Chapitre VI : Matériaux magnétocaloriques pour les applications à haute température
VI.1. Généralités sur l’effet magnétocalorique
VI.1.2. Définition et approche thermodynamique
- L’effet magnétocalorique
Pour décrire l’effet magnétocalorique (EMC), considérons un système de spins
paramagnétiques ou ferromagnétiques proche de sa température de transition. L’entropie de ce
système peut être considérée comme résultant de la somme de deux contributions : l’entropie
relative à l’ordre magnétique du système (entropie magnétique) et celle apparentée à sa
température (entropie de réseau et électronique).
L’application d’un champ magnétique aligne les moments magnétiques qui sont initialement
désordonnés par l’agitation thermique. Ceci a pour conséquence une diminution de la valeur de
l’entropie magnétique (ΔSM < 0). Si cette opération est réalisée de façon adiabatique, i.e. sans
échange de chaleur avec l’extérieur, l’entropie de réseau et l’entropie électronique augmentent
afin de maintenir l’entropie totale du système constante. L’augmentation de cette entropie
entraîne un échauffement du système et donc une élévation de la température (ΔTad > 0). Si le
processus est réversible, une désaimantation adiabatique provoquera une diminution de la
température jusqu’à sa valeur initiale [1]. Dans le cas d’un système antiferromagnétique,
l’application du champ magnétique peut conduire à l’effet inverse (ΔSM > 0 ; ΔTad < 0), puisque le
champ magnétique appliqué tend à désordonner l’arrangement antiparallèle des moments.
L’effet magnétocalorique est donc défini comme la variation adiabatique de température
(ΔTad) ou à la variation isotherme d’entropie (ΔSM) d'un solide placé dans un champ magnétique
variable [1]. Il passe en général par des extrema aux températures de transitions magnétiques. Il
requiert des moments magnétiques importants pour avoir une ampleur significative. En effet
l’entropie magnétique molaire théorique maximale vaut : SM = R ln(2J + 1) où J est le moment
cinétique total de l’atome et R la constante des gaz parfaits [1].
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- Approche thermodynamique
Thermodynamiquement, l’expression de l’entropie d’un matériau magnétique à pression
constante dépend du champ magnétique H et de la température T, on la note S (T, H)P. Comme
nous l’avons évoqué précédemment, elle comprend une contribution magnétique (SM) et deux
termes relatifs à la température : l’entropie de réseau (SR) et l’entropie électronique (SE) [1].
𝑆(𝑇, 𝐻)
𝑃= 𝑆
𝑀(𝑇, 𝐻)
𝑃+ 𝑆
𝑅(𝑇)
𝑃+ 𝑆
𝐸(𝑇)
𝑃VI.1
Lorsque l’on effectue une variation de champ de H0 à H1 (H1 > H0) de façon adiabatique et
réversible (i.e. quand l’entropie totale du système reste constante), un système ferromagnétique
subit une augmentation de température ΔTad et une diminution de l’entropie magnétique ΔSM.
Ces deux grandeurs physiques permettent de quantifier l’ampleur de l’effet magnétocalorique.
Elles peuvent être déterminées à partir des courbes d’entropie en fonction de la température
S(T) comme l’illustre la figure VI.1. L’élévation de température ΔTad est égale à la différence
isentropique des courbes S(T) à H0 et H1. La différence entre les courbes d’entropie à H0 et H1 à
une température donnée correspond quant à elle à la variation de l’entropie magnétique ΔSM.
Expérimentalement, il est possible d’évaluer indirectement ces grandeurs par des mesures
d’aimantation et/ou de chaleur spécifique, à partir des relations thermodynamiques décrites
dans les paragraphes suivants.
Figure VI.1 : Exemple de courbes d’entropie à basse température d’après la référence [1]. Détermination graphique des grandeurs ΔTad et ΔSM.
