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Comprendre et modéliser le fonctionnement des acteurs : le modèle RARe (Ressources-

3. Chapitre 3 : Proposition d’une démarche pour l’analyse de besoins : Apport et contribution

3.1. RARe : un modèle-support pour une démarche d’analyse de besoin

3.1.2. Comprendre et modéliser le fonctionnement des acteurs : le modèle RARe (Ressources-

3.1.2.1.Présentation du modèle RARe

Le modèle RARe est l’abréviation de Ressources-Activités-Résultats. Il permet de comprendre les activités de chaque acteur et les interactions qui peuvent exister entre eux tout au long du cycle de vie du produit. C’est un modèle qui a une approche systémique, comme le montre la Figure 24. Il consiste à analyser, pour chaque acteur, les ressources qu’il utilise pour réaliser ses activités et les résultats qu’il produit (Boly et al., 2000).

Figure 24. Digramme RARe pour un acteur donné

C’est un outil qualitatif d’analyse de besoins. Pour réaliser cette étude, un important travail d’observation et de documentation sur les activités des acteurs en question est nécessaire. Ce n’est qu’en observant la réaction d’un chasseur testant un assortiment de fourreau pour fusil que les équipes techniques de Décathlon ont compris que les fermetures Eclair non doublées de l’intérieur pouvaient rayer les crosses. C’est ce genre de détail qui peut échapper à l’équipe de conception mais qui importe énormément aux clients les plus exigeants. Ce détail a été observé grâce au concept du Geologic Village, un nouveau concept de magasin Décathlon permettant aux amateurs des sports de plein air de tester avant d’acheter. Il permet surtout à Décathlon d’observer les clients au cours de leur utilisation des produits pour comprendre leur besoins (Brillet, 2008).

La principale contribution de la démarche RARe est qu’elle permet d’identifier les besoins de chaque acteur. En effet, l’étude bibliographique, que nous avons menée au début de ce chapitre, nous a montré que le besoin s’exprime s’il y a une mise à disposition des ressources et si l’on a la capacité à profiter de ces dernières et des avantages qu’elles procurent. Le besoin est donc relié à la notion de ressources utilisables pour réaliser un processus et donner des résultats. La qualité et la nature des résultats dépendent des ressources utilisées. Le RARe est donc un modèle descriptif du fonctionnement de chaque acteur. On peut ainsi recenser les besoins avec les listes des « problèmes de ressources » du modèle.

3.1.2.2.Intérêts et limites du RARe

Nous considérons que l’outil RARe est une démarche intéressante de recherche contextuelle. Par sa nature systémique, elle permet de prendre en compte les aspects du

Activités Résultats Ressources

R2

R1

R3

contexte du produit. C’est pourquoi, dans les études de cas que nous allons présenter et qui illustrent notre démarche, nous avons été amenés à filmer certains acteurs au cours de leur utilisation du produit. Les comportements de l’acteur en question sont des sources riches en informations et en leçons pour la conception du produit qui répond à ses besoins dans le contexte de l’utilisation du produit (Stoeltzlen et al., 2007).

Aussi, le RARe permet de tracer un mapping des acteurs et de comprendre les relations qui existent entre eux. Vu que chaque acteur se comporte comme un processus, les ressources utilisées sont forcément les résultats d’un autre acteur. Les résultats qu’il donne peuvent être aussi des ressources pour d’autres acteurs.

Notons également que la démarche RARe permet de vérifier la première hypothèse que nous avons établie dans le paragraphe 1.5, relative à l’importance de l’observation du contexte pour l’identification des besoins (L’observation des acteurs lors de l’utilisation du produit, dans leur environnement en plus de la discussion avec eux, permet d’identifier les besoins explicites et les besoins implicites).

Enfin, c’est un modèle descriptif et factuel, il se base sur des faits et des observations. Ce dernier point peut être à la fois un point d’intérêt et une limite. L’aspect objectif du modèle ne permet pas par exemple de relever le fonctionnement émotionnel de l’acteur. Avec cet outil, on ne peut pas identifier les réflexions et les émotions internes de l’acteur puisque l’on se base sur l’observation des apparences.

