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Définir l’objectif derrière notre demande

Dans le document Les mots sont des fenêtres (Page 59-62)

Notre demande ne peut être entièrement sincère que si nous sommes conscients de l’objectif qui la motive. Si notre seule intention est de changer les autres et leurs comportements pour qu’ils se plient à nos quatre volontés, ce n’est pas la CNV qui nous permettra de parvenir à nos fins. Le processus est destiné à ceux d’entre nous qui souhaiteraient que les autres changent et réagissent favorablement, mais à la seule condition qu’ils le fassent de leur plein gré et du fond du cœur. L’objectif de la CNV est d’établir une relation fondée sur la sincérité et l’empathie. Dès lors que les autres comprennent que nous nous attachons en premier lieu à la qualité de la relation et que nous attendons de ce processus qu’il satisfasse aussi bien leurs besoins que les nôtres, ils peuvent être assurés que nos demandes sont sincères et ne dissimulent aucune exigence.

Notre objectif est d’établir une relation fondée sur la sincérité et l’empathie.

Il est certes difficile de garder en permanence cet objectif à l’esprit, notamment pour les parents, enseignants, patrons et tous ceux qui, par leur métier, sont censés influencer le comportement d’autrui et obtenir des résultats concrets.

Une mère qui revenait à un atelier après la pause du déjeuner annonça : « Marshall, je suis rentrée à la maison et j’ai essayé. Ça n’a pas marché. » Je lui demandai de décrire ce qu’elle avait fait.

– Je suis rentrée chez moi et j’ai exprimé mes sentiments et mes besoins, comme nous l’avions vu. Je n’ai ni jugé ni critiqué mon fils. Je lui ai simplement dit : « Quand je constate que tu n’as pas fait le travail que tu avais promis de faire, je me sens très déçue. En rentrant, j’aurais voulu trouver la maison en ordre et voir que tu avais fait ta part de travail. » Puis, j’ai formulé une demande : je lui ai dit que je voulais qu’il nettoie immédiatement.

– Il me semble que vous avez clairement exposé toutes les composantes, commentai-je. Que s’est-il passé ?

– Il ne l’a pas fait…

– Et puis ?…

– Je lui ai dit qu’il ne pourrait pas rester paresseux et irresponsable toute sa vie.

Je compris qu’elle ne savait pas encore distinguer l’expression d’exigences et de demandes. Dans son esprit, l’efficacité du processus était encore liée à la satisfaction de ses exigences. Pendant les phases initiales d’apprentissage de la CNV, nous nous surprenons parfois à appliquer de façon systématique les différentes composantes de la démarche sans savoir à quoi nous aspirons.

Mais il arrive aussi que, bien que nous soyons conscients de notre intention et que nous veillions à exprimer correctement notre demande, certaines personnes entendent tout de même une exigence. Cela arrive surtout aux personnes qui détiennent un certain pouvoir et s’adressent à des gens qui ont été confrontés à des supérieurs autoritaires.

Un directeur de lycée m’invita un jour à expliquer aux enseignants de son établissement en quoi la CNV pouvait les aider à communiquer avec les élèves qui ne se montraient pas aussi coopératifs que les professeurs l’auraient voulu.

Il me demanda de rencontrer quarante élèves qui avaient été jugés « socialement et psychologiquement inadaptés ». Je fus marqué par le caractère prophétique de ce type d’étiquette. Une fois que l’on est ainsi catalogué, comment ne pas se sentir encouragé à se moquer des professeurs en refusant systématiquement d’obtempérer ? À partir du moment où nous étiquetons les individus, nous avons tendance à adopter à leur égard un comportement qui provoque précisément l’attitude qui nous contrarie – ce que nous interprétons comme une confirmation de notre diagnostic. Dans la mesure où ces élèves savaient qu’ils avaient été jugés

« socialement et psychologiquement inadaptés », en pénétrant dans la salle de classe, je ne fus pas surpris de voir que la plupart étaient accoudés à la fenêtre et hurlaient des obscénités à leurs camarades qui étaient dans la cour. J’ai commencé par exprimer une demande : « J’aimerais que vous veniez tous vous asseoir pour que je puisse vous dire qui je suis et ce que je voudrais faire avec vous aujourd’hui. » La moitié de la classe s’installa. Comme je n’étais pas sûr qu’ils m’aient tous entendu, je réitérai ma demande. Les autres élèves vinrent s’asseoir, mais deux jeunes gens restèrent accoudés à la fenêtre. Malheureusement pour moi, c’étaient les deux plus solides gaillards du groupe.

