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2. Chapitre 2 : Le besoin

2.2. Approche bibliométrique

2.2.5. Définition du besoin dans la psychologie

Plusieurs interconnections existent entre les sciences sociales et la psychologie. En effet, les travaux du psychologue Maslow sont souvent cités en sociologie pour montrer qu’il ne suffit pas de baser les relations sociales sur les seules incitations financières ou matérielles. Il est important aussi de tenir compte d’autres aspirations telles que les phénomènes de cohésion sociale ou des collectivités de travail ou encore d’accomplissement de soi. Maslow a aussi montré que les enjeux sociaux s’appuient sur une résolution partielle des besoins de base (ceux de la sécurité ou des équilibres corporels) (Louart, 2002).

Nous remarquons que seul 2% des publications relèvent de la psychologie. L’une des définitions du besoin la plus utilisée et la plus reconnue est celle donnée par le psychologue Maslow (voir paragraphe 2.1.2). La théorie de Maslow est assez contestée. En effet, on observe fréquemment que des besoins d’ordre supérieur expliquent certains comportements alors même que des besoins d’ordre inférieur ne sont pas satisfaits. Il n’est pas nécessaire que des besoins d’ordre inférieur soient satisfaits pour que les besoins supérieurs soient activés (Higginson et al., 2007). Ainsi les besoins d’estime ou d’appartenance restent importants quelle que soit la situation économique de la personne (Lendrevie et al., 2006).

2.2.5.1.Définition du besoin

Dans le domaine de la psychologie, la notion de besoin est aussi associée à la notion de « motif » ou « motivation ». Les expérimentalistes utilisent beaucoup plus le terme «motivation » alors que les cliniciens et les théoriciens de la personnalité préfèrent le terme

«motif ». La motivation est définie comme étant un état interne qui dirige les individus vers la satisfaction d'un besoin et la réduction des insatisfactions (Tran et Ralston, 2005). Les besoins sont des manques ressentis d’ordre physiologique, psychologique ou sociologique. Cette constatation rejoint l’observation faite dans le domaine de la médecine. Un besoin est relatif à la personne. En développement de produits, le besoin n’est pas une fonction du produit mais il est une propriété de la personne utilisant le produit, et plus précisément une ressource qui n’est pas disponible (manque).

Une personne perçoit : désir, vœu, envie, manque (Maslow, 1972). L’apparition des besoins incite à les satisfaire, d’où des actions en conséquence avec des résultats qui sont vécus comme des récompenses (s’ils sont satisfaits) ou des punitions (dans le cas contraire). Ce fonctionnement conduit à une réorganisation interne des besoins initiaux (il les apaise, il les frustre, il les aménage) (Louart, 2002). Ceci montre que les personnes sont incitées (naturellement) à satisfaire les besoins. Ceci nécessite la réalisation d’actions avec des conséquences sur la personne (satisfaction ou frustration) et une réorganisation des besoins.

Chez Maslow, les besoins sont implicites et les individus ne sont pas conscients de leur existence. Cette idée est critiquée par les behaviouristes et les psychanalystes, lesquels pensent que les besoins naissent d’une source plus profonde et beaucoup plus inconsciente. Les premiers soulignent l’importance du conditionnement par l’environnement ou les situations vécues dans le renforcement ou l’extinction des besoins. Dès lors, ce qui active concrètement les motivations n'a pas toujours un rapport immédiat (ou évident) avec les besoins fondamentaux. Les psychanalystes mettent l’accent sur le désir producteur de sens. Ils décrivent des écarts entre les besoins (qui correspondent à des manques reliés aux états ou aux processus corporels) et les désirs (que chaque personne construit à travers une interprétation subjective des signifiants du besoin). Ainsi, les psychanalystes parlent de la notion de désir (qui est une notion inconsciente) et de besoin qui n’a qu’une image imprécise, indirecte et décalée (Louart, 2002).

Si les besoins physiologiques s’éteignent quand ils sont satisfaits, par exemple boire quand on a soif ou manger quand on a faim, les autres désirs sont plus difficiles à satisfaire car le sentiment de satiété varie différemment selon les personnes. Certains pensent que les besoins non-physiologiques (recherche de richesse, de prestige, de gloire…) génèrent beaucoup de troubles et ne sont jamais satisfaits pleinement (Lendrevie et al., 2006).

