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3.2 LA SPIRITUALITÉ

3.2.1 Définition spiritualité - religion

3.2

LA SPIRITUALITÉ

3.2.1 Définition spiritualité - religion

Le mot spiritualité, qui a connu un élargissement récent dans le cadre de la psycho-oncologie et des soins palliatifs autour des questions existentielles de sens, d’espérance et de transcendance, est très ancien.

Issu du latin spiritualitas au Ve siècle, il s’agit à l’origine d’un terme religieux. La racine latine spiritus traduit par esprit correspond au pneuma grec qui correspond au

souffle ou à la respiration, elle renvoie donc à l’esprit au sens philosophique mais

aussi religieux, c’est-à-dire au « souffle divin qui anime le corps humain d’Adam, de cet être glébeux pris de l’adamah (la terre [en hébreu]) et fabriqué sur le tour de potier [par Dieu] ». La spiritualité est étymologiquement « l’expression même de la vie, de toute vie (Dupont, 2005) », qui se reçoit et se donne tant que nous vivons. Spiritualité veut donc dire à l’origine accueillir et transmettre le souffle vital (Frick, 2006, p. 162). Elle est comme un souffle de vie qui anime la personne et fait d’elle un être pleinement vivant (Pereira, 2007, p. 101). Pour Duffé (2007), le spirituel est « l’inspiration ou le mouvement intérieur d’une personne, c’est-à-dire ce qui l’appelle à vivre, ce qui lui permet de respirer, de résister, d’espérer. Cette inspiration amène la personne à envisager les questions fondamentales du vivant : le commencement, le sens et l’accomplissement de la vie » (p. 175).

Higgins (2007) rappelle que les soins palliatifs « se sont construits sur une laïcisation de références et de valeurs judéo-chrétiennes qui ont un sens dans notre histoire, car elles l’ont tissée », d’où la connotation religieuse encore très présente sous nos latitudes de cette dimension de la spiritualité (p. 190).

Sur le plan étymologique, une racine possible du terme « religion » vient du verbe latin « relier ». En effet, toute religion tente de relier les diverses facettes de l’existence : le divin et l’humain, le visible et l’invisible, le matériel et le spirituel, le saisissable et le mystérieux. Ces liens sont propres à un contexte donné et s’expriment dans une langue, une conceptualité et une symbolique particulière qui font que la religion n’est ni transposable ni véridique sans autre. Et si la religion se réfère à des origines divines, elle ne peut être qu’en devenir, en relation avec les personnes qui la constituent et celles auxquelles elle s’adresse.

31 Une autre racine possible vient du latin « relire ». Toute religion consiste en une relecture d’une expérience spirituelle, une manière de mettre en mots une perception du mystère qui dépasse l’être humain. Ainsi l’aspect religieux vient normalement en second, au risque de figer la dynamique spirituelle (Pétremand, 2010, p. 6).

Le terme spiritualité ne se réduit pas à la religion, définie par Frick (2006, p. 162) comme étant une appartenance institutionnelle, une croyance codifiée socialement et dogmatiquement et une révélation socialement reconnue, inscrite dans une tradition, ou par Duffé (2007) comme une communauté de convictions et comme système de régulation des croyances et des liens entre croyants (p. 175).

La religion honore en partie la recherche spirituelle de toute personne, elle exprime dans un langage structuré, rituel, traditionnel une part du champ spirituel sans pour autant le recouvrir entièrement (Bigorio, 2008, p. 1). Comme le souligne Duffé (2007), « la dimension spirituelle des personnes précède et excède la référence et l’appartenance à une religion. Le spirituel concerne… ce qui anime l’esprit d’un sujet et contribue à fonder l’interprétation qu’il fait de son existence » (p. 175).

Alors que la spiritualité est une dimension constitutive de tout être humain, il est cependant impossible d’en donner une définition universelle étant donné que « son expression est corrélative au contexte singulier, social, culturel de chacune des personnes qui l’approchent » (Bigorio, 2008, p. 1). La spiritualité « n’est pas réductible à une catégorie du penser. Elle est l’expression même de la vie, de toute vie ; elle est consubstantielle à la nature humaine. Parce qu’il n’y a pas d’homme unique, il n’y a pas de spiritualité unique : celle-ci sera religieuse, philosophique, culturelle ou esthétique (Dupont, 2005) » (Frick, 2006, p.162).

De plus, comme cette dimension est liée à la vie de l’individu, elle n’est pas une donnée acquise définitivement, mais elle est de l’ordre d’une recherche, d’un décryptage, d’un changement puisqu’elle dépend de l’évolution de toute vie (Jacquemin, 2009, p. 71).

