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4. Chapitre 4 : Expérimentations

4.5. Deuxième expérimentation : Projet Paille

4.5.4. Etude pour la filière de la construction en paille :

4.5.4.1. Définition de la construction en paille :

C’est une filière qui se développe en ce moment et qui prend de l’ampleur dans un contexte ou il est devenu très urgent de réduire la facture énergétique des ménages. Dans l’esprit du développement durable, de plus en plus le caractère de durabilité est attribué aux objets et aux processus qui nous entourent. Une construction durable peut être définie comme étant un concept de logement, composants et matériaux de construction qui répondent aux besoins actuels de l'utilisateur sans nuire aux ressources des générations futures et en minimisant l’impact sur l’environnement (émission de CO2, consommation d’énergie) (Ehrenzweig,

C 1 C 2 C 3 C 4 C 5 C 6 0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80 0,90 1,00 0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80 0,90 1,00 S a ti s fa c ti o n Insatisfaction S a ti s fa c ti o n

1999 ; Drack et al., 2004 ; Goodhew et Grifiths, 2005 ; Yates, 2006). Utilisée depuis l’antiquité et plus récemment au 19ème siècle après l’apparition des premières presses à bottes de paille, la construction en paille a entamé sa renaissance aux Etats-Unis en 1973, elle est maintenant présente dans tous les continents (Bigland Pritchard et Pitts, 2006). Dans certains pays, aux Etats-Unis par exemple, on compte déjà beaucoup de constructeurs professionnels. Dans d’autres pays, ce type de construction fait encore ses premiers pas, il est souvent stimulé par des organismes et des associations d’auto-constructeurs (des personnes regroupées en association pour construire leurs propres maisons de paille). Il faut ajouter à cela, les constructions de logements en paille dans des pays dont les populations ont des difficultés à trouver des logements à des prix abordables. Un des besoins fondamentaux de l'homme est celui de posséder un abri (voir le modèle de Maslow). Pour un nombre de personnes, sans cesse grandissant, chercher un abri minimal est devenu un challenge délicat, au même titre que de trouver suffisamment de nourriture et d'eau potable. De plus, peu de régions ont une exploitation rationnelle et encore moins équitable des ressources durables. Avec l'expansion de la population humaine, beaucoup de systèmes naturels mondiaux commencent à en ressentir les effets négatifs. Face à cette augmentation de la demande, la construction en paille offre des avantages sérieux, la paille étant un matériau de construction qui se renouvelle tous les ans de façon relativement abondante. Dans la plupart des régions productrices de grains, on se débarrasse de la paille (les tiges longues et creuses des plantes céréalières telles que le blé, l'avoine, le riz ou l'orge) car elle est considérée comme un déchet qui est souvent brûlé. Rien qu'aux Etats-Unis, environ cinq millions de maisons de paille, de taille modeste et super isolées, auraient pu être construites, avec ce qui est brûlé chaque année (MacDonald, 1999). L’utilisation de ce matériau, destiné dans le passé à être brulé, a des avantages économiques et permet de préserver les ressources naturelles des forêts (Ehrenzweig, 1999).

La maison en paille se devant d’être protégée des intempéries, elle est presque systématiquement enduite. Aux Etats-Unis et au Canada, les enduits sont de plus en plus souvent en chaux et non pas en ciment (pour des raisons de respiration du matériau). En Europe, la chaux reste l’enduit le plus utilisé, néanmoins depuis quelques temps, l’enduit en terre gagne du terrain (Saint-Jours et al., 2005). Les qualités des constructions en paille sont les suivantes :

Utilisation d’un matériau écologique avec un impact peu nocif sur l’environnement. Une étude écossaise a estimé qu’un logement en bois avec isolation en paille dégage 25% moins de gaz à effet de serre qu’un logement similaire traditionnel (sur les gaz dégagés lors du transport, fabrication et au cours du cycle de vie du logement) (Ehrenzweig, 1999 ; Rajgor, 2005). Selon une autre étude, une maison en paille produit 20 fois moins de CO2 qu’une maison classique et cinq fois moins qu’une maison en bois (Bigland Pritchard et Pitts, 2006). Selon cette même étude, la maison en paille a un contenu énergétique (le total de l’énergie en Joule consommée pour produire, transporter et mettre en place les matériaux) neuf fois plus faible qu'une maison classique et deux fois moins faible qu'une construction en bois.

Coût de la construction peu élevé en comparaison à une construction standard, et ce à cause du faible coût de la matière première (une botte de paille coûte environ 1 euro). En plus, la plupart des maisons en paille sont en auto-construction dont les coûts de

main d’œuvre sont réduits. On estime qu’une maison en paille coûte en moyenne 15% de moins qu’une maison traditionnelle, au niveau des matériaux de construction seulement, sans parler des économies d’énergie de chauffage et de climatisation tout au long de la vie du logement (Ehrenzweig, 1999).

Bonnes performances thermiques. La conductivité thermique dépend de l’humidité qui existe dans la paille et du taux de compression de la botte. Une étude menée par le Centre d’Expertise du Bâtiment et des Travaux Publics (CEBTP), en collaboration avec l’ADEME, a visé à caractériser le matériau paille d’un point de vue thermique. Selon cette étude, la conductivité thermique de la paille est de 0.07 W/m.K pour une densité aux alentour de 80 kg/m3 (Grelat, 2004). Des résultats similaires ont été trouvés suite à une étude détaillée sur les propriétés thermiques de quelques matériaux écologiques pour la construction (Goodhew et Grifiths, 2005). Pour information, la conductivité thermique du béton est de 0.14 à 0.23 W/m.K, celle du bois varie entre 0.13 et 0.2, celle de la laine de verre et de du polystyrène est de 0.4 W/m.K. Selon ces études, il a été montré que les parois en paille ont un pouvoir d’isolation meilleur que celui demandé par la réglementation thermique en vigueur. Le critère d’évaluation est le coefficient U (W/m2.K) qui est le coefficient de transfert thermique du mur entier, en tenant compte des différentes couches de matériaux qui le composent (Rajgor, 2005 ; Goodhew et Grifiths, 2005). Des simulations numériques ont été menées au sein du laboratoire Lawrence Berkley Laboratory sur une maison pilote construite en paille dans l’Arizona en 1994. Elles ont montré que ce logement permet d’obtenir une réduction de 60% des charges de conditionnement par rapport à un logement similaire en parois standards (DOE, 1995).

