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Au Québec, il n’existe pas de définition légale précise du fran-chisage ni, et encore moins, du franfran-chisage international. Le lé-gislateur ne s’est pas encore beaucoup intéressé à cette opération commerciale dont le développement est assez récent. Faute de disposition expresse, le contrat de franchise n’est soumis au Québec à aucun formalisme. Par conséquent, il ne résulte pas nécessairement d’un écrit18.

18 Voir North American Research Corp. c. Produits chimiques Narco inc., J.E. 587, (C.S.); contra : Remax Québec inc. c. Remax Succès (1984) inc., J.E. 91-374 (C.S.). Dans cette affaire, suite au décès de l’un des associés d’une société franchisée, une nouvelle société est constituée. Une lettre est alors envoyée au franchiseur lui demandant d’accepter de transférer le contrat de franchise et d’autoriser la nouvelle société à utiliser la dénomination sociale

« Remax succès (1988) ». Le franchiseur accepte la demande relative à la dénomination sociale mais ne donne jamais suite à la demande de transfert du contrat de franchise. Néanmoins, la nouvelle société poursuit les affaires et paie régulièrement les redevances au franchiseur. Finalement, ce dernier résilie le contrat passé avec son franchisé original et exige des dommages-intérêts des deux sociétés alléguant qu’elles n’ont pas respecté les conditions du contrat. La Cour supérieure a considéré que la société nouvelle n’était pas tenue par le contrat de franchise, puisque le franchiseur n’en avait jamais accepté formellement le transfert. Selon nous, la perception des redevances démontre que le franchiseur avait accepté le transfert. L’envoi au franchiseur d’une demande de transfert de franchise constitue une offre, qui a été implicitement acceptée par l’inaction du franchiseur et la perception des redevances. Dès lors, selon nous, la nouvelle société était liée par le contrat de franchise. Voir aussi École de conduite Groupe Tecnic inc. c. École de

L’International Franchise Association en donne une définition large, mais peu précise :

Une franchise est une relation contractuelle entre le franchiseur et le franchisé où (i) le franchiseur offre ou est obligé de maintenir un intérêt continu à l’égard du commerce du franchisé dans des domaines tels le savoir-faire et la formation et (ii) le franchisé exerce ses activités en uti-lisant une marque de commerce, un concept ou des procédures com-munes détenues ou contrôlées par le franchiseur, et selon laquelle le franchisé a fait ou fera un investissement en capital substantiel dans son commerce à même ses propres ressources.19

L’une des parties est obligée de maintenir un intérêt, l’autre d’exercer ses activités en utilisant une marque... Cette description, formulée par une association de commerçants, est trop vague pour asseoir une analyse juridique de l’opération. La définition adoptée à l’article 1 du Code de déontologie européen de la fédéra-tion européenne de la franchise (EFF)20 nous semble plus juridi-que :

La franchise est le système de commercialisation de produits et/ou de services et/ou technologies, basé sur une collaboration étroite et conti-nue entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes, le franchiseur et ses franchisés, dans lequel le fran-chiseur accorde à ses franchisés le droit, et impose l’obligation d’exploiter une entreprise en conformité avec le concept du franchiseur.

Le droit ainsi concédé autorise et oblige le franchisé, en échange d’une contribution financière directe ou indirecte, à utiliser l’enseigne et/ou

conduite F.L. Est de Montréal inc. (ECFLEM), J.E. 97-1516 (C.S.) : le juge Jean Frappier considère, à juste titre selon nous, que la signature de lettres d’intention au sujet de la conclusion d’un contrat de franchise n’équivaut pas à la signature du contrat type de franchisage pratiqué par la demanderesse.

