(90) a. leJ-u l-i-taNNa näw

garçon-DET pour-3M-dormir.INAC AUX.PR

74 Les participants avaient été sollicités à raconter une histoire comme si celle-ci était inconnue de leur interlocutrice (moi-même).

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le garçon va dormir (litt. le garçon est pour dormir)

b. käzza wesha-w mäTT-a-nna

après chien-DET venir. ACP-3M-et après, le chien est venu, et

c. leJ-u lä-wesha-w asay-ä-w

garçon-DET pour-chien-DET montrer.ACP-3M-O.3M le garçon a montré au chien

d. käzza täNNet-o leJ-u

après dormir.GER-3M garçon-DET après, ayant dormi, le garçon

e. enQurarit-u wäTT-a

grenouille-DET sortir. ACP-3M le crapaud est sorti (meqd-5)

Ces exemples sont nombreux dans notre corpus, l’enfant est focalisé sur le garçon et se contente souvent de décrire ce qu’il fait ou ce qu’il lui arrive comme dans l’exemple ci-dessous :

(91) a. enna yaNNaw dämmo zaf lay enQurarit s-i-l

et celui.là dämmo arbre sur grenouille quand-3M-dire.INAC quant à celui-là, quand il dit « grenouille » sur l’arbre (celui-là = le garçon) b. essu dängeT-o

lui sursauter.GER-3M lui, ayant sursauté (le garçon)

c. wedq al-ä

tomber.brusquement AUX.ACP-3M

(il) est tombé brusquement d. enna a-bbarrär-äcce-w

et CAUS-voler.ACP-3F-0.3M

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Même si l’on peut comprendre que le garçon puisse avoir peur (91) b sans raison explicite, le fait d’être chassé (91) d nécessite un agent qui devrait être mentionné. Pour cette séquence, il s’agit de la chouette. Ce genre d’omissions n’arrive pas qu’au tout petit, à une moindre fréquence certes, mais nous l’observons jusqu’à 10 ans.

La procédure des adultes pour introduire les personnages secondaires est beaucoup plus élaborée. Ils explicitent les différentes étapes qui ont conduits à leur découverte comme dans l’exemple ci-dessous :

(92) a. leJ-u […] and gudgwad y-agäN-al garçon-DET un trou 3M-trouver-AUX. Le garçon […] trouve un trou

[…]

b. käzza gudgwad wesT yä-näbbärä-cce-w ayeT

ensuite trou dans qui-Exist.PS-3F-DET souris

ensuite, la souris qui était dans le trou

c. leJ-u-n wätt-a

garçon-DET-ACC sortir.GER-3M

le garçon, (elle) étant sortie d. te-bwaCerä-w-alläcc

3F-griffer.INAC-O.3M-AUX (elle) le griffe (tihi-21)

(la souris qui était dans le trou sort et griffe le garçon)

Le groupe sujet (7)b est défini. L’emploi de la structure relative présente l’existence d’une souris, là où il y a un trou, comme une évidence.

La figure ci-dessous montre les pourcentages des moyennes de l’utilisation de la structure définie, indéfinie, du démonstratif et du sujet nul (SN).

Figure 10 : Moyenne des % de la détermination dans l’identification des personnages animés

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Le sujet défini et indéfini introduit les personnages nominalement ; avec le sujet nul (SN) ils sont seulement marqués morphologiquement sur le verbe, ou seul le genre et le nombre sont exprimés.

Les enfants sont souvent influencés par le contexte d’énonciation. Les données montrent qu’ils ont introduit le garçon à plus de 73% dans sa structure définie, de même qu’ils emploient des pronoms personnels plein ou morphologiques. Chez les adultes, la structure de l’indéfini s’élève à plus de 93%.