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Chapitre 2 : Caractéristiques du profil des personnes présentant une DI en particulier des

1. Déficience intellectuelle et trisomie 2

Aujourd’hui, le terme de « déficience intellectuelle » est de plus en plus utilisé pour remplacer celui de « retard mental » (Schalock, Luckasson et Shogren, 2007). Le choix de ce terme reflète l’évolution du concept de handicap, proposée par l'AAIDD et l'OMS. Ce terme est plus en lien avec les pratiques professionnelles actuelles, moins offensant et plus conforme à la terminologie internationale (Schalock, Luckasson et Shogren, 2007). Diverses classifications utilisent encore le terme de « retard mental », mais ces deux notions « déficience intellectuelle » et « retard mental » sont aujourd’hui superposables (Schalock, Luckasson et Shogren, 2007).

1.1.1 Définition de la déficience intellectuelle

Plusieurs organisations proposent une définition de la DI, telles que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans sa Classification Internationale des Maladies (CIM-10), l’American Association on Intellectual and Developmental Disabilities (AAIDD) dans la 11e édition de son manuel de définition (2010) et l’American Psychiatric Association (APA) dans le DSM-V (2013).

Les définitions proposées par ces organisations ont en commun les trois critères suivants : - un déficit du fonctionnement intellectuel définit par l’AAIDD, le DSM-V et la CIM-10 comme un quotient intellectuel (QI) inférieur à la moyenne de la population générale d’environ deux écarts-types (soit < 70), le QI moyen étant fixé par convention à 100 et l’écart-type à 15 ;

- des limitations significatives du fonctionnement adaptatif, spécifiées par l’AAIDD et le DSM-V par des limitations dans au moins deux des domaines d'aptitudes suivants : a) communication, b) autonomie, c) vie domestique, d) aptitudes sociales et interpersonnelles, e) mise à profit des ressources de l'environnement, f) responsabilité individuelle, g) utilisation des acquis scolaires, h) travail, i) loisirs, j) santé et k) sécurité ;

- l’apparition de ces déficits intellectuels et de ces limitations adaptatives au cours de la période développementale, soit avant l’âge de 18 ans (AAIDD et DSM-V).

Les degrés de retard mental sont habituellement déterminés par des tests d'intelligence normalisés ainsi que par une typologie descriptive fondée sur les comportements adaptatifs. Quatre degrés de sévérité reflétant le niveau du déficit intellectuel peuvent être spécifiés (AAIDD, CIM-10 et DSM-V) :

- Retard mental léger : représente la majorité de la population ayant un retard mental, soit environ 85 %, selon le DSM-V, et correspond à un QI compris entre 50 et 70. La plupart des personnes présenteront vraisemblablement des difficultés scolaires. Beaucoup d'adultes seront capables de travailler, de maintenir de bonnes relations sociales, et de s'intégrer dans la société ;

- Retard mental moyen : représente environ 10% de la population ayant un retard mental, selon le DSM-V, et correspond à un QI compris entre 35 et 49. Les personnes présenteront vraisemblablement d'importants retards de développement dans l'enfance, mais beaucoup peuvent acquérir des aptitudes scolaires, un certain degré d'indépendance et des capacités suffisantes pour communiquer. Les adultes auront besoin d'un soutien, de niveaux variés, pour travailler et vivre dans la communauté ;

- Retard mental grave : représente 3% à 4% de la population ayant un retard mental, selon le DSM-V, et correspond à un QI compris entre 20 et 34. Les personnes concernées auront vraisemblablement besoin d’un soutien prolongé dans les différentes sphères de la vie quotidienne ;

- Retard mental profond : représente 1% à 2% de la population ayant un retard mental, selon le DSM-V. Il correspond à un QI inférieur à 20. Les personnes présenteront une limitation très marquée des capacités de soins personnels, du contrôle de leurs besoins naturels, de la communication et des déplacements. Elles auront besoin d’un soutien constant.