Ce que nous pouvons retenir est que les besoins sont innés dans chaque individu d’après la théorie de Maslow. Ils sont activés de manière spontanée. D’autres chercheurs en psychologie pensent que certaines sources inconscientes, les désirs, font émerger un besoin. Ces désirs peuvent ne pas être satisfaits, cela dépend des individus. Pour développer des produits innovants, il est bien évidemment important de déterminer les besoins et les désirs et de les comprendre. Si la perception de ceux-ci est difficile individuellement, elle sera faite au niveau de groupes et fera émerger des tendances et des niches de marché. Il s’agira d’identifier des collectifs d’individus pouvant avoir les mêmes désirs.

En psychologie, comme en sociologie, il existe une distinction entre les besoins exprimés (appelés aussi explicites) et les besoins non-exprimés (appelés également implicites).

Plusieurs différences séparent les deux types de besoins. (Langens et McClelland, 1997) ont mené une étude sur une population de 72 étudiants. Ils ont montré qu’un déséquilibre dans la satisfaction des deux besoins peut mener à un mauvais état d’esprit et un déclin du bien-être alors qu’un équilibre conduit à un bien-être élevé. Ils ont représenté cette hypothèse selon la Figure 21:

Figure 21. Relation entre la satisfaction des besoins explicites et implicites avec le bien-être (Source : Langens et McClelland, 1997)

Nous remarquons dans la grille détaillée par le Figure 21 qu’un bien être faible peut être issu de l’insatisfaction des besoins implicites (ce qui se traduit par un manque de plaisir) ou de l’insatisfaction des besoins explicites (ce qui se traduit par une absence d’objectif). Nous remarquons ainsi que la satisfaction des besoins est liée à la notion de plaisir et de réalisation d’objectifs. Nous en déduisons que lors du développement de produits nouveaux, il faut idéalement viser bien évidemment la case supérieure droite du graphique. Toutefois selon la nature du produit et la stratégie, on pourra s’intéresser prioritairement à la satisfaction de l’un ou l’autre type de besoin.

Enfin, la plus importante différence entre ces deux types de besoins réside dans la portée et le niveau d’impact. Les besoins non-exprimés reflètent une demande affective ou un désir interne associé à l’activité pratiquée. Les besoins exprimés reflètent la recherche d’objectifs réfléchis et le respect des obligations (Langens et McClelland, 1997). Ainsi, les besoins exprimés tendent à être temporaires et ont un horizon de court terme alors que les besoins non-exprimés sont plus profonds et donc ils accompagnent l’individu durant toute sa vie (Tran et Ralston, 2005).

Plusieurs autres auteurs ont déterminé d’autres types de besoins. Par exemple, (McClelland et al., 1953) ont proposé de classer les besoins en trois catégories : les besoins de succès (ou accomplissement), les besoins d’affiliation et les besoins de pouvoir. Chaque individu possède, à des degrés différents, ces trois types de besoins. Les individus ayant un important besoin de réussite (désigné par n-ach) veulent donner le meilleur d’eux-mêmes dans tout ce qu’ils entreprennent. Les personnes qui ont d’importants besoins d’affiliation (désigné par

n-Besoins explicites Besoins implicites S at is fa it s In sa ti sf ai ts Insatisfaits Satisfaits Bien-être mitigé Pas de recherche d’objectifs

Bien-être émotionnel élevé Quête des objectifs associés à des effets positifs sur le

moral Bien-être déséquilibré

Quête d’objectifs sans aucun plaisir

Bien-être faible Manque d’objectifs qui permettraient de satisfaire

aff) veulent établir, maintenir ou restaurer une relation affective positive avec d’autres personnes. Les individus ayant d’importants besoins de pouvoir (désigné aussi par n-pow) aiment contrôler les moyens d’influence sur les autres et prouver leur supériorité (McClelland et al., 1953 dans Tran et Ralston, 2005). Cette classification de McClelland et al. est en réalité une variation sur les besoins supérieurs de Maslow. Lors du développement de produits, ces besoins sont aussi importants car certains produits réussissent parce qu’ils stimulent chez le client un besoin d’appartenance ou un besoin de réussite.