Les murs en paille ont prouvé leur résistance au feu et à l’attaque des rongeurs (les deux principales idées reçus sur la paille). Les brins de paille étant compressés à des densités élevées (jusqu’à 200kg/m3), la botte de paille ainsi obtenue est difficilement inflammable (Ehrenzweig, 1999). Elles ont des caractéristiques meilleures que ce qui est demandé par les normes de sécurité de différents pays, tel que la France, l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark (Ehrenzweig, 1999 ; Grelat, 2004 ; Yates, 2006).

Les constructions en paille on prouvé leur stabilité structurelle. Plusieurs études ont essayé de tester les propriétés mécaniques des murs en paille (les différentes contraintes de déformation, coefficients d’élasticité, les charges maximales…). On leur prête aussi des qualités antisismiques. On compte aux Etats-Unis plusieurs constructions centenaires qui ont résisté aux tornades et aux tremblements de terre (DOE, 1995 ; Ehrenzweig, 1999).

Les constructions en paille ont de bonnes performances phoniques (Ehrenzweig, 1999 ; Bigland Pritchard et Pitts, 2006). Les murs de paille permettent d’obtenir des atténuations acoustiques variant entre 46 dB et 55 dB, ce qui est supérieur à ce qui est demandé par les réglementations.

La technique de construction en paille se prête à toutes sortes de formes et de styles de maisons.

La construction en paille génère une faible production de déchets non réutilisables durant la construction.

Toutefois il faut reconnaitre que la construction en paille n’est qu’à ses débuts et qu’elle se trouve face à plusieurs contraintes (Delattre, 2005) :

La plus importante contrainte est l’absence de réglementation pour la construction en paille en Europe et plus particulièrement en France (Drack, et al., 2004 ; Yates, 2006). L’un des enjeux majeurs sera la mise en place d’un DTU (Document Technique Unifié), un texte réglementaire de référence qui permettra aux professionnels d’apporter une garantie décennale et d’accéder au marché des bâtiments publics. Les DTU sont d’autant plus nécessaires, qu’une certaine ambiguïté existe dans les valeurs de la conductivité thermique de la paille. Contrairement aux résultats de l’étude réalisée par le CEBTP, une étude autrichienne attribue à la paille des performances encore meilleures (conductivité thermique de 0.04 W/m.K) (Wimmer et al., 2001). En plus de cette contrainte réglementaire, une autre contrainte est issue d’une idée reçue selon laquelle la paille est facilement inflammable et donc ne présente pas de garantie de sécurité contre les incendies. Or des études ont montré que les bottes de paille présentent une résistance au feu supérieure à celle nécessaire dans les textes réglementaires pour les matériaux de construction (Drack et al., 2004). Cette crainte est aussi amplifiée par les histoires populaires tirées de l’histoire des « trois petits cochons » (Ehrenzweig, 1999).

Un autre problème important est celui de l’humidité, l’ennemie premier des bottes de paille, puisqu’il conduit à un pourrissement de la paille. Ce problème est encore mal compris et n’est pas aussi bien modélisé par les chercheurs. On peut remédier à ce problème par un choix de matériaux secs pour la construction et par des mesures de prévention contre l’humidité durant le stockage et la construction : par exemple l’utilisation d’auvents et de soubassements protégeant contre l’humidité (Yates, 2006), ou bien le choix d’enduits favorisant le pouvoir de respirabilité des parois ou encore, ce qui est plus simple, ventiler la maison au maximum (Bigland Pritchard et Pitts, 2006 ). Une maison bien construite et bien protégée peut durer des centaines d’années (DOE, 1995).

Une autre critique qui est souvent présentée conte ce type de logement est la faible résistance mécanique du matériau et la faible stabilité de la structure.

Une autre citrique qu’on fait vis-à-vis de la construction en paille est le risque d’être détruite par les rongeurs. Cette critique est infondée car la paille ne constitue pas l’alimentation de ces rongeurs (puisque les graines ont été éliminées), elle ne peut leur servir qu’en tant que refuge. Ceci peut être évité en appliquant de bonnes pratiques de construction.

Une dernière contrainte est le manque de structuration de la filière. Il est important de créer un réseau de la construction en paille pour fédérer les initiatives locales et échanger les expériences plutôt de réinventer ce qui a été déjà fait par d’autres.

Aujourd’hui, ce mode de construction est en plein développement. On estime que 1000 nouvelles constructions en paille sont réalisées chaque année. On commence à voir aussi

plusieurs autres produits agricoles non-alimentaires qui sont valorisés pour la construction durable en tant que composites à très haute performance (DOE, 1995 ; Yates, 2006). Selon une étude d’acceptabilité de la maison en paille, la combinaison d'une maison peu chère, moins gourmande en énergie et construite sur un terrain peu cher fait de la maison en paille une alternative intéressante pour les ménages à faible revenu, ce qui donne une dimension sociale à ce type de logement (Ehrenzweig, 1999). D’ailleurs, des expériences sont en cours dans la région lorraine pour promouvoir les logements sociaux avec ce type de matériaux.