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CHAPITRE 1. INTRODUCTION

1.4 Les déficits moteurs observés chez des personnes atteintes de tendinopathie

Quelle que soit la structure à l’origine de la douleur, la présence d’une douleur est en mesure de modifier le contrôle articulaire. De plus, cette diminution de contrôle peut à son tour mener à des douleurs[73]. Chez les gens souffrant de tendinopathie de l’épaule, ces modifications peuvent être le résultat de changements centraux[68], de faiblesses musculaires, d’altérations des structures passives ou une combinaison de tous ces facteurs[35].

Activation musculaire :

Plusieurs études ont tenté de caractériser l’activation des muscles scapulaires et GH lors de l’élévation du membre supérieur chez des participants atteints de tendinopathie. Pour les muscles scapulaires, il a été observé que le dentelé antérieur présente une activation diminuée chez les gens souffrant de tendinopathie lors de l’élévation de l’épaule[74-76], alors que l’activité du muscle trapèze supérieur est augmentée[75-78]. Les muscles trapèze moyen[77] et trapèze inférieur[75, 77, 79] présentent également une diminution de leur activation. De plus, pour les muscles GH, une diminution de l’activité du subscapulaire[80], de

l’infraépineux[80] et du deltoïde moyen lors des premiers degrés d’élévation (0° à 45°)[80, 81] a également été décrit. En plus des altérations du niveau de l’activation musculaire, certaines études ont observé de modifications dans la séquence d’activation des muscles. Il est donc possible de noter un retard de l’activation du muscle trapèze moyen[82], du trapèze inférieur[10, 82] et une activation précoce du muscle dentelé antérieur[83], ainsi qu’une désactivation hâtive de ces deux dernier muscles lors de la descente du membre supérieur[78, 84]. Finalement une diminution de la coactivation des muscles de la coiffe a également été notée dans les premiers degrés d’élévation[81]. Toutefois, trois autres études n’ont pas observé de différence significative dans la séquence d’activation de ces muscles lors de tâches similaires[10, 83, 85, 86].

Cinématique modifiée :

Puisque les muscles permettent le mouvement articulaire, il n’est pas surprenant qu’en présence de changements au niveau du recrutement musculaire, des changements soient notés quant à la cinématique articulaire. C’est ce que l’on observe dans les études traitant de la cinématique de la scapula1 et de l’humérus lors de l’élévation du membre supérieur chez des participants souffrant de tendinopathie : certains mouvements atypiques sont observés[9, 75, 76, 84, 87-94]. On retrouve : 1) une élévation exagérée de la ceinture scapulaire, « shoulder shrugging »; 2) une diminution ou une augmentation de la bascule postérieur de la scapula; 3) une diminution ou une augmentation de la rotation latérale de la scapula; 4) une augmentation de la protraction de la ceinture scapulaire; 5) une augmentation de la rotation médiale de l’humérus. Dans le cas de la rotation médiale, cette composante a particulièrement été observée chez un sous-groupe de sujets souffrant de tendinopathie à l’aide de l’imagerie par résonnance magnétique[95].

Il est important de noter que parmi ces études, il y a absence d’uniformité dans les méthodes d’évaluation et les critères d’inclusion des participants. De plus, bien que tous les participants étaient atteints de tendinopathie, certaines études visaient des sous-groupes précis, par exemple des nageurs[87] ou des utilisateurs de fauteuil roulant[92]. Une revue systématique de Ratcliffe et al.[96] conclut qu’il n’existe pas d’anomalie cinématique définitive et

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uniforme chez les participants atteints de tendinopathie de la coiffe des rotateurs. Cette conclusion fait écho aux observations notées ci-haut et suggère que seulement certains sous- groupes de participants souffrant de tendinopathie présenteraient des changements au niveau de la cinématique de mouvement.

Tel que mentionné plus tôt, une diminution de la DAH est notée lors des modifications suivantes de la cinématique; une diminution de la bascule postérieure de la scapula, une augmentation de la rotation médiale de la scapula, une diminution de la rotation latérale de la scapula[9], une augmentation de la protraction de la ceinture scapulaire[10] et une translation supérieure excessive[11]. Les modifications observées s’expliquent généralement par les changements de niveaux d’activation et de séquences d’activation musculaires, donc une altération de la performance ou du contrôle des muscles. Par exemple, une diminution de l’activation des muscles la coiffe des rotateurs mène à un rétrécissement de l’espace sous- acromial[20] et une diminution de l’activation du dentelé antérieur peut mener à une diminution de la bascule postérieure[21] et une diminution de la rotation supérieure de la scapula[21]. Toutefois, un rétrécissement de l’espace sous-acromial peut également être expliqué par la posture, des raideurs musculaires ou des raideurs articulaires[97]. Il est donc intéressant de noter que cinq des huit facteurs extrinsèques causant la tendinopathie proposés par Seitz et al.[35] pourraient mener à une modification de la DAH.

