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Chapitre 1 : L’Autodétermination

4. Autodétermination des personnes présentant une déficience intellectuelle

Dans son modèle fonctionnel de l’autodétermination, Wehmeyer propose que l'émergence de l'autodétermination repose sur des caractéristiques personnelles (capacités individuelles, influencées par l’apprentissage et le développement), environnementales (opportunités influencées par les environnements et les expériences facilitant la prise de décision et l’autonomie comportementale) et le soutien offert aux personnes pour s’autodéterminer (occasions d’avoir du contrôle, de prendre des décisions et de faire des choix) (Wehmeyer, 1999).

4.1 Niveau d’autodétermination des personnes présentant une déficience intellectuelle Plusieurs études ont montré que les personnes présentant une DI sont moins autodéterminées que leurs pairs sans incapacité (Lachapelle et al., 2000; Wehmeyer, 1995 ; Wehmeyer, et Kelchner, 1994, 1995 ; Wehmeyer, Kelchner et Richards, 1995, 1996 ; Wehmeyer et Metzler, 1995 ; Wehmeyer et Palmer, 1997 ; Wehmeyer et Little, 2013) et que des personnes avec des troubles de l’apprentissage (Shogren, Wehmeyer, Palmer, Soukup, Little, Garner et Lawrence, 2007 ; Wehmeyer et Garner, 2003 ; Williams-Diehm, Wehmeyer, Palmer, Soukup et Garner, 2008). En effet, les personnes présentant une DI ont relativement peu d’occasions de faire des choix, de prendre des décisions et d’assumer le contrôle de leur vie par rapport à des personnes sans incapacité (Robertson et al., 2001 ; Stancliffe et Wehmeyer, 1995 ; Wehmeyer, 2001 ; Wehmeyer et Metzler, 1995).

4.2 Facteurs personnels

4.2.1 Facteurs sociodémographiques

Plusieurs études se sont intéressées aux relations entre les facteurs démographiques et l’autodétermination chez les personnes présentant une DI. Les études ont montré que le niveau d’autodétermination était liée à l’âge (Wehmeyer, 1995 ; Wehmeyer, 1996 ; Wolman et al., 1994), au statut socio-économique et à l’inclusion dans des classes spécialisées (Wolman et al., 1994). Aucune relation n’a été observée entre l’autodétermination et l’origine ethnique (Wolman et al., 1994 ; Shogren et al., 2007).

4.2.2 Genre

Les résultats des études sur la relation entre le genre et l’autodétermination sont partagés (Wehmeyer et al., 2011). Certaines études montrent que l’autodétermination n’est pas liée au genre (Wehmeyer, 1995 ; Wehmeyer, 1996 ; Wehmeyer et Garner, 2003; Wolman et al., 1994), alors que d’autres montrent l’inverse avec des niveaux d’autodétermination plus élevés pour les femmes (Nota, Ferrari, Soresi et Wehmeyer, 2007 ; Shogren et al., 2007)

4.2.3 Sévérité et troubles

Des études ont montré que les personnes avec une DI sévère présentaient des niveaux plus bas d'autodétermination comparativement aux personnes avec une DI légère (Wolman et al., 1994 ; Wehmeyer et Garner, 2003 ; Nota et al., 2007 ; Wehmeyer, 1996). L’étude de l’autodétermination des personnes présentant une DI comparativement à d’autres groupes de références a montré que les personnes présentant une DI ont des niveaux plus bas d’autodétermination comparativement à des personnes avec un trouble développemental sans DI (Wehmeyer et Garner, 2003), avec des troubles de l’apprentissage (Wehmeyer, 1995 ; Shogren et al., 2007) ou d’autres problèmes de santé (Shogren et al., 2007).

4.2.4 Capacité intellectuelle

Des études ont exploré les liens entre le fonctionnement intellectuel et l’autodétermination chez les personnes présentant une DI. Beaucoup d’entre elles ont montré que les personnes avec un QI plus élevé possédaient un niveau d’autodétermination plus important (Nota et al.,

2007 ; Stancliffe, Abery et Smith, 2000 ; Wehmeyer, 1996 ; Wehmeyer et Garner, 2003).

