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Définition et origines de l’économie sociale et solidaire :

PARTIE II : LE POIDS DES ACTIVITES ECONOMIQUES SOCIALES ET SOLIDAIRES DANS L’EMPOWERMENT DES

Chapitre 1 : Principes et évolution de l’économie sociale et solidaire notamment en Afrique Subsaharienne

I- Economie sociale et solidaire : Etats des lieux

1.1.1 Définition et origines de l’économie sociale et solidaire :

L’économie sociale et solidaire désigne l’ensemble des activités économiques qui, dans une économie développée ou en développement, n’ont pas pour motif principal le profit. Ces activités, peuvent avoir une typologie juridique variée notamment sous forme de coopérative, mutuelle ou association.

Pour parler de l’économie sociale et solidaire plusieurs appellations peuvent être utilisées. Ces termes s’adaptent aux contextes socio-politiques locaux, aux cadres juridiques et fiscaux en vigueur, aux schémas culturels dominants ou à l'histoire économique des endroits concernés57. Ainsi, aux États-Unis, on parlera plus volontiers du non-profit sector ou de

l'independent sector, qui équivaut pour l'essentiel à ce que les Anglais appellent quant à eux les

voluntary organizations. Néanmoins on reproche à ce vocable marqué par une logique philanthropique de ne pas tenir compte de la dimension entrepreneuriale de l’économie sociale et solidaire (à savoir les coopératives et les mutuelles) ainsi que de certains principes cruciaux comme la démocratie économique ou l’encastrement social des organisations qui sont chers à l’économie sociale et solidaire.

En Amérique latine, on utilisera les termes organizaciones de economia popular, ou

economia solidaria, voire economia social, comme dans les pays latins d'Europe. Enfin, pour les pays d'Europe septentrionale, les appellations retenues porteront directement sur le dénommé en tant que tel, mais il renverra plus directement à des notions ancrées dans les contextes nationaux, comme celles de Gemeinwirtschaft en Allemagne et de folkriirelse

ou d'association ideel en Suède.

Par ailleurs les composants de l’économie sociale et solidaire sont relativement différents d’une région à une autre, comme le montre le schéma suivant.

57J. Defourny, P. Develtere et B. Fontenau, (1999), « Origines et cantours de l’économie sociale au nord et au sud » in L’économie sociale au nord et au sud, De Boeck Université, p 13

Schéma 1 : Les notions d’économie sociale et solidaire

Source : Inacio Gaiger (2004), table ronde : Les rapports au marché et à l’action publique : penser l’avenir,

CNAM, Paris.

Même s'il est communément admis le fait que l'économie sociale moderne a trouvé ses principales expressions en Europe au cours du dix-neuvième siècle, ses premières manifestations remontent à des formes parmi les plus anciennes des associations humaines58. Ainsi, on distinguait déjà dans l'Égypte des pharaons, dans l'Antiquité grecque ou latine, en Europe au Moyen Age, dans la Chine impériale ou dans l'Amérique précolombienne, on trouvait une multitude de groupements professionnels, religieux, ou artistiques ou encore des réseaux d'entraide très variés. Néanmoins, il est à noter que ces divers formes et systèmes associatifs étaient le plus souvent surveillés, contrôlés voire même réprimés par les pouvoirs en place qui y voyaient de possibles foyers de contestation de l'ordre établi. C'est pourquoi on peut dire qu'au fil des siècles, la genèse de l'économie sociale moderne correspond au lent processus d’émergence d'une véritable liberté d'association.

L’économie sociale s’invente au XIXe siècle, dans un contexte d’affirmation des principes libéraux du marché autorégulateur et d’émergence du paupérisme et de la question sociale. Selon la vision des fondateurs, dans les années 1830, il s’agit de réconcilier l’économie et la morale : « nous ne voulons pas voir combien sont encore imparfaits les peuples qui ne sont qu’habiles, et combien se montrent plus habiles ceux qui sont devenus vraiment moraux. Nous ne sentons pas assez d’ailleurs qu’il n’est pas seulement question d’habileté, mais aussi de dignité, d’honneur, de puissance, de liberté ; et que si la liberté naît de l’industrie, elle naît surtout du progrès des moeurs particulières et de celui des relations sociales »59.

Notons toutefois que, l'enseignement majeur à retenir ici est bien qu'en Europe, l'économie sociale moderne s'est forgée au carrefour des grandes idéologies du XIX siècle et qu’aucune d'entre elles ne peut en revendiquer une paternité exclusive.

- Le socialisme associationniste a joué un rôle fondamental, avec les utopies de Owen, King, Fourier, Saint-Simon et autres Proudhon. Jusqu'en 1870, les penseurs du socialisme associationniste, qui promouvaient surtout les coopératives de producteurs, dominèrent même le mouvement ouvrier international au point que l'on identifia souvent socialisme et économie sociale60. Même Marx se montra dans un premier temps favorable au développement des coopératives avant que ses thèses collectivistes ne deviennent centrales.

- Le christianisme social a, lui aussi, participé au développement de l'économie sociale. Beaucoup d'initiatives naquirent à partir du bas clergé et de communautés chrétiennes, mais au niveau de l'Église-institution, c'est surtout l'encyclique Rerum Novarum en 1891 qui traduisit un encouragement à l'économie sociale. D'une manière générale, les chrétiens sociaux de l'époque appelaient de leurs voeux des « corps intermédiaires » pour lutter contre l'isolement de l'individu, tare du libéralisme, et contre l'absorption de l'individu dans l'État, piège du jacobinisme. C'est notamment dans cette perspective philosophique que Raiffeisen fonda en Allemagne les premières caisses rurales d'épargne et de crédit.

59 C. Dunoyer, (1846), De la liberté du travail ou simple exposé des conditions dans lesquelles les forces humaines s’exercent avec plus de puissance, librairie Leroux, Liège, p 5.

Parmi certains penseurs du libéralisme, on trouvait aussi une ouverture à l'économie sociale. Plaçant la liberté économique au-dessus de tout et récusant les ingérences éventuelles de l'État, ceux-ci insistaient surtout sur le principe du « self-help ». En ce sens, ils encourageaient les associations d'entraide parmi les travailleurs. Même si leurs positions étaient loin d'être identiques, on peut rattacher à cette école libérale deux personnalités majeures de l'histoire de la pensée économique : Walras pour l'importance qu'il accordait aux associations populaires et Mill pour son plaidoyer en faveur du dépassement du salariat par l'association de travailleurs. On pourrait encore citer d'autres courants de pensée comme par exemple le « solidarisme » de Gide.