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Définitions des prinicpaux termes et sigles utilisés par le rapport ESPON 1.1

B – Une structuration volontariste ?

Encadré 2.2 Définitions des prinicpaux termes et sigles utilisés par le rapport ESPON 1.1

Le second concept sur lequel repose le renouvellement de l’analyse de l’armature urbaine européenne est celui de MEGA qui désigne les 76 agglomérations qui obtiennent les valeurs les plus élevées pour l’ensemble des indicateurs. La liste des villes faisant partie de cette catégorie est tributaire des indicateurs pris en compte et peut sembler discutable [Carrière, 2005]. Cependant, le mérite de cette typologie réside surtout dans la discussion autour du rôle de ces MEGA dans la construction du polycentrisme. En effet, elles sont potentiellement les aires de contrepoids du pentagone central de l’Europe (pour celles qui n’y sont pas localisées). Afin d’affiner les résultats, les auteurs développent une deuxième typologie en croisant des indicateurs de masse, de compétitivité, de connectivité et de niveau de connaissance des populations ; ce qui leur permet de définir cinq sous catégories de MEGA. Au final, peu de MEGA faisant partie des catégories supérieures sont localisées en périphérie. Dès lors, afin de ne pas faire des métropoles périphériques les seuls points possibles d’une structure polycentrique, il est nécessaire de définir une typologie des villes intermédiaires structurées en réseau dans ces régions.

Afin de répondre à cette attente, les auteurs du rapport définissent un troisième concept, celui de PUSH. Ce concept est construit sur la base d’une proximité temporelle qui peut être selon Carrière [2005] « une condition préalable à l’intégration fonctionnelle des territoires et à la construction du polycentrisme par la mise en réseau des villes, dès lors que cette stratégie est pensée comme fondée sur la promotion de nouveaux nœuds assez forts pour contrebalancer le pentagone ». Cependant, le même auteur souligne les limites d’une telle approche dans le sens où elle définit l’intégration fonctionnelle plus par la proximité morphologique (les masses) que par l’intensité des flux d’échanges. Nous verrons dans la suite de cette analyse que pour restrictive qu’elle soit, cette entrée par la distance temps nous paraît cohérente dans la mesure où nous montrerons que les interactions spatiales entre les entités géographiques sont mieux captées par cette distance temps.

La définition des PUSH est une étape intermédiaire vers la définition du quatrième concept mis en lumière par le rapport, celui de PIA. Elles sont présentées comme de véritables aires potentielles de planification. Comme le note Carrière [2005], c’est en appliquant « un principe d’agrégation transitive, privilégiant un critère de

proximité temporelle, que sont définies les PIA ». Il est donc question de régions urbaines définies de façon extensive et vues comme des espaces potentiels de coopération et de planification stratégique.

Conclusion

Il apparaît que le modèle centre-périphérie est une clé de lecture satisfaisante de la structure de l’espace européen. Cette configuration est tout à la fois le résultat de l’histoire [Hohenberg et Lees, 1992 ; Moriconi-Ebrard et Pumain, 1996] mais aussi, comme nous l’avons montré dans le chapitre 1, la conséquence d’un processus d’intégration économique qu’a connu l’Union européenne durant les cinquante dernières années [Krugman, 1991a, 1991b]. La réalité du modèle centre-périphérie au sein de l’espace européen est patente et ce quelle que soit l’échelle d’analyse envisagée. De plus, cette structuration est non seulement très inégalitaire en termes de développement mais elle est aussi cumulative [Krugman, 1991b ; Jayet, Puig et Thisse, 1996].

En réaction à ce processus parfois qualifié d’inévitable, les autorités européennes ont décidé de mener une réflexion sur un aménagement du territoire européen différent avec une répartition des activités et des individus plus équilibrée. L’alternative proposée est celle du polycentrisme qui est l’un des objectifs du SDEC, document synthétisant l’ensemble des réflexions concernant l’aménagement du territoire au niveau européen. Cette stratégie vise à « parvenir à un développement plus équilibré et durable de l’Union européenne » [Commission Européenne, 1999] et s’opposant au processus d’hyperconcentration en cours dans le pentagone européen.