À la lumière de ces données, il semble donc que la présence de tendinopathie de la coiffe des rotateurs puisse être causée par une multitude de variations d’activation et de changements dans la cinématique, mais qu’aucune de ces variations ne soit typique à toutes les personnes présentant une tendinopathie de la coiffe des rotateurs. À ce jour, aucune des études caractérisant la DAH des sujets atteints de tendinopathie n’a tenté de subdiviser les sujets en sous-groupes. Nous avançons donc l’hypothèse qu’une diminution de la DAH représente un déficit expliquant la tendinopathie chez un sous-groupe de sujets atteints de tendinopathie. 1.4.1 Mesure échographique et distance acromiohumérale

Il a été mentionné qu’une diminution de la DAH, donc un rétrécissement de l’espace sous- acromial, pouvait refléter une diminution du la performance des muscles scapulaires et GH. La mesure de la DAH se veut donc une mesure qui permettrait d’évaluer le contrôle moteur

de l’épaule. Afin de mesurer la DAH, plusieurs études ont utilisé l’échographie pour quantifier l’espace sous acromial.

La mesure échographique typiquement utilisée pour évaluer le système musculosquelettique permet une présentation en deux dimensions des structures et une image en divers niveaux de gris (généralement 256 niveaux de gris) selon l’échoïcité de la structure évaluée[98]. Lorsque l’on compare cette approche à l’IRM, l’évaluation des structures est nettement plus rapide et beaucoup moins dispendieuse. Toutefois, l’IRM permet des images dans les 3 dimensions, ce qui n’est pas le cas de la majorité des mesures échographiques[99], bien que la technologie soit parfois possible[100]. La rapidité de la mesure est considérée comme un avantage dans le contexte où certaines mesures sont faites dans des positions douloureuses[101]. Parmi les tissus du système musculosquelettique et les autres tissus mous observables à l’échographie, on compte les nerfs, les muscles, les ligaments, les tendons et les os[102].

La mesure échographique de la DAH a fait l’objet de quelques études et d’une revue systématique[103]. Dans cette revue, une technique similaire à celle décrite originalement par Desmeules et al.[94] est recommandée afin d’évaluer l’espace sous-acromial. Les valeurs d’ICC inter-évaluateur recensées pour cette technique se situent entre 0,80 et 0,91[103], ce qui est généralement considéré comme excellent.

L’étude de Desmeules et al.[94] et une étude utilisant l’IRM[104] ont démontré que l’espace sous acromial diminue lors de l’élévation du bras chez les individus asymptomatiques et chez les participants atteints de tendinopathie. L’étude par IRM menée par Hébert et al. a démontré que la DAH à 80° d’élévation était significativement plus petite chez les individus souffrant d’une tendinopathie que celle d’individus asymptomatiques [104]. Il a été mentionné plus tôt qu’une activation optimale des muscles de la coiffe des rotateurs crée une force vers le bas qui centralise la tête humérale en réponse à une contraction du muscle deltoïde causant une translation supérieure[20]. Une hypothèse peut donc être avancée qu’une performance sous- optimale des muscles de la coiffe des rotateurs mènerait donc à une diminution de l’espace sous acromial.

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Des observations faites auprès des participants souffrant de tendinopathie semblent appuyer cette hypothèse. Une DAH plus petite est observée en position de repos chez les participants souffrant de déchirure complète de la coiffe des rotateurs lorsque comparés aux participants présentant une rupture partielle ou aux participants sans rupture[105]. Un des objectifs de ce mémoire est de comparer l’amplitude de la DAH entre des participants souffrant de tendinopathie et des individus sans douleur, et d’évaluer l’effet d’un programme de réadaptation sur la DAH. L’effet d’un programme de réadaptation sur la DAH a seulement été évalué dans le contexte d’une étude pilote n=7[94]. Similairement aux autres déficits moteurs notés plus haut, nous pensons qu’une diminution de la DAH touche particulièrement un sous-groupe de participants atteints de tendinopathie et non l’ensemble des sujets. L’évolution de la DAH en fonction de sous-groupes n’a jamais été effectuée auparavant.