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La définition du besoin : Synthèse et contribution de cette recherche

2. Chapitre 2 : Le besoin

2.3. La définition du besoin : Synthèse et contribution de cette recherche

recherche

Nous avons traité la notion de besoin dans cinq disciplines scientifiques (médecine, psychologie, sociologie, ingénierie et informatique). Nous l’avons réalisé sur deux aspects. Tout d’abord, nous avons donné les principales définitions et ensuite les principales méthodes d’analyse existantes. Dans la partie suivante, nous résumons les principaux résultats de ce travail bibliographique.

2.3.1. Synthèse de la bibliographie sur le besoin et proposition d’une

définition

Le besoin est relatif à la personne. Il peut être même considéré comme un état de l’individu résultant de ses motivations. Il est différent selon l’acteur concerné. Il traduit une dépendance par rapport à un élément de l’environnement. On peut parler de la « douleur du client ».

Il émerge lorsqu’il y a une mise à disposition de ressources d’une part et si l’on a la capacité de profiter de ses avantages d’autre part. La notion de ressource est donc fondamentale. Nous proposons quatre configurations possibles relativement aux ressources. Un besoin apparaît si l’une des situations suivantes se produit pour un acteur :

− Addition d’une nouvelle ressource

− Substitution d’une ressource existante par une autre

− Amélioration d’une ressource

− Intégration et fusion de plusieurs ressources.

Sa satisfaction a donc une incidence sur les performances de la personne concernée.

Il existe une dimension temporelle du besoin. Il existe des besoins ponctuels et immédiats, il en existe aussi d’autres qui durent dans le temps et d’autres qu’il faut savoir prévoir.

Un besoin peut être ressenti (ce que les individus ressentent), exprimé (ce que les individus demandent), normatif (demandés par les normes, les instances de régulation, les professionnels) ou comparé (issu de la comparaison avec d’autres domaines ou contextes). Il existe encore deux types de familles de besoins : essentiels (leur absence implique une insatisfaction) et d’autres dont la présence à une incidence sur la satisfaction (leur absence n’implique pas une insatisfaction). Cette constatation implique qu’en développement de produits, il ne suffit pas de répondre aux besoins essentiels pour être compétitif.

Le besoin trouve sa source dans :

− Une contrainte réelle ou perçue,

− Une référence à des valeurs morales, ce que l’on s’autorise,

− Un sens à l’action, dans les projets de l’individu,

− La recherche du plaisir.

Parmi les impulsions génératrices de besoin, les désirs non-physiologiques ont une place notoire (recherche de richesse, de prestige, de gloire…) mais restent difficiles à identifier objectivement au niveau individuel.

Un individu exprime ses besoins selon trois facteurs : ses propres estimations de succès ou d’échec (appelé aussi auto-efficacité), les conséquences attendues de la réussite ou de l’échec de son action (appelé aussi attitudes) et l’influence de l’avis de son entourage (normes sociales).

Le besoin est une notion différente mais complémentaire de la fonction. Elle peut être illustrée par des situations d’usage.

Finalement, nous proposons une vision systémique du besoin. Le fonctionnement d’un individu ou un groupe peut être représenté comme étant un système ayant des entrées et des sorties et réalisant des activités. Considérant les principes de « la capacité à profiter » et de « la dépendance par rapport aux performances », les besoins représentent le phénomène de dépendance par rapport à des entrées au système. Ce sont des éléments qui doivent être disponibles pour assurer la réalisation des activités. Par conséquent, dans le domaine de l’innovation technologique, les besoins peuvent être considérés comme étant un problème de ressources pour l’accomplissement des activités.

Un besoin correspond au désir d’un acteur donné de disposer de la ressource apte à garantir des activités et la production de résultats auxquels il est dévoué. La satisfaction du besoin permet la bonne réalisation des activités, ce qui se traduit par le maintien du niveau des résultats, voire même à leur amélioration. La non-satisfaction de ce besoin peut conduire à un dysfonctionnement des activités ce qui se traduit par des conséquences sur la performance. Il y a donc une dépendance entre les performances et le besoin. D’autre part, toute problématique de besoin est reliée à la présence ou à l’absence d’une ou plusieurs ressources dont l’acteur dépend lors de la réalisation de ses activités.

Néanmoins, cette définition a quelques limites, puisque les besoins psychologiques et biologiques peuvent être sous-estimés.

