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Partie I : Introduction, problématique et méthodologie

1.3 Contexte, définitions et statistiques

1.3.1 Définitions

1.3.1.1 « Migrant très qualifié »

La catégorie de « migrant très qualifié »5 est hétérogène. Une variété d’expressions est

utilisée qui réfère soit au niveau d’études (tertiaire ou plus), à celui de compétences (par ex., cadre), au titre d’emploi (ex. informaticien, ingénieur) ou au secteur occupationnel (par ex., profession en sciences). En fait, l’hétérogénéité des catégories utilisées et le manque de consensus rendent les comparaisons difficiles sur le plan international (cf. Batalova et Lowell 2006; Iredale 1999; Koser et Salt 1997; Nedelcu 2001; OCDE 2002). De façon générale, le niveau de scolarité ou le type de profession sont les plus fréquemment utilisés, où, selon les sociologues Jeanne Batalova et Lindsay Lowell (2006 : 86) « economists often opt for education, while demographic and sociological researchers almost always opt for occupation ». Une définition idéale, selon ces mêmes auteurs, est l’utilisation d’une classification qui tient compte à la fois du niveau d’éducation et de la profession. Au Canada, le niveau d’éducation est l’indicateur le plus couramment utilisé (nous l’abordons plus en détail dans la section 1.5.1. « Approche du capital humain »). Au Canada, en 2006, 1,5 million de personnes immigrantes âgées de 15 ans et plus ont complété des études universitaires, dont 41 % dans des domaines conduisant à l’exercice d’une profession réglementée (Zietsma 2010)6.

4 Soulevant des défis par rapport à leur intégration professionnelle, aspect développé dans la

prochaine section (1.4. Parcours d’intégration professionnelle).

5 Ou « migrant hautement qualifié » (« highly qualified migrant »).

6 À titre comparatif, selon les données du recensement de 2006, 42 % des personnes immigrantes

arrivées au Canada depuis 2001 sont titulaires d’un diplôme universitaire, contre 16 % pour les Canadiens de naissance (Zietsma 2010).

1.3.1.2 « Médecin diplômé à l’étranger »; « diplômé international en médecine »

Tout comme la catégorie de « migrant très qualifié », celle de « médecin diplômé à l’étranger » est complexe. La grande variabilité des statuts de ces médecins peut confondre le néophyte; d’autant plus qu’un Canadien de naissance peut avoir complété sa scolarité à l’extérieur du pays. Au Canada, « international medical graduate (IMG) » correspond à :

« Une personne dont le diplôme en médecine a été décerné par une faculté de médecine qui ne fait pas partie des facultés de médecine canadiennes (agréées par le Comité d’agrément des facultés de médecine du Canada [CAFMC]) ou américaines (agréées par le Comité de liaison sur l’éducation médicale [LCME]). » (Groupe ressources humaines en santé 2013 : 1)

Au Québec, le Collège des médecins du Québec et plus largement le milieu de la santé utilisent communément le terme « médecin diplômé hors du Canada et des États-Unis (DHCEU) » (Gouvernement du Québec 2009). Dans la littérature francophone canadienne, le terme « diplômé international en médecine » (DIM, traduction d’IMG) est couramment utilisé. Au final, ces expressions réfèrent à des citoyens ou des immigrants reçus qui ont étudié la médecine à l’extérieur du Canada ou des États-Unis (Dauphinee 2003; Groupe ressources humaines en santé 2013). Groupe hétérogène, chacun de ses sous-groupes soulève des enjeux politiques distincts. Ils incluent7 :

1) des Canadiens qui ont poursuivi leurs études à l’extérieur;

2) des non-Canadiens, médecins avec un permis de pratique restrictif, recrutés8

pour répondre à des besoins particuliers soit comme professeurs-chercheurs universitaires ou comme spécialistes dans une région éloignée. Ces médecins peuvent être sur un visa de travail temporaire ou être immigrants reçus9;

3) des non-Canadiens, médecins avec un permis régulier qui ont fait le processus de reconnaissance via l’externat ou la résidence (qui sont immigrants reçus); 4) des étudiants (visa trainees), soit recrutés par le Canada ou commandités par leur

pays d’origine (visa temporaire comme étudiant).

Les statistiques officielles ne distinguent pas nécessairement ces sous-groupes, ce qui peut en compliquer les analyses. Retenons que pour chacun de ceux-ci l’accès au permis de pratique comme médecin est très variable et requiert des investissements de temps et

7 Typologie inspirée de Barer et Stoddart (1992).

8 À noter qu’une lettre d’embauche d’un établissement de santé ne garantit pas l’accès au permis

restrictif. Le Collège des Médecins doit avaliser le processus tandis que le DIM doit passer certaines évaluations. Ce point sera précisé dans les analyses.

d’énergie contrastés (démarches de quelques mois pour certains, de plusieurs années pour d’autres) (Audas et al. 2005; Barer et Stoddart 1992; Barer et Webber 1999).

De même, différentes expressions sont utilisées selon les contextes nationaux, définitions qui ne se recoupent pas nécessairement. Ainsi, dans les contextes australien et américain où l’appel à des médecins étrangers est fréquent pour répondre aux besoins de leurs populations dans des régions mal desservies, le terme courant est « international medical graduates ». Ceux-ci ont le plus souvent un visa de travail temporaire (donc n’entrerait pas dans les statistiques sur les migrants permanents établis au pays), mais les auteurs ne l’explicitent pas toujours. Il est donc assez difficile de départager la littérature à ce sujet. Par ailleurs, d’autres études américaines vont aborder la thématique de minorité ethnique pratiquant la profession médicale (seconde génération ou descendants d’immigrants). D’un autre côté, en Grande-Bretagne, « overseas trained doctors » réfère le plus souvent à des étudiants étrangers, tandis que « refugee doctors » à des médecins réfugiés (et immigrants). La distinction est ici d’importance, car l’intégration des réfugiés serait doublement éthique : elle permet de ne pas contribuer à la fuite des cerveaux de migrants qualifiés des pays du tiers-monde, et elle favorise la justice sociale en intégrant des médecins non reconnus vivant sur le territoire, tout en donnant accès à la population locale à leur expertise (Borman 2004; Jackson et al. 2004). En France, le terme « médecin étranger » est couramment utilisé. Ajoutons que les références européennes commencent à distinguer les « médecins diplômés à l’étranger intra ou extra Union européenne » (la situation des médecins diplômés hors de l’Union européenne pourrait s’apparenter à celles des médecins DHCEU du Québec en termes de difficultés accrues) (Séchet et Vasilcu 2012b). Au Canada, les travaux portent le plus souvent sur les médecins ayant étudié à l’extérieur du Canada et qui ont un statut de résident permanent, par exemple les analyses tirées des recensements de Zietsma (2010) et Boyd (2013).

En définitive, diplômé international en médecine ou médecin diplômé à l’étranger peuvent référer à des statuts et des droits de pratique différents, en cela les comparaisons internationales doivent être faites avec prudence (Dumont et Zurn 2007a). Retenons que certaines études incluent des migrants temporaires, ayant des visas de travail pour une durée limitée, recrutés comme médecins afin de pallier certaines pénuries sur le plan régional ou de certaines spécialités, tandis que d’autres vont inclure des immigrants reçus seulement.