Selon la CIM 10, bien que les capacités intellectuelles et l'adaptation sociale soient déficitaires dans cette population, elles peuvent changer et être améliorées par une formation et une rééducation appropriées.

La définition de la déficience intellectuelle comme étant « la capacité sensiblement réduite de comprendre une information nouvelle ou complexe, et d’apprendre et d’appliquer de nouvelles compétences (trouble de l’intelligence). Il s’ensuit une aptitude diminuée à faire face à toute situation de manière indépendante (trouble du fonctionnement social), un phénomène qui commence avant l’âge adulte et exerce un effet durable sur le développement. », proposée par l’OMS, sera retenue, dans le cadre de cette thèse.

1.1.2 Epidémiologie

En France, il existe peu de connaissances précises en épidémiologie, sur la DI. Cependant, les estimations indiquent que la DI légèrepourrait concerner entre 10 et 20 personnes pour 1 000 et que la DI sévère concernerait 3 à 4 personnes pour 1 000 (INSERM, 2016).

1.1.3 Etiologie

La DI est extrêmement hétérogène sur les plans clinique et étiologique. Les causes de DI peuvent être liées à l’environnement (infections, intoxications dont celles liées à l’alcool, etc.) ou d’origine génétique (INSERM, 2016). Cependant, les causes restent souvent inconnues, ce qui est le cas pour environ deux tiers des personnes avec une DI légère et la moitié des personnes avec une DI sévère (Bussy et des Portes, 2008). Les anomalies chromosomiques sont les causes connues les plus fréquentes (Bussy et des Portes, 2008). Elles concernent 4 à 10 % des DI légères et 20 à 30 % des DI sévères (Bundey, Webb, Thake et Todd, 1985 ; Hou, Wang et Chuang, 1998 ; Lamont et Dennis, 1988).

La trisomie 21 représente plus de 80 % des problèmes d’agencements chromosomiques détectables au caryotype standard et demeure la première cause de DI d’origine génétique (Czarnetski, Blin et Pusch, 2003 ; Hayes et Batshaw, 1993 ; Hou, Wang et Chuang, 1998 ; Neri et Opitz, 2009).

1.2 La trisomie 21

Comme indiqué précédemment, la trisomie 21, appelée également Syndrome de Down est l'une des causes les plus fréquentes de la DI (Hayes et Batshaw, 1993 ; Hou, Wang et Chuang, 1998 ; Stromme, 2000 ; Neri et Opitz, 2009).

La trisomie 21 est une pathologie chromosomique congénitale. Elle est induite par la présence d'un troisième chromosome sur la 21ème paire (Lejeune, Gautier et Turpin, 1959a ; Lejeune, Gautier et Turpin, 1959b). L’incidence était d ’ 1 cas pour 700-800 naissances (Dolk et al. 1990 ; Hayes et Batshaw, 1993) mais, a tendance à fortement diminuer dans les pays où le diagnostic prénatal est effectif (Verloes, 2003). Les garçons sont plus nombreux que les filles avec un rapport de 1,3 garçons pour 1 fille (Hayes et Batshaw, 1993).