2.3.2. Synthèse et proposition d’un cahier des charges d’une méthode

d’analyse de besoins

Les méthodes d’analyse de besoins doivent viser à l’explicitation des besoins de l’utilisateur du produit (principal acteur), mais aussi de tous les acteurs concernés et influents. En plus de la prise en compte de la vision multi-acteurs, la méthode d’analyse de besoins doit pouvoir tenir compte de la segmentation possible au sein de chaque famille d’acteurs. Comprendre les besoins c’est avant tout comprendre le fonctionnement des acteurs. L’analyse devra permettre la classification des besoins selon les priorités des acteurs extérieurs et de l’entreprise qui conçoit l’innovation. Les antagonismes entre besoins devront être explicités : la multiplicité des acteurs entraîne un accroissement des situations où des couples d’acteurs ont des besoins antagonistes. Une société vendant des prestations de réparation a besoin de pannes à résoudre tandis que l’utilisateur a besoin d’un article fiable à mettre en œuvre.

Comme nous l’avons déjà spécifié, l’analyse doit faire émerger des besoins implicites (ce que les individus ressentent), exprimés (ce que les individus demandent), normatifs (demandés par les normes, les instances de régulation, les professionnels) ou comparés (issus de la comparaison avec d’autres domaines ou contextes). En conséquence, l’analyse de besoins doit se baser sur :

- trois démarches de collecte d’informations :

1) observation des acteurs pour appréhender les besoins non exprimés, interviews et autres techniques d’enquêtes pour les besoins exprimés

2) enquêtes auprès d’experts pour les besoins normatifs

3) veille pour les besoins comparatifs (autres secteurs, autres produits, autres situations d’usage…)

- des analyses multiples elles-aussi : les données issues de l’observation, des enquêtes et de la veille peuvent être traitées par des experts, des concepteurs ou bien par les acteurs eux-mêmes.

De plus, l’identification des besoins implicites doit faire appel à des observations ou à un travail utilisant des « intermédiaires », des représentations (textes, images, objets) auxquels réagira l’acteur étudié.

L’analyse devra tenir compte de la sensibilité des résultats aux influences et variations de l’environnement. Ainsi, un événement extérieur (avis d’une personne référente par exemple) peut modifier la vision que l’acteur étudié a de ses chances de profiter des avantages d’une innovation.

Le besoin étant lié à la capacité à profiter, l’analyse de besoins doit s’attacher à décrire le niveau de maîtrise effectif ou potentiel de l’acteur vis-à-vis du futur concept. Il existe souvent un besoin en compétences.

Enfin l’analyse joue un rôle créatif dans le processus d’innovation : quel concept devra-t-on créer pour répondre aux besoins. Elle joue un rôle dans l’évaluation des concepts innovants : répondent-ils au besoin ?

Une étape préalable à l’évaluation des besoins consiste à bien cibler l’analyse. C’est aussi une étape qui s’inscrit selon une vision systémique. Elle consiste à analyser les acteurs et les différents flux qui peuvent exister entre eux. Parfois, pour un même type d’acteur, il se peut qu’il y ait des besoins communs à tous les individus, mais il est aussi possible d’avoir des besoins différents pour certaines catégories d’acteurs. Par exemple, en électroménager, on peut considérer les utilisateurs comme un groupe homogène. Or le coréen LG a subi plusieurs revers lors de l’introduction des ses produit aux Etats-Unis, avant de comprendre que les familles américaines ont des habitudes et des besoins différents de ceux des familles asiatiques ou européennes. LG a eu recours à des techniques d’observation en installant une caméra vidéo dans la cuisine de 18 foyers américains dans le but de collecter des données sur les habitudes de consommation des familles américaines. Le but étant d'analyser combien de fois par jour ces familles ouvrent-elles leur réfrigérateur, combien de temps consacrent-elles pour préparer les repas, ou encore leur façon de dresser les couverts ou de faire la vaisselle (Chatopadhyay et Lajos, 2008). De plus, en s’intéressant à la clientèle nord américaine, LG a constaté que les besoins des séniors sont différents des jeunes cadres actifs. Face à une cible hétérogène, la solution consiste à spécifier l’offre de produit pour chaque cible jugée pertinente. C’est ce qu’a fait LG en proposant une nouvelle gamme de réfrigérateurs et en

installant un centre de R&D dans le New Jersey spécialement dédié au marché nord-américain.

En conclusion, l’analyse de besoins a un intérêt pour le praticien qui doit pouvoir rendre les phases amont de l’innovation moins sujettes à des coûts élevés dus à des décisions incorrectes ou qui peuvent être causes d’échec. Cette analyse peut aussi servir de référence aux académiques lorsqu’ils abordent la description du processus d’une entreprise ou pour caractériser un nouveau concept.