• Aucun résultat trouvé

Une légitimité constitutionnelle pour l’Union européenne ? Introduction

Chapitre 2 : Le défi démocratique dans la question constitutionnelle de l’UE

A. L’inéluctable principe légitimateur de la démocratie I. Généralités

1. Définition du questionnement à propos d’une légitimation démocratique de l’UE a) Une approche strictement confinée à la problématique de l’étude

Dans le chapitre précédent nous avons étudié les corrélations qui conjuguent la quête d’une finalité politique pour l’Union européenne et le problème de sa légitimité/légitimation à la question constitutionnelle. Nous avons alors remarqué qu’au sein de la communauté académique et parmi les décideurs politiques un consensus émerge que l’Union nécessite une légitimité propre en tant que politie, mais qu’il n’existe pas encore d’accord sur le fondement idéel qui serait à sa base :

« […] there is increased agreement among analysts and decision-makers alike that the EU needs a basis of legitimacy that is reflective of it qua polity, and which cannot merely be derived from the Member States. What should be the relevant normative assessment standard is however contested. »481

Dans ce deuxième chapitre du titre consacré à l’étude d’une légitimité constitutionnelle pour l’Union européenne, nous nous intéressons aux rapports qui lient la question constitutionnelle à celle de la démocratie. Car, à tort ou à raison – nous essayerons de le déterminer – le constitutionnalisme et la démocratie sont couramment considérés comme les deux faces d’une seule pièce dans le puzzle de la justification de l’Union :

« Often discussed in the same breath as democracy it is sometimes presumed that a constitution can resolve the democratic ills of the current situation [of the EU]; that in some respect constitutionalism and democracy are two sides of the same coin. »482

Ainsi, dans la Déclaration relative à l’avenir de l’Union jointe au Traité de Nice la Conférence intergouvernementale « reconnaît la nécessité d’améliorer et d’assurer en permanence la légitimité démocratique et la transparence de l’Union et de ses institutions, afin de les rapprocher des citoyens des Etats membres. »483 Dans la Déclaration de Laeken le Conseil européen écrit que « les citoyens trouvent que tout se règle bien trop souvent à leur insu et veulent un meilleur contrôle démocratique »484 avant que les chefs d’Etat et de gouvernement s’interrogent longuement comment accroître la légitimité démocratique de l’Union dans le passage intitulé « Davantage de démocratie, de transparence et d’efficacité dans l’Union européenne »485 et qu’ils associent enfin ce questionnement à l’idée d’une

481 ERIKSEN, Erik O. & FOSSUM, John E., « Closing of the EU’s Legitimacy Gap°? », in : The European Constitution : The Rubicon Crossed ?, op. cit., p. 65.

482 WILKINSON, Michael A., « Civil Society and the Re-imagination of European Constitutionalism », European Law Journal, vol. 9, n° 4, 2003, p. 452.

483 CONFERENCE DES REPRESENTANTS DES GOUVERNEMENTS DES ETATS MEMBRES, Déclaration relative à l’avenir de l’Union, jointe au traité de Nice, JO n° C 80, du 10 mars 2001, p. 86.

484 Déclaration de Laeken, p. 20.

485 Idem, p. 22-23.

Constitution européenne dans le paragraphe « La voie vers une Constitution pour les citoyens européens »486.

Il est naturel que les politiciens, l’opinion publique et les milieux académiques se posent la question de la légitimité/légitimation de l’Union européenne en des termes démocratiques.

D’une part, l’Union est un nouvel ordre politique qui émane de et se dresse au-dessus d’Etats membres au sein des ordres constitutionnels desquels la démocratie occupe une position centrale. Il paraît évident à leurs citoyens et à leurs représentants politiques que l’UE doive aussi se justifier démocratiquement dès lors qu’elle n’est plus une organisation internationale ordinaire qui se légitime indirectement à partir de la démocratie de ses Etats membres :

« Da der Demokratiegrundsatz zur gemeinsamen Verfassungstradition aller Mitgliedstaaten gehört, muss sich die Ausübung europäischer Hoheitsgewalt prinzipiell an demokratischen Prinzipien messen lassen. »487

D’autre part, « la démocratie est, avant tout, un principe de légitimité. Ainsi conçue elle est à la fois le plus petit et le seul commun dénominateur de toutes les doctrines démocratiques.