1.2.1 Historique

1.2.1.1 Description phénotypique

Dominique Esquirol, médecin, travaillait sur la différence entre le retard mental et la folie, qui jusqu’alors, étaient confondus. Il proposa une classification des maladies mentales en quatre groupes principaux : la démence, l'idiotie, la manie, les monomanies (Hayes et Batshaw, 1993). Dans un traité sur les maladies mentales, Esquirol décrit pour la première fois de façon convaincante le phénotype de la Trisomie 21 (Esquirol, 1838). Plus tard, Edouard Séguin, psychiatre et psychologue, consacra sa vie à l'éducation et la prise en charge des enfants présentant un déficit mental (Hayes et Batshaw, 1993 ; Kone, 2014). En 1837, il établit un programme d'éducation fondé sur le jeu, le chant, les exercices sensoriels et moteurs (Hayes et Batshaw, 1993). Il décrit la physionomie particulière des enfants présentant une trisomie 21, sous le nom d’idiotie (Seguin, 1846) et fournira une description relativement complète de ce syndrome dans son traité sur le traitement du retard mental par la méthode physiologique (Seguin 1866). Enfin en 1866, le Dr John Langdon Haydn Down, médecin, donne une définition clinique précise de la trisomie 21, qu’il appelle idiotie mongoloïde ou mongolisme, à partir d’une observation minutieuse de nombreux patients (Down, 1866). Dans le contexte historique du milieu du XIXe siècle, le « mongolisme » de Down s’appuie sur une conception « régressive » du phénotype trisomique, inspirée de la théorie évolutionniste de Darwin (1859), et sur une classification des humains en 5 races : Caucasiens, Malais, Amérindiens, Ethiopiens et Mongoliens proposée par Friedrich Blumenbach en 1795.

1.2.1.2 Découverte de l’anomalie génétique dans la Trisomie 21

En janvier 1959, Jérôme Lejeune, Marthe Gautier et Raymond Turpin démontrent l’origine chromosomique de la trisomie 21, sur des cultures de peau de 3 enfants (Lejeune, Gautier et Turpin, 1959a) et confirment leurs données, la même année, sur une série de 9 personnes (Lejeune, Gautier et Turpin, 1959b). Lejeune nomme cette spécificité chromosomique trisomie 21 provenant du latin signifiant « trois chromosomes 21 » (Kone, 2014). La première trisomie par translocation Robertsonnienne2 est décrite un an plus tard (Polani, 1960). Suivent la description de la transmission d’une translocation équilibrée parentale à 2 enfants présentant une trisomie (Penrose, 1960), et l’existence d’une trisomie en mosaïque3 (Clarke, 2 Deux chromosomes fusionnent.

3 Deux populations de cellules coexistent (l’une à 46 chromosomes et l’autre à 47).

Edwards et Smallpiece, 1961). 95% des cas de trisomie 21 sont causés par une trisomie 21 libre homogène (un des parents transmet un chromosome supplémentaire et toutes les cellules de l’organisme contiennent 47 chromosomes), 2% par une trisomie 21 libre en mosaïque (un des parents transmet un chromosome supplémentaire et il existe deux populations de cellules dans l’organisme, l’une contenant 46 chromosomes et l’autre 47) et 3% par une trisomie 21 par translocation (le chromosome 21 supplémentaire est attaché à un autre chromosome) (Comblain et Thibaut, 2009).

1.2.1.3 Changement de terme

La délégation de Mongolie demande de façon informelle à l’ONU que le terme « mongolien » soit écarté au début des années 1960 (Verloes, 2003). Le terme disparait des publications de l’OMS dès 1965 et de l’Index Medicus en 1975, seulement (Howard-Jones 1979). Ainsi, le terme « mongolisme » est laissé de côté au profit de la « Trisomie 21 » en français et du « Down Syndrome » en anglais (Kone, 2014).

1.2.2 Facteurs de risques

Bien que de nombreux facteurs de risques aient été étudiés dans la trisomie 21, tels que les irradiations parentales (Uchida et Curtis, 1961) ou encore les contraceptifs oraux (Lejeune et Prieur, 1979), un seul facteur de risque fait consensus aujourd’hui. Il s’agit de l’âge de la mère, l’âge paternel n’étant pas impliqué (Kone, 2014). Pour une femme de 35 à 39 ans, le risque d’avoir un enfant présentant une trisomie 21 est environ 6,5 fois plus élevé que celui d'une femme de 20 à 24 ans et 20,5 fois plus élevé, pour les mères âgées de 40 à 44 ans (Cronk, Crocker, Pueschel, Shea, Zackai, Pickens et Reed, 1988). Cette augmentation du risque avec l’âge maternel serait liée à des anomalies de la méiose acquises avec l’âge, telles que la diminution du pool ovocytaire, la réduction de la sélection des ovocytes contenant un nombre de chromosomes normal ou encore le changement avec l’âge du microenvironnement folliculaire (Vekemans, 2003). Cependant, aucune certitude quant aux bases biologiques de cette recrudescence d’aneuploïdie avec l’âge n’est encore formellement identifiée (Kone, 2014).