Par conséquent, le débat sur la définition du terme « spiritualité » est loin d’être clos (Frick, 2006, p. 162). Comme le relève Pétremand (2010), il existe plus d’une centaine de définitions de la spiritualité (p. 5). En voici quelques-unes encore qui

32 permettent d’éclairer cette notion sous plusieurs aspects en lien avec la thématique de cette recherche.

La spiritualité imprègne toutes les dimensions de la personne ; elle concerne son identité, ses valeurs, ce qui donne du sens, de l’espoir, de la confiance, de la dignité à son existence. Elle se vit significativement dans la relation à soi, dans la relation à l’autre, dans la relation à ce qui transcende son humanité (Dieu, force supérieure, mystère,…). Elle comporte également le questionnement généré par la maladie, par la finitude de la vie, ainsi que les éléments de réponses individuelles et communautaires qui constituent une ressource pour la personne malade. (Bigorio, 2008, p. 1)

Rochat (2005) a élaboré une théorie de la dimension spirituelle de la personne malade afin de rendre cette dimension accessible et compréhensible pour tous les soignants, dans le but d’utiliser un langage commun permettant une meilleure prise en charge interdisciplinaire de cette dimension. Elle est caractérisée par cinq concepts clés :

 Le sens : ce qui oriente, la nécessité pour toute personne d’avoir une raison de vivre dans son existence, l’équilibre global de vie ;

 Les valeurs : ce qui caractérise le bien et le vrai chez la personne, ce qui a du poids dans sa vie et est manifesté par les actes et les choix ;

 La transcendance : rapport à l’ultime, élément qui dépasse la personne, fondement extérieur qui l’enracine au plan existentiel ;

L’identité : cohérence singulière de la personne, résultat d’une combinaison

des trois autres éléments qui produit l’unicité du sujet au niveau de ses réflexions, émotions et relations (Rochat, 2005, p. 10).

 Les aspects psychosociaux compris comme le fait que l’environnement socio-familial favorise le maintien de la singularité de la personne : être aimé, être relié, être écouté (Rochat & Monod, 2009, p. 3).

La dimension spirituelle est le système formé des termes ci-dessus. L’équilibre de ce système contribue au bien-être global de la personne, et son déséquilibre va provoquer la détresse spirituelle (Rochat,2005, p. 11).

33 Pour Rivier, Hongler et Suter (2008), la spiritualité est « une démarche cognitive de l’homme qui vise à donner sens à son existence, à définir des valeurs, et parfois à rechercher une transcendance, conduisant tout homme à avoir une identité spirituelle » (p. 11).

Cette démarche fait partie du développement de l’homme, tout particulièrement chez l’adulte et la personne âgée, et concerne également la personne hospitalisée, notamment en soins palliatifs, où l’annonce d’une maladie grave peut engendrer une profonde remise en question de l’identité spirituelle du malade. Cependant, elle peut également entraîner un approfondissement de cette démarche qui pousse le patient à poursuivre son développement, à ouvrir ses frontières personnelles et grandir encore (Rivier, Hongler & Suter, 2008, p. 11).

Bien que difficile à définir, la spiritualité d’une personne ou/et ses croyances religieuses deviennent plus claires lorsque se profile l’horizon de la mort (Buckley, 2011, p. 115). Durant cette crise, le malade va éprouver une souffrance qui sera d’abord psychologique mais qui pourra l’amener à un questionnement d’ordre spirituel touchant sa condition humaine, sur le sens de la vie, de sa vie et la manière dont son propre parcours humain s’éclaire ou non de sens en fonction de ses propres références : qu’est-ce que je suis ? qu’est-ce que je vis ? quel sens a ma maladie ? pourquoi est-ce moi qui suis touché ? pour quoi ? Ce questionnement n’est pas propre à la maladie et rejoint également le soignant, témoin de l’émergence de la maladie, dans ce qu’il est et ce qu’il vit. Le spirituel est en rapport avec « ce qui tisse la dynamique d’une existence… présente en chaque homme pour le situer dans un horizon qui donne une plénitude de sens aux expériences de sa vie. ….la dimension spirituelle de l’humain serait à penser du côté de la qualité et de l’unification de l’être, du mouvement qui le porte dans l’existence » (Jacquemin, 2009, p. 771).

Ce qui paraît essentiel dans la spiritualité est que l’humain est un être qui est en relation, et ceci dans trois dimensions : en relation avec le « Je » divin, en relation avec d’autres « Je » humains, et en relation avec son propre « Je ». Ces trois éléments vont composer une dynamique personnelle. Le fondement de toute