3.1.2.3.Utilisation du modèle

Pour obtenir ce modèle pour chaque acteur, un travail d’observation des activités est requis. Il est nécessaire alors de voir comment l’utilisateur utilise le produit et comprendre quels sont ses problèmes (insatisfactions ou manques). Knight et Bowerman, les fondateurs de Nike, étaient des athlètes de haut niveau, ils ont identifié les problèmes qu’avaient les coureurs de longues distances lors de l’entrainement (usure des chaussures, traumatisme et fragilisation des os du pied, entorse des chevilles…). Ils ont ainsi proposé des chaussures dédiées à cette catégorie de sportifs. Etant eux-mêmes des coureurs, ils comprenaient bien les besoins de ce type d’acteur. Ils ont littéralement éprouvé « le mal du client ». Leur entreprise a élargi ensuite la gamme de ses produits pour toucher pratiquement tous les sports (Mullins, 2003). La compréhension des problèmes est donc un travail préalable à l’identification des besoins. Par ce moyen, l’attention est attirée vers la compréhension du contexte du produit, plutôt que sur le produit seul. Le contexte inclue les personnes concernées par le produit, les activités réalisées, les processus entourant le produit, les entrées et les sorties de ces activités, d’autres produits ou matériels utilisés et les conditions environnantes (Conley, 2005). C’est ce que permet de réaliser le modèle RARe.

D’après Conley, une approche de type RARe est très différente d’une approche classique dans laquelle toute l’attention est focalisée sur le produit. Se focaliser uniquement sur le produit ne peut que donner naissance à des innovations incrémentales, des améliorations sur la couleur, la forme… Un élargissement de l’observation au contexte du produit est plus profitable et permet de générer plus d’innovations de rupture. Ces différences entre les deux approches sont montrées dans la Figure 25:

Figure 25. Différences entre la vue Produit et la vue Contexte (Conley, 2005).

Etant donné que le RARe est une démarche d’analyse contextuelle, elle doit respecter un certain nombre de conditions pour être efficace pour l’identification des besoins. Ces conditions sont (Conley, 2005) :

1. L’empathie : Elle est définie comme étant l’identification et la compréhension de la situation de l’autre. Il ne s’agit pas juger les comportements des autres lorsqu’ils manipulent le produit mais de tirer le maximum d’informations subjectives permettant d’améliorer ou de proposer de nouveaux produits.

2. Le rapport avec les gens : C’est la relation entretenue avec les clients ou les utilisateurs lors de cette phase d’analyse de leur contexte et de leurs activités. Une relation strictement professionnelle et formelle réduit considérablement la qualité de l’information recueillie. La confiance mutuelle et les affinités émotionnelles font que les acteurs délivrent plus facilement leurs avis.

3. Discussion menée avec l’acteur : Il s’agit de recueillir des informations sur les besoins par le biais d’échange. Ce dernier peut se faire par des discussions ou bien à l’aide de grilles d’entretiens.

4. Concentration sur les activités et les comportements : « Pouvez-vous me montrer comment vous faites cela ? », c’est la question typique pour comprendre les besoins et le contexte de l’utilisation d’un produit. Une entreprise de fabrication de poussettes pour enfants n’a pas réussi à collecter des informations utiles lorsqu’elle a organisé des Focus Group avec des mères. Durant ces réunions, les mères ont exprimé leurs opinions concernant des poussettes existantes. Ce n’est qu’après avoir demandé aux mères de ramener leurs enfants et les poussettes que l’entreprise a compris les problèmes liés à l’utilisation. Le résultat a été un ensemble d’innovations dont une poussette manœuvrable à une seule main.

5. Résultats issus d’échantillons de taille réduite avec des données qualitatives très riches : La qualité des données recueillies dépend de l’exhaustivité de l’analyse. C’est pour cela que beaucoup d’études d’analyse de besoins font participer un grand échantillon de clients. Or cela peut se faire au dépend de la qualité de l’information et peut aller à l’encontre des principes énoncés précédemment (rapport avec les clients, l’empathie et la discussion). Des recherches ont prouvé qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une taille d’échantillon très grande pour avoir une bonne qualité de l’information. (Griffin et Hauser, 1993) ont développé un modèle binomial permettant d'estimer le nombre moyen de besoins obtenu de n clients. Ils ont ainsi estimé que

Produit Contexte Fonctions Variantes Valeur Caractéristiques Bénéfices Prix Environnement Utilisateurs Activités Processus Relations Autresproduits Interactions

vingt à trente réponses de clients dans un segment homogène sont suffisantes pour déterminer et valider environ 90 à 95% de tous les besoins de l’acteur interrogé.

3.1.3. De la description du fonctionnement de l’acteur par le RARe au