Par ailleurs, l’individu ne ressent pas en permanence la tension qui pourrait naître de tous ses besoins insatisfaits. Il les oublie pour un certain temps, lorsque c’est possible. Ces tensions peuvent surgir sous l’effet de processus physiologiques, comme dans le cas de la soif ou de la faim. Mais aussi, ces tensions surgissent par l’action d’un stimulus extérieur qui évoque la possibilité de satisfaire un besoin latent et qui le transforme en un besoin actif. Le signal qui a le plus d’efficacité dans le réveil du désir est l’objet lui-même ou son évocation. Cette dernière option est la fonction même des publicités (Lendrevie et al., 2006). La célèbre expérience de Pavlov sur le réflexe conditionné ne fait que confirmer l’association très forte qui peut exister entre un stimulus et l’activation d’un besoin. Dans ce cas, la présence d’un objet (en l’occurrence la nourriture) stimule le besoin. On peut en déduire que la présence d’un produit nouveau peut elle aussi faire surgir le besoin chez un client, alors que ce besoin était inactif auparavant.

2.2.5.2.L’analyse du besoin

Selon le type de besoin (explicite ou implicite), une technique d’analyse est à utiliser. Tout d’abord, une personne est consciente de ses besoins exprimés. Il est plus facile de les décrire. Alors qu’elle est peu consciente voire inconsciente de ses besoins non-exprimés. Les besoins non-exprimés ou latents sont mesurables indirectement à travers des représentations ou des images. Pour déceler ces besoins non-exprimés, plusieurs techniques existent. Par exemple, la technique TAT (Thematic Apperception Test). Au cours de cet exercice, les individus développent une petite histoire imaginaire en réponse à une série d’images que fournissent les psychologues (Murray, 1943, Sheldon et al, 2007). On aide donc les personnes à évoquer leurs besoins implicites par des moyens de représentation. En développement de produit, ceci revient à utiliser des outils de représentation lors de la conception du produit (prototypes, images, croquis…). C’est ce qu’a fait la chaîne hôtelière Accor. En comprenant l’importance des technologies de communication pour ses clients hommes d’affaires (comme outil de travail et aussi comme outil favorisant l’appartenance à la catégorie des hommes d’affaire branchés), la chaîne a pensé à des concepts de chambres d’hôtel incorporant plusieurs innovations technologiques (ouverture de la porte par reconnaissance de la puce du portable, télévision projetée sur une baie vitrée comme un hologramme…). Ces chambres stimulent chez leur occupant la représentation de quelqu’un d’important, d’un homme d’affaires (Silly, 2008). En même temps, elles procurent du plaisir et en même temps l’aide à visualiser des nouveaux besoins.

Aussi, comme il est difficile pour un individu d’exprimer ce type de besoin, peut-on les comprendre en observant et en décrivant le fonctionnement de certains comportements de la personne pour laquelle l’étude des besoins est destinée ? En considérant que l’action traduit

certains besoins, nous pensons qu’il est possible de dégager les besoins implicites à partir de l’observation. Exemple : un opérateur n’exprime pas son besoin d’avoir un manche d’outils « agréable au toucher » mais en l’observant palper les manches de différents outils dans un magasin, ce besoin peut être supposé.

A l’opposé, les besoins exprimés sont évalués par des questionnaires, explorant les objectifs et demandes réfléchis d’une personne. C’est pour découvrir cette catégorie de besoin qu’Accor soumet un questionnaire ouvert à ses clients ayant passé des nuits dans l’une des ses « concept rooms » (Silly, 2008).

Nous en déduisons que les entreprises doivent savoir utiliser deux types d’outils : utilisation de représentations et de questionnaires pour évaluer les besoins lors du développement de produits.

Ensuite, il faut remarquer que le choix d’un individu n’est pas seulement conditionné par sa motivation et son besoin, il dépend aussi de ses préférences. La préférence est décrite comme étant une étape intermédiaire entre la motivation et le comportement ou l'action (Tran et Ralston, 2005). En se basant sur cette hypothèse, (Tran et Ralston, 2005) ont mené une étude sur environ 150 étudiants pour vérifier s’il y a un lien entre les différents types de besoins (succès, pouvoir et affiliation) et la préférence d’une certaine catégorie de séjour touristique (tourisme d’aventure, tourisme culturel, éco-tourisme). En développement de produits, les entreprises doivent pouvoir déceler cette échelle de préférence. Face à plusieurs produits, dans un contexte concurrentiel en termes d’offre, il convient d’anticiper les démarches de choix de l’acteur (prioritairement du client).

2.2.5.3.Synthèse

En conclusion, nous retenons que dans le domaine de la psychologie :

Le besoin est relié à la notion de désir,

La satisfaction des besoins n’est pas directement corrélée au plaisir et au bien être qui peut en résulter,

De plus, le domaine de l’analyse de besoins :

Doit aborder les besoins implicites par le biais de l’analyse des réactions à des représentations : textes, images…