Cependant, dans une étude longitudinale de 20 ans sur le suivi de personnes présentant une trisomie 21, l’association du quotient développemental, durant l’enfance, et du QI, durant l’adolescence, avec le niveau d’autodétermination à l’âge adulte n’était pas significative (Gilmore et Cuskelly, 2017). Cette étude montre alors que les capacités intellectuelles des personnes présentant une trisomie 21, durant l’enfance, et même l’adolescence, ne prédisent pas le niveau d’autodétermination des personnes à l’âge adulte. Enfin, il a été montré que le QI n’était pas (ou très faiblement) un prédicteur du niveau d’autodétermination, mais que d’autres facteurs contribuaient significativement et plus largement au niveau d’autodétermination, tels que les possibilités de choix (Wehmeyer et Garner, 2003), ou encore les comportements adaptatifs (Stancliffe, Abery et Smith, 2000).

4.3 Facteurs environnementaux

Les adolescents et les adultes présentant une DI seraient plus autodéterminés dans les milieux moins restrictifs permettant plus d’indépendance (Stancliffe, 2001 ; Stancliffe, Abery et Smith, 2000 ; Wehmeyer et Garner, 2003 ; Wehmeyer et Bolding, 1999, 2001). Par exemple, les personnes fréquentant des centres de jour sont plus autodéterminées que celles vivant en établissement (Nota et al., 2007), les personnes vivant ou travaillant dans des contextes communautaires (appartement autonome, domicile familial) sont plus autodéterminées que celles vivant ou travaillant dans des lieux communautaires protégés (foyers de groupe ou ateliers protégés) ou dans des lieux de rassemblement non communautaires (institution, foyer de soins, ou programme de jour) (Duvdevany, Ben-Zur et Ambar, 2002 ; Wehmeyer et Bolding, 1999, 2001).

Cette relation causale entre l’environnement et l’autodétermination a été confirmée dans l’étude de Wehmeyer et Bolding (2001). Les auteurs ont constaté que le passage d'un milieu de travail ou de vie plus restrictif à un milieu moins restrictif entraînait une plus grande autodétermination pour les personnes présentant une DI.

4.4 Importance de l’autodétermination

4.4.1 Qualité de vie

Des études ont montré que les personnes présentant une DI les plus autodéterminées avaient une meilleure qualité de vie (Wehmeyer et Schwartz, 1998 ; Lachapelle et al., 2005) et que chaque composante essentielle de l’autodétermination (autonomie comportementale, autorégulation, empowerment psychologique et autoréalisation) définie dans le modèle de Wehmeyer (1999), prédisait l’appartenance au groupe ayant une qualité de vie élevée (Lachapelle et al., 2005).

4.4.2 Réussite scolaire et professionnelle

Les personnes les plus autodéterminées à la fin de leur scolarité manifestent, un an plus tard, un plus haut degré d’indépendance (possédaient des comptes courant et d’épargne, souhaitaient quitter le domicile familial), un taux d’emploi plus élevé et des revenus plus importants (Wehmeyer et Schwartz, 1997 ; Wehmeyer et Palmer, 2003) que ceux de leurs

pairs moins autodéterminés. Les comparaisons des personnes présentant une DI, un an et trois ans après l'obtention du diplôme, indiquent que les étudiants qui étaient plus autodéterminés ont obtenu de meilleurs résultats dans différentes sphères, telles que l'emploi, la formation professionnelle, les avantages sociaux (par exemple : les vacances), l'accès à la santé (congés maladie, assurance maladie), l'indépendance financière et la vie autonome (Wehmeyer et Palmer, 2003). Il a également été montré que les personnes autodéterminées réussissent mieux à atteindre leurs objectifs déclarés (Field, Sarver et Shaw, 2003), participent plus activement à la planification de leur éducation (Sands, Spencer, Gliner et Swaim, 1999) et ont une capacité de décision plus efficace (Sands et al., 1999), notamment en matière de carrière (Wehmeyer, 1993).

Les données présentées dans cette partie montrent que l’autodétermination varie en fonction de divers paramètres individuels et environnementaux. De plus, l’autodétermination, joue un rôle majeur dans la qualité de vie et la réussite scolaire et professionnelle. Basés sur ces données, des programmes d’interventions ont été développés afin de promouvoir l’autodétermination des personnes avec des incapacités.