Bien que les intimés (les prétendus franchisés) utilisent la raison sociale du franchiseur et versent des redevances, cela ne suffit pas à établir que les intimés ont adhéré au contrat type de franchise de la demanderesse. Par ailleurs, la seule utilisation de la raison sociale ne suffit pas à établir une relation de franchise. Dans cette affaire, il est constaté que la demanderesse n’a pas rempli les prestations constitutives du contrat de franchisage : aucune remise d’un manuel d’exploitation n’a eu lieu, aucune délimitation de territoire n’a été établie, aucun service d’information et de soutien n’a été fourni lors de l’ouverture des commerces. Selon nous, le refus de considérer la relation entre les parties comme une relation de franchise ne résulte pas de l’absence d’un contrat de franchise écrit, mais bien plutôt de l’absence des prestations caractéristiques de la franchise.

19 Traduction par A. S. KONIGSBERG et A.-M. GAUTHIER, loc. cit., note 6, 636.

20 Voir la reproduction de ce Code dans l’annexe 1 du fascicule n° 206,

« Franchise », J.-Cl. Com. Paris, Éditions du Juris-classeur, 1991.

la marque de produits et/ou de services, le savoir-faire, et autres droits de propriété intellectuelle, soutenu par l’apport continu d’assistance commerciale et/ou technique, dans le cadre et pour la durée d’un contrat de franchise écrit, conclu entre les parties à cet ef-fet.

On note que la définition fait appel à un vocabulaire commer-cial, à des notions qui ne sont pas civilistes (par exemple, le concept du franchiseur). Le concept est donc défini en annexe au Code :

[L]e concept est la conjonction originale de 3 éléments : – la propriété ou le droit d’usage de signes de ralliement de la clientèle : marque de fabrique de commerce ou de services, enseigne, raison sociale, nom commercial, signes et symboles; – l’usage d’une expérience, d’un savoir-faire; – une collection de produits, de services et/ou de techno-logies brevetés ou non, que [le franchiseur] a conçus, mis au point, agréés ou acquis.

Évidemment, chaque auteur forge lui aussi sa propre défini-tion. Reprenons celle de Dominique Legeais qui nous semble complète et assez claire21 :

[Le contrat de franchise est celui] par lequel deux personnes juridi-quement indépendantes s’engagent à collaborer, l’une [le franchiseur]

mettant à la disposition de l’autre [le franchisé] ses signes distinctifs et un savoir-faire original, éprouvé et constamment perfectionné, moyennant une rémunération et l’engagement du franchisé de les uti-liser selon une technique commerciale uniforme, avec l’assistance du franchiseur et sous son contrôle.

Enfin, précisons qu’il y a franchise internationale lorsque le franchiseur développe son concept dans un pays autre que celui où est situé son propre établissement22. Par conséquent, le Québec est concerné par une franchise internationale lorsqu’il est le lieu d’exploitation d’un franchisé lié à un franchiseur domicilié à l’étranger ou lorsqu’un franchiseur domicilié au Québec est lié avec un ou plusieurs franchisés domiciliés à l’étranger et y exploi-tant leur commerce franchisé.

La question de savoir si ces deux hypothèses sont soumises au droit québécois relève des dispositions de droit international privé du Code civil du Québec et de l’interprétation qu’en font la

21 D. LEGEAIS, loc. cit., note 7, n° 1, 3.

22 D. FERRIER, loc. cit., note 1, 627.

doctrine23 et la jurisprudence. Aucune règle de conflit spécifique à la relation de franchise n’étant édictée par le Code civil, la détermination de la loi applicable dépend de la désignation de la prestation caractéristique. Certains considèrent qu’elle est fournie par le franchiseur (car il confère un savoir-faire), alors que d’autres soumettent le contrat à la loi du domicile du franchisé dont l’obligation de reproduire le système du franchiseur consti-tuerait la prestation caractéristique. Par ailleurs, des lois d’application nécessaire viendront également régir certains as-pects importants de l’opération. Quoi qu’il en soit, nos dévelop-pements prennent pour acquis que les questions soulevées sont régies par le droit québécois. Notre objectif, en effet, est d’évaluer dans quelle mesure la pratique, en ce domaine, peut se concilier avec le nouveau Code civil du Québec.