L’analyse spatiale nous permet de mettre en lumière les fondements théoriques d’une telle vision ainsi que les modalités spatiales privilégiées. Ainsi, c’est d’abord au travers des coûts générés par le modèle monocentrique que la stratégie polycentrique peut trouver des justifications théoriques [Richardson, 1977]. En effet, passé un certain seuil, la concentration des agglomérations risque de produire des externalités négatives favorisant la dispersion [Brakman et al., 1996]. Ensuite, la relation en I reliant

concentration géographique et coûts de transport met en évidence la possibilité de redispersion [Thisse, 2002], dans une troisième phase, le polycentrisme peut être envisagé pour organiser cette dispersion lorsque qu’elle se produit. Enfin, les infrastructures publiques peuvent jouer un rôle central dans l’établissement d’un développement polycentrique de l’espace européen [Catin, 1997 ; Martin et Rogers, 1995 ; Martin, 1998a, 1998b]. A noter que l’analyse urbaine, au travers du

modèle de Sasaki et Mun [1996], peut être mobilisée afin de montrer les conditions d’émergence de structures polycentriques.

En outre, nous avons mis en avant les modalités de mise en œuvre du SDEC. En effet, même si ce document n’est pas contraignant, certaines orientations semblent avoir été entendues par la Commission et les Etats membres. Cette stratégie est basée sur un principe de coordination / coopération [Virol et Lacour, 2005] dans le sens où il vise à mettre en réseaux les territoires, les villes afin d’enclencher un processus d’intégration fonctionnelle. L’idée est de permettre aux espaces périphériques une taille critique suffisante pour pouvoir contrebalancer le poids du pentagone. Afin de mener à bien cette stratégie il est nécessaire d’avoir une vision multiscalaire [Carrière, 2002] puisque ce développement polycentrique ne doit pas se réaliser seulement à l’échelle macro mais bien à toutes les échelles de l’espace. Enfin, nous avons vu que le rapport ESPON identifiait de nouveaux concepts au niveau de l’armature urbaine afin de satisfaire aux principes de coordination / coopération et donc d’intégration fonctionnelle de l’espace.

Dès lors, au regard de ce chapitre, plusieurs questions se posent à nous et restent pour l’instant en suspend. D’abord, nous avons vu, d’un point de vu théorique, que l’espace européen était caractérisé par une concentration relativement forte. Mais comment quantifier et qualifier cette concentration ? Ensuite, s’il est clair que l’organisation spatiale polycentrique n’est pas une phase du monocentrisme mais bien une alternative à ce dernier, les modèles théoriques de la nouvelle économie géographique ne nous permettent pas les discriminer par leurs performances économiques. En effet, le modèle polycentrique serait en théorie économiquement plus efficace du fait de sa capacité supérieure à diffuser la croissance. Dès lors, ce sont les interactions entre régions qui sont au centre de la problématique du polycentrisme. Enfin, si l’on peut montrer qu’il existe bien des interactions entre les régions et que ces interactions sont susceptibles de permettre la diffusion de la croissance, un autre problème se pose : vers quelle politique régionale européenne va-t-on s’orienter ? En effet, nous avons vu que les coûts de « la migration » d’un modèle vers l’autre sont extrêmement importants du fait de la force d’inertie du modèle monocentrique [Jayet, Puig et Thisse, 1996]. Par conséquent, une opposition centrale en termes de politique régionale va apparaître. Doit-on garder cette politique telle qu’elle est maintenant, c'est- à-dire une politique allouant des fonds aux régions les plus en difficultés sans se soucier

de leurs liens avec leurs voisines. Dans ce cas, c’est une logique de convergence qui est prônée. Ou bien doit-on choisir une nouvelle orientation vers le polycentrisme avec un développement plus équilibré du territoire européen ? C’est à l’ensemble de ces questions que nous allons tenter de répondre dans la suite de notre travail.

CHAPITRE 3

LA CONFIRMATION DE LA

CONCENTRATION GLOBALE DE L’ESPACE