Je m’adressai directement à eux : « Excusez-moi, l’un d’entre vous voudrait-il me répéter ce qu’il m’a entendu dire ? » L’un se retourna et répondit : « Oui, vous avez dit qu’il fallait qu’on vienne s’asseoir. » Il a donc entendu ma demande comme une exigence, me dis-je. Puis, je repris à voix haute : « Monsieur (j’ai appris à appeler “Monsieur” les gens qui ont des biceps pareils, surtout ceux qui arborent des tatouages), voudriez-vous me dire comment j’aurais pu vous faire part de ce que je souhaitais sans avoir l’air de vous donner des ordres ? » Le jeune homme parut interloqué : « Quoi ? » Il avait été si bien conditionné à attendre des exigences de la part de tous ceux qui représentaient l’autorité que ma façon de l’aborder l’avait dérouté. Je répétai donc ma demande : « Comment pourrais-je vous dire ce que j’aimerais que vous fassiez sans donner l’impression de ne pas me soucier de vos désirs ? » Il hésita un instant et haussa les épaules : « J’en sais rien, moi. »

Je poursuivis : « Ce qui se passe en ce moment entre vous et moi illustre bien ce dont j’avais envie de parler avec vous aujourd’hui. Je suis persuadé que les gens peuvent bien mieux s’apprécier si chacun peut faire savoir à l’autre ce qu’il aimerait, sans donner des ordres à tout le monde. Quand je vous dis ce que je voudrais, je ne dis pas que vous êtes obligé de le faire, faute de quoi je vous rendrais la vie impossible. Je ne sais pas le dire d’une façon qui puisse vous inspirer confiance. » À mon grand soulagement, le jeune homme parut comprendre et, avec son camarade, s’approcha pour rejoindre le groupe. Dans des situations comme celle-ci, il faut parfois un certain temps avant que nos demandes soient clairement perçues pour ce qu’elles sont.

En formulant une demande, il est également précieux de repérer un certain nombre de pensées susceptibles de transformer automatiquement des demandes en exigences.

Il devrait nettoyer derrière lui.

Elle est censée faire ce que je lui demande.

Je mérite une augmentation.

J’ai raison de les retenir plus longtemps.

J’ai le droit d’avoir plus de loisirs.

À partir du moment où nous envisageons nos besoins en ces termes, force nous est de juger les autres lorsqu’ils n’accèdent pas à nos demandes. C’est précisément ce type de pensées moralisatrices que j’avais à l’esprit un jour où mon fils cadet n’avait pas sorti la poubelle, comme il s’y était engagé lorsque nous avions établi la répartition des tâches ménagères. Jour après jour, je lui rappelais ses responsabilités – « C’est ton travail », « Nous avons tous quelque chose à faire », etc. – dans l’unique but de le convaincre de sortir la poubelle.

Enfin, un soir, j’écoutai plus attentivement les raisons qu’il avançait depuis longtemps pour justifier son attitude. Après notre discussion, j’écrivis la chanson suivante. Dès qu’il sentit que j’avais écouté avec une compréhension respectueuse ce qu’il avait à dire, mon fils se mit à sortir régulièrement la poubelle, sans que j’aie à le lui rappeler.

Tu auras le sentiment de te cogner contre un mur.

Et quand tu me rappelles

Tu ne me considéreras pas comme un autre être humain, Tant que je ne correspondrai pas à tes normes.

Résumé

La quatrième composante de la CNV attire notre attention sur ce qui enrichit notre vie et celle des autres, et nous invite à formuler mutuellement des demandes claires. Nous nous efforçons d’éviter les formulations imprécises, ambiguës ou abstraites et d’utiliser un langage d’action positif en déclarant ce que nous demandons plutôt que ce que nous ne demandons pas.

Plus nous exprimons avec précision ce que nous voulons, plus nous avons de chances de l’obtenir. Dans la mesure où le message que nous émettons ne coïncide pas toujours avec celui qui est reçu, nous pouvons apprendre des moyens de savoir si notre message a été correctement entendu. Lorsque nous nous adressons à un groupe, soyons particulièrement attentifs à indiquer la nature précise de la réaction que nous souhaitons. Sans quoi, nous risquons de lancer des conversations improductives, qui font perdre beaucoup de temps au groupe.

Les demandes sont perçues comme des exigences lorsque leur destinataire est convaincu qu’il sera critiqué ou puni s’il n’obtempère pas. Nous pouvons aider nos interlocuteurs à croire que nous exprimons bel et bien une demande et non une exigence en précisant que nous apprécierions qu’ils n’accèdent à nos désirs que s’ils y sont vraiment disposés. L’objectif de la CNV n’est pas de changer les autres et leurs comportements afin d’obtenir ce que nous voulons. Il est d’établir des relations fondées sur la sincérité et l’empathie qui, au bout du compte, satisferont les besoins de chacun.

Dans le document Les mots sont des fenêtres (Page 59-62)