1.2.3 Caractéristiques cliniques

de profondeur variable, des malformations et une taille inférieure à la norme (Hayes et Batshaw, 1993 ; Kone, 2014). Le syndrome dysmorphique rarement complet est associé à des degrés variables d’atteintes du crâne et du visage, tels qu’une petite tête, un faciès arrondi ou encore une disposition irrégulière des dents et une atteinte des membres, telle que des membres courts, une laxité ligamentaire, etc. (Hayes et Batshaw, 1993). Le développement psychomoteur est variable en fonction des individus, vraiment tardif chez certains, plus précoce chez d’autres, comparativement à la moyenne des personnes présentant une trisomie 21 (Roubertoux et Kerdelhué, 2006). La trisomie 21 se caractérise également par des troubles sensoriels, tels que des déficiences auditives qui toucheraient entre 38 à 78% des personnes et des déficiences visuelles qui toucheraient environ 80% des enfant âgés de 5 à 12 ans (Roizen et Patterson, 2003 ; Grieco, Pulsifer, Seligsohn, Skotko et Schwartz, 2015).

La trisomie 21 se caractérise également par une multitude de malformations (cardiaques, digestives, ophtalmologiques ou encore ostéo-articulaires), une sensibilité importante aux infections (ORL, respiratoires ou encore cutanées) aux tumeurs (leucémies, une faible incidence des tumeurs solides), aux maladies dégénératives (vieillissement prématuré, démences précoces ou encore maladie d’Alzheimer) et aux maladies auto-immunes (lymphopénie, maladie coeliaque ou encore thyroïdites auto-immunes) sans qu’aucune de ces caractéristiques ne soient spécifiques (Hayes et Batshaw, 1993 ; Kone, 2014 ; Grieco et al., 2015). Un vieillissement précoce a été observé et est caractérisé par un déclin des fonctions cognitives (Dameron, 1963 ; Share, Koch, Webb et Graliker, 1964 ; Carr, 1970, 1988, 2000, 2005 ; Dicks-Mireaux, 1972 ; Shonkoff, Hauser-Cram, Krauss, Upshur et Sameroff, 1992 ; Crombie et Gunn, 1998 ; Hauser-Cram, Warfield, Shonkoff, Krauss, Upshur et Sayer, 1999 ; Couzens, Cuskelly et Haynes, 2011), telles que l’attention, la planification, l’articulation à partir de 40 ans (Das, 2003), une diminution de la capacité à former de nouveaux souvenirs en mémoire à long terme et des capacités visuo-spatiales sans diminution des compétences langagières et de la mémoire à court terme après 35 ans (Haxby, 1989). De plus, le déclin cognitif le plus fréquent associé au vieillissement est une démence de type Alzheimer avec une détérioration du langage, de la mémoire, des fonctions exécutives, de l’orientation et du fonctionnement cognitif qui peut apparaître entre 40 et 50 ans (Ball, Holland, Treppner, Watson et Huppert, 2008 ; Brugge, Nochols, Salmon, Hill, Delis, Aaron et Trauner, 1994 ; Cutler, Heston, Davies, Haxby et Schapiro, 1985 ; Lott et Dierssen, 2010 ; Ball et Nuttall, 1980 ; Heston, 1977 ; Wisniewski, Wisniewski et Wen, 1985 ; Yates, Simpson, Maloney, Gordon et Reid, 1980).

La Trisomie 21 est donc associée à des difficultés sensorielles, cognitives et motrices qui vont avoir des répercussions sur la réalisation des activités quotidiennes, ceci fera l’objet de la suite de ce chapitre.