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- Relation entre la variation d’entropie magnétique ΔS
Met l’aimantation M
Les propriétés thermodynamiques d’un système, lorsque la température T et la pression P
sont imposées, sont décrites par l’énergie libre de Gibbs G. Pour un système magnétique, elle est
définie à pression constante par une fonction de la température T, de la pression P et du champ
H :
𝐺 = 𝑈 − 𝑇𝑆 + 𝑃𝑉 − 𝑀𝐻 VI.2
U est l’énergie interne du système, S l’entropie et M l’aimantation. Sa dérivée totale s’écrit :
𝑑𝐺 = 𝑉𝑑𝑃 − 𝑆𝑑𝑇 − 𝑀𝑑𝐻 VI.3
Les variables intensives de l’énergie libre de Gibbs que sont l’entropie S, l’aimantation M et le
volume V, conjugués aux variables extensives T, P et H, sont liées par les relations suivantes,
déduites de l’expression VI.3 :
𝑆(𝑇, 𝐻, 𝑃) = − (𝜕𝐺
𝜕𝑇)
𝐻,𝑃VI.4
𝑀(𝑇, 𝐻, 𝑃) = − (𝜕𝐺
𝜕𝐻)
𝑇,𝑃VI.5
𝑉(𝑇, 𝐻, 𝑃) = (𝜕𝐺
𝜕𝑃)
𝑇,𝐻VI.6
A partir des expressions VI.4 et VI.5, il est possible d’obtenir l’une des relations de Maxwell
[1] qui relie la variation d’entropie ΔSM à l’aimantation M, au champ magnétique H et à la
température T :
(𝜕𝑆(𝑇, 𝐻)
𝜕𝐻 )
𝑇= (
𝜕𝑀(𝑇, 𝐻)
𝜕𝑇 )
𝐻VI.7
Pour une transformation adiabatique, l’intégration de cette relation entre deux valeurs du
champ magnétique (Hi et Hf) donne :
∆𝑆
𝑀(𝑇, ∆𝐻) = ∫ (𝜕𝑀(𝑇, 𝐻)
𝜕𝑇 )
𝐻𝑑𝐻
𝐻𝑓
𝐻𝑖
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L’équation VI.8 montre que la variation de l’entropie magnétique ∆𝑆
𝑀(𝑇, ∆𝐻) est
proportionnelle à la dérivée de l’aimantation par rapport à la température à champ constant et à
la variation du champ magnétique. Si le champ magnétique varie entre 0 et H, alors l’expression
se réduit à :
∆𝑆
𝑀(𝑇, ∆𝐻) = ∫ (𝜕𝑀(𝑇, 𝐻)
𝜕𝑇 )
𝐻𝑑𝐻
𝐻 0VI.9
On peut donc déterminer expérimentalement la variation d’entropie magnétique ΔSM si l’on
connaît la dépendance en champ et en température de l’aimantation M. L’équation VI.9 est à
l’origine de la méthode de détermination de ΔSM, proposée par Pecharsky et Gschneidner [10], et
décrite dans le chapitre I (Section I.2.3.b.).
- Relation entre ΔS
M, ΔT
adet la chaleur spécifique C
pLa chaleur spécifique Cp d’un matériau est définie comme la quantité de chaleur δQ à lui
apporter pour élever sa température d’un degré. A pression constante, on peut écrire :
𝐶
𝑝= (𝛿𝑄
𝑑𝑇)
𝑃VI.10
D’après le second principe de la thermodynamique, pour une transformation réversible :
𝑑𝑆 =𝛿𝑄
𝑇
VI.11
En considérant l’entropie à T = 0 K comme nulle, on peut écrire :
𝑆(𝑇) = ∫ 𝐶
𝑝𝑇
𝑇 0
𝑑𝑇 VI.12
Après avoir effectué des mesures de chaleur spécifique Cp(T) sous deux champs magnétiques
H0 et H1 (avec H0 < H1) et à l’aide des courbes d’entropie en fonction de la température S(T),
obtenues après intégration (équation VI.12) pour les deux valeurs de champ, on détermine ΔS
Mà l’aide de la relation suivante [10,11]:
∆𝑆
𝑀= ∫ (
𝑇𝐶
𝑝(𝑇, 𝐻
1) − 𝐶𝑇
𝑝(𝑇, 𝐻
0)) 𝑑𝑇
0
150
Ou encore :
∆𝑆
𝑀(∆𝐻, 𝑇) = 𝑆(𝐻
1, 𝑇) − 𝑆(𝐻
0, 𝑇) VI.14
ΔT
adest quant à lui obtenu à l’aide de la relation suivante :
∆𝑇
𝑎𝑑(∆𝐻, 𝑇) = 𝑇(𝐻
1, 𝑆) − 𝑇(𝐻
0, 𝑆) VI.15
Les différences isothermes (équation VI.14) et isentropiques (équation VI.15) entre les
courbes d’entropie S(T) pour deux champs magnétiques H0 et H1, calculées à partir des courbes
de chaleur spécifique Cp(T), permettent d’accéder aux deux paramètres caractérisant l’EMC d’un
composé (ΔS
Met ΔT
ad).
Les mesures de chaleur spécifique sont néanmoins plus longues et plus complexes à mettre
en place que les mesures d’aimantation en fonction du champ. Les calculs de ΔTad sont donc
moins fréquents dans la littérature et sont en général effectués après que la détermination de
ΔSM par mesures magnétiques a révélé des propriétés magnétocaloriques intéressantes. Les
valeurs de ΔTad sont généralement comprises entre quelques K et quelques dizaines de K et
celles de ΔSM entre quelques dizaines de mJ.cm
-3.K
-1et quelques centaines de mJ.cm
-3.K
-1.
Notons que certains dispositifs, auxquels nous n’avons pas accès au laboratoire, permettent
une estimation directe de l’EMC. Ils mesurent la différence entre la température finale et la
température initiale d’un échantillon soumis à une variation de champ magnétique.
Dans ce travail, tous les matériaux magnétocaloriques ont été étudiés en comparant les
variations isothermes d’entropie ΔSM obtenues à partir de mesures d’aimantation en fonction du
champ magnétique appliqué (cf. Chapitre I, section I.2.3.b.).
Dans le document
État de valence de l’ytterbium dans YbMn6Ge6-xSnx et ses dérivés : matériaux magnétocaloriques haute température
(Page 160-164)