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CONCENTRATION GLOBALE DE L’ESPACE EUROPEEN

Introduction

L’économie mondiale est traversée par deux courants d’intégration distincts : d’une part un processus de mondialisation qui se traduit par une libéralisation accrue des échanges de biens, de services et des mouvements de capitaux à l’échelle de la planète et, d’autre part, un processus de formation de blocs régionaux dont les degrés d’intégration institutionnelle sont plus ou moins profonds [Mouhoud, 1996 ; Oman, 1997]. Bien que ces deux mouvements soient interdépendants, leurs effets sur la croissance économique et la répartition géographique des activités diffèrent selon l’horizon temporel considéré et le degré d’asymétrie initiale du niveau de développement des différents territoires considérés.

Au sein de l’Union européenne les relations entre intégration économique, croissance et asymétries structurelles sont complexes. Sous certaines conditions, on débouche sur un espace où l’intégration garantit la croissance, s’accompagne d’une concentration des activités renforçant à son tour les bénéfices de l’intégration, tout en générant de fortes disparités structurelles. Dans ce contexte, des auteurs se sont intéressés à la répartition géographique de la richesse au sein des régions européennes [Neven et Gouyette, 1994, 1995 ; Martin, 2001]. Cette analyse nous est apparue importante pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la réduction des coûts d’interaction issue de la baisse des coûts de transport et de la poursuite du processus d’intégration économique couplée au développement des nouvelles technologies de la communication et de l’information n’ont pas entraîné une réduction sensible de l’inégale répartition des activités et des hommes sur le territoire européen. Au contraire, il semble qu’il y ait eu un processus de renforcement des concentrations déjà existantes. Cette analyse de la répartition géographique de la richesse met en évidence le lien existant entre disparités économiques et localisation géographique, révélant la persistance de l’inégale répartition de la richesse sur l’espace européen, exemple frappant du schéma centre- périphérie décrit notamment par la nouvelle économie géographique [Krugman, 1991a, 1991b].

Ensuite, ce type d’analyse nous permet de voir comment évolue dans le temps la relation unissant ce schéma de disparités et le relatif dynamisme des régions « pauvres » soutenu par les politiques structurelles européennes.

L’analyse que nous souhaitons mener vise à établir et qualifier le lien existant entre la localisation des régions et leur situation économique évaluée par les PIB par tête régionaux (et leur taux de croissance moyen), la question sous-jacente étant de savoir quelle est la structure globale de l’espace européen ? Nous souhaitons donc savoir quelle est la dynamique spatio-temporelle de la distribution des PIB par habitant des régions européennes, sur les périodes 1980-2002 et 1991-2002. Pour ce faire, nous utiliserons les outils de l’économétrie spatiale qui nous permettront d’appréhender la forme de la concentration spatiale globale au sein de nos échantillons. En effet, la présence d’une autocorrélation spatiale globale indique que la localisation des régions européennes ne s’effectue pas de manière aléatoire mais au contraire se caractérise par une concentration spatiale de régions ayant des valeurs similaires (de taux de croissance des PIB par tête ou de PIB par habitant). Si tel est le cas, nous aurons la confirmation que l’espace européen est marqué par une concentration globale.

Nous étayerons notre étude par les méthodes de l’analyse exploratoire des données spatiales [Anselin, 1995].

Notre démarche s’articulera comme suit : d’abord, nous décrirons les bases de données (Cambridge Econometrics : The European Regional Database et Eurostat- Regio) et les échantillons (252 et 184 régions ainsi que les espaces Interreg IIIb) sur lesquels repose l’analyse ainsi que les précautions méthodologiques inhérentes à l’utilisation de tels outils.

Ensuite, après avoir vu que l’économétrie spatiale nous offre des outils susceptibles d’affiner l’analyse des processus de croissance et d’interactions entre régions, nous définirons les effets spatiaux qui en découlent. Nous nous concentrerons alors sur la définition des matrices de pondération comme instrument de représentation des interactions spatiales. Après avoir présenté les plus usuelles, nous expliquerons pourquoi il nous a semblé indispensable de dépasser ces modélisations trop restrictives et de construire des matrices de poids en analogie au modèle gravitaire. L’idée est ici d’intégrer au sein de ces matrices des éléments que la théorie spatiale, notamment la

nouvelle économie géographique, qualifient comme étant à la base des interactions spatiales et des dynamiques d’intégration régionales (population, infrastructures de transport et distance temps).

Enfin, à l’aide de la statistique I de Moran, nous détecterons l’autocorrélation spatiale globale26 afin d’analyser le lien qui existe entre les disparités économiques et la localisation géographique des régions au sein de nos différents échantillons. En outre, cet outil économétrique permettra de confirmer que la structure de l’espace européen est caractérisée par une concentration globale. Cette analyse se déroulera en deux temps : d’abord en dynamique, où nous constaterons que l’utilisation des matrices gravitaires et de la distance temps met en lumière la forte discontinuité des interactions dans l’espace ; le processus de concentration globale se situant alors dans un champ de dépendance spatiale élargie. Ensuite une analyse statique, suite à laquelle nous verrons que la distance kilométrique reste prégnante, caractérisant une concentration globale fondée sur la contiguïté. En outre, en parallèle nous mènerons une analyse similaire sur les espaces Interreg IIIb afin de savoir s’il existe au sein de ces espaces, définis de manière exogène par la Commission, des interactions entre les régions susceptibles de justifier un tel découpage. En effet, la mise en place de ces « macro-territoires » répond à l’objectif énoncé dans le SDEC et repris par la Commission, de tendre vers un développement spatial équilibré, vers ce que nous nommons une concentration polycentrique.

26 Tous les résultats des tests présentés dans ce chapitre sont établis à l’aide du logiciel SpaceStat 1.91.

Section 1 - Description et précautions méthodologiques

concernant les données et les échantillons utilisés

Dans la littérature concernant l’étude des disparités économiques existant sur l’espace européen, la base de données Eurostat-Regio est généralement utilisée [Le Gallo, 2002 ; Dall’erba, 2004a ; Lopez et al., 1999]. Cependant, cette banque de données peut se révéler être insuffisamment complétée lorsque l’on désire étendre la période d’étude. Ainsi, notre choix s’est porté sur la base de Cambridge Econometrics :

The European Regional Database. Dans cette section, nous souhaitons rappeler

certaines précautions méthodologiques concernant l’utilisation de cette base de données puis présenter les échantillons sur lesquels portera notre étude.