Aucun démocrate ne nie que le pouvoir n’est légitime que lorsqu’il découle de l’autorité du peuple et se fonde sur son consentement »488. L’enjeu général de la légitimité de l’Union européenne et sa justification démocratique en particulier sont donc souvent confondus, et la très grande majorité des chercheurs, politologues et juristes, qui se sont penchés sur le premier l’ont etudié exclusivement ou prioritairement sous l’angle de la seconde : 489

« Wird die Legitimationsschwäche der Gemeinschaft diskutiert, steht in aller Regel das Demokratiedefizit der Gemeinschaft im Vordergrund der Argumentation. Legitimitätsdefizit und Demokratiedefizit werden häufig gleichgesetzt. »490

Dans notre étude nous adoptons une perspective d’ensemble sur la légitimité/légitimation de l’Union européenne. La démocratie y est un idéal de justice politique et un principe constitutionnel parmi d’autres. Notre projet de recherche consiste à développer des éléments d’une théorie de justice politique et/ou de légitimité pour l’ordre constitutionnel de l’UE à l’aune de la philosophie politique et du droit cosmopolitique d’Immanuel Kant. Nous verrons que les postulats universalistes, individualistes et pluralistes cosmopolitiques ne s’opposent pas à la démocratie. En effet, Kant stipule lui même :

« Ma liberté extérieure (juridique) s’explique par le fait que je ne doive obéir qu’à des lois extérieures auxquelles j’ai pu donner mon aval. »491

Mais, nous exposerons que le philosophe de Königsberg n’est pas pour autant un démocrate au sens actuel du terme. Il attache plus d’importance à l’institutionnalisation de la séparation

486 Déclaration de Laeken, p. 23-24.

487 PETERS, Anne, Elemente einer Theorie der Verfassung Europas, p. 626.

488 BEAUD, Olivier, « Propos sceptiques sur la légitimité d’un référendum européen ou plaidoyer pour plus de réalisme constitutionnel », in : Le référendum européen, Andreas Auer & Jean-François Flauss (édit.), Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 138.

489 Les nombreux auteurs cités dans ce chapitre servent à ce propos d’exemples illustratifs. Leurs écrits ne sont qu’un échantillon de la littérature sur la question démocratique de l’UE qui est devenue presqu’aussi pléthorique que celle au sujet d’une Constitution européenne.

490 BÖHNER, Martina, Integration und Legitimität in der Europäischen Union, p. 17.

491 « Vielmehr ist meine äussere (rechtliche) Freiheit so zu erklären : sie ist die Befugnis, keinen äusseren Gesetzen zu gehorchen, als zu denen ich meine Beistimmung habe geben können. », KANT, Immanuel, Zum ewigen Frieden, p. 11.

des pouvoirs et du principe représentatif492 qu’aux éléments centraux de l’idéal démocratique que sont le droit individuel de pouvoir participer à la prise de décision politique et le respect du choix de la majorité. En outre, Kant n’offre ni dans la Rechtslehre ni dans le Projet de paix perpétuelle (PPP) une recette institutionnelle pour agencer la démocratie au niveau de l’Etat-nation qu’il appelle la république. Le philosophe développe encore moins un modèle de démocratie supranationale pour la Fédération d’Etats dont il souhaite l’avènement dans le second article définitif du PPP. Il en est notamment de la sorte parce que Kant réfute l’idée d’un Etat mondial – qu’il s’imagine comme une monarchie universelle – et qu’il conçoit la fédéralisation d’Etats républicains plutôt comme une union (con)fédérative.

Aussi, le cosmopolitisme kantien ne propose ni un modèle institutionnel pour organiser démocratiquement une organisation d’intégration telle que l’Union européenne ni n’est-il en mesure de résorber son fameux déficit démocratique. Comment le pourrait-il d’ailleurs, puisque la démocratie moderne était à peine sur le point d’apparaître à l’échelle de l’Etat-nation lorsque Kant a rédigé son Projet de paix perpétuelle. Par contre, la pensée politique kantienne attire notre regard sur d’autres idéaux légitimateurs connexes et complémentaires à la démocratie qui seraient suceptibles de s’ajouter à cette stratégie de légitimation de l’Union européenne et qui pourraient de la sorte palier quelque peu à son déficit en la matière. Enfin, le cosmopolitisme contribue peut-être aussi à libérer quelque peu la recherche sur la légitimité de l’UE d’une focalisation unilatérale sur le principe démocratique.

En conséquence, notre objectif ci-après n’est pas d’analyser exhaustivement tous les aspects institutionnels et socio-politiques du défi démocratique qui se pose à l’UE et encore moins d’y proposer une solution définitive. Car les éléments d’une théorie de légitimité constitutionnelle d’inspiration kantienne que nous développons pour l’UE n’en sont simplement pas capables.

b) Les objectifs orientant l’examen d’une démocratie pour l’UE

Considérant ce que nous venons d’exposer, le lecteur se demande maintenant peut-être quels buts nous poursuivons avec ce chapitre dédié à la question démocratique européenne. Notre objectif est triple :

Premièrement, une fois la démocratie définie en tant qu’idéal légitimateur philosophique, principale stratégie de légitimation par input ainsi que mode institutionnel de la prise de décision politique, nous délimitons les contours de l’enjeu démocratique de l’Union européenne parce qu’une théorie de sa légitimité ne peut passer outre le problème que

« soulève la réalisation de la Communauté européenne [et de plus en plus aussi de l’Union en tant que politie d’ensemble issue de l’intégration] qui est la possibilité pour des Etats démocratiques de transférer une part substantielle de leurs pouvoirs souverains à une organisation supranationale, sans pour autant transgresser les principes fondamentaux à la

492 « Alle wahre Republik aber ist und kann nichts anderes sein als ein repräsentatives System des Volks, um im Namen desselben, durch alle Staatsbürger vereinigt, vermittelst ihrer Abgeordneter (Deputierten) ihre Rechte zu besorgen ». KANT, Immanuel, Rechtslehre, § 52, p. 204. Francis Cheneval écrit à propos des principes de la séparation des pouvoirs et de la représentation : « Die Gewaltenteilung konstituiert sich durch Repräsentation.

Letztere ist deshalb als ein unverzichtbares Element demokratischer Legitimität zu betrachten, sofern man nicht auf die Gewaltenteilung verzichten will. », CHENEVAL, Francis, « Die Europäische Union und das Problem der demokratischen Repräsentation », Basler Schriften zur europäischen Integration, n° 67, Basel, Europainstitut der Universität Basel, 2004, http://www.europa.unibas.ch/fileadmin/pdf/bs67_cheneval.pdf , p. 12.

base de la démocratie contemporaine, laquelle est historiquement nationale »493. La démocratie est l’idéal normatif et le principal mode de légitimation du pouvoir de la pensée politique moderne. Notre étude concernant une légitimité/légitimation constitutionnelle de l’UE doit dûmement prendre cela en compte, si ce n’est pour constater que la démocratie n’a pas et qu’elle ne peut occuper la même place au sein du constitutionnalisme sui generis de l’Union que c’est le cas dans les Etats-nations.

A l’aide d’une étude concise des causes structurelles du déficit démocratique institutionnel de l’Union européenne et des difficultés socio-politiques qui s’opposent à sa démocratisation nous voyons que le défi démocratique de l’Union n’est qu’un nouveau reflet de la problématique de sa légitimité, et nous tentons de mettre à jour les connexions qui unissent généralement la démocratie au triptyque ‘légitimité – finalité – constitutionnalisme’ que nous avons identifié et analysé dans le chapitre précédent.

A partir de cet état des lieux nous nous interrogeons deuxièmement sur la corrélation complexe qui se tisse entre la démocratie et le constitutionnalisme afin d’éclairer encore d’un peu plus près pourquoi le Conseil européen considère qu’en matière de légitimation de l’UE la démocratie et le constitutionnalisme sont les deux faces d’une seule médaille. Nous constatons alors que le constitutionnalisme contemporain inclut la démocratie sans s’y confiner. Mais qu’en revanche, il faut impérativement circonscrire la démocratie constitutionnellement. En d’autres termes : La démocratie présuppose le constitutionnalisme, mais l’inverse n’est pas indispensable en toute circonstance.

Cette distinction entre le constitutionnalisme et la démocratie nous importe parce qu’en signalant que le premier englobe et dépasse la seconde nous montrons simultanément que l’enjeu d’une légitimité/légitimation constitutionnelle de l’Union européenne outrepasse le débat sur son déficit démocratique. En effet, nous souhaitons nous affranchir du présupposé qu’une légitimation par input de l’UE doit nécessairement se concentrer sur la démocratie.

Car, dans la deuxième partie de notre étude nous portons notre regard, sous l’angle du modèle cosmopolitique kantien, sur les idéaux et les principes légitimateurs alternatifs mais également subsumables sous le paradigme constitutionnel que contient déjà le droit institutionnel de l’Union européenne en vigueur et nous étudions quels approfondissements le Traité établissant une Constitution pour l’Europe leur aurait apporté de lege ferenda.

Troisièmement et en conclusion de ce chapitre, nous ébauchons une conception consociative et consensuelle de la démocratie qui – parce qu’elle accepte la limitation du droit individuel du citoyen de pouvoir participer à la prise de décision politique au niveau supranational et puisqu’elle adoucit l’importance du principe du choix majoritaire – s’avère compatible avec le modèle légitimateur d’une Fédération cosmopolitique d’Etats et de citoyens libres comme rêvée par Immanuel Kant.

En définitive, les objectifs du présent chapitre consacré à la démocratie européenne dans le cadre d’une légitimité/légitimation constitutionnelle pour l’Union européenne d’inspiration kantienne sont à la fois ambitieux et néanmoins circonscrits.

493 LEVRAT, Nicolas, « Le déficit démocratique de l’Europe ou la démocratie représentative à l’épreuve de l'intégration européenne », in : Institut européen de l'Université de Genève, édition spéciale du Cahier de la Faculté des lettres, Université de Genève, 2000, p. 37.

2. Le défi démocratique de l’UE – un problème de point de vue et de standard

Le débat sur la démocratisation de l’Union européenne tourne autour de deux points de référence qui forment concurremment les deux dimensions du concept de la démocratie : celle théorique et abstraite de l’idéal philosophique du gouvernement du, pour et par le peuple494 qui remonte jusqu’à la Cité de l’Antiquité grecque et celle plus concrète du principe constitutionnel et de la pratique politique vécus au sein de l’Etat national contemporain.

A l’instar de la question constitutionnelle de l’Union européenne, son défi démocratique est la plupart du temps explicitement ou implicitement considéré à l’aune de la démocratie nationale :

« At the political level the discussion of a Constitution for Europe ressembles the discussion of democracy. Most people are not theorists of democracy. The democracy they have in mind when they examine and discuss Europe is the national model to which they are accustomed. That experience defines the democratic benchmark for most. Likewise, most people are not constitutionalists. And many constitutionalists are not constitutionalist theorists. Thus, their discussion of a Constitution for Europe is largely conditioned by their experience and understanding of constitutionalism in some national setting. »495

Conformément à cette optique statocentrique autant les responsables politiques que la très grande majorité des chercheurs académiques admettent que l’Union européenne, en tant qu’organisation sui generis qui s’est construite historiquement à partir d’organisations internationales, est certes indirectement démocratiques grâce au rôle prépondérant qu’y jouent les gouvernements responsables devant leurs parlements nationaux respectifs mais qu’elle ne satisfait pas aux exigences démocratiques développés et usuels au sein des Etats occidentaux.

Ils en concluent que l’Union européenne souffre d’un déficit démocratique.496

Les partisans de la nécessité d’un renforcement démocratique de l’Union européenne se répartissent grosso modo en deux sous-groupes :

Les (néo-)fédéralistes réclament la poursuite de l’augmentation du pouvoir du Parlement européen – l’institution la plus démocratique de l’UE car élue au suffrage universel par et représentant tous les citoyens européens –, la transformation du Conseil de l’Union (anciennement Conseil des ministres) en chambre haute (une sorte de Sénat européen) et la gouvernementalisation plus ou moins forte – dépendant du rôle à conférer au Conseil européen – de la Commission ; en bref : ils souhaitent l’instauration d’un Etat fédéral européen avec une démocratie représentative et parlementaire bicamérale.

La plupart des supranationalistes promeuvent des modèles d’une démocratie européenne qui s’inspire de la théorie démocratique dite délibérative. Selon cette approche, notamment

494 Abraham Lincoln, le seizième président des Etats-Unis d’Amérique, a prononcé sa célèbre formule de la démocratie « Goverment by the people trough the people and for the people » le 19 novembre 1863 dans la Gettysburg Adress sur le champ de bataille du même nom de la guerre civile américaine. Voir par exemple : BROCKHAUS ENZYKLOPEDIE, op. cit., vol. 13, p. 407.

495 WEILER, Joseph H. H. & WIND, Marlène, « Introduction : European Constitutionalism beyond the State », in : European Constitutionalism beyond the State, op. cit., p. 2.

496 Voir par exemple : MAJONE, Giandomenico, « Democracy Deficit: The Question of Standards », European Law Journal, n° 4, 1996, p. 5-28; WEILER, Joseph H. H. / HALTERN, Ulrich / MAYER, Franz, « European Democracy and Its Critique - Five Uneasy Pieces », Jean Monnet Working Papers, n° 1, 1995, http://www.jeanmonnetprogram.org/papers/index.html ; LEVRAT, Nicolas, « Le déficit démocratique de l’Europe - ou la démocratie représentative à l’épreuve de l’intégration européenne », précité.

développée par le philosophe du social (Sozialphilosoph) Jürgen Habermas, la démocratie ne consiste pas prioritairement dans le respect des principes du droit individuel de pouvoir participer à la décision politique – même s’il est maintenu seulement grâce à une chaîne de délégation représentative de plus en plus ténue – et du gouvernement de la majorité (démocratie participative) mais par l’existence de procédures garantissant la libre formation et expression de l’opinion politique, la discussion et la prise de décision politique de manière publique et transparente, ainsi que l’effort constant de convaincre l’opinion publique.497 Nous mentionnons en passant à propos de la démocratie délibérative ainsi grossièrement circonscrite qu’il nous semble que les prérogatives assurées par la délibération publique ne peuvent remplacer le droit politique du citoyen de pouvoir activement participer à et influer sur la vie politique en s’exprimant individuellement et librement dans l’isoloire et l’urne lors de votations et élections démocratiques. Jürgen Habermas ne dit-il pas lui-même :

« Des déficits de la légitimité démocratique se font sentir chaque fois que le cercle des personnes qui participent aux décisions démocratiques ne recoupe pas le cercle de ceux qui subissent les conséquences de ces décisions. »498

Une deuxième catégorie d’analystes relativise le défi démocratique affronté par l’Union européenne en signalant que non seulemement elle n’est pas un Etat, qui est le point de référence de la plupart des tenants du déficit démocratique de l’UE, mais qu’en plus elle n’est pas appelée à le devenir. Parmi ces auteurs nous pouvons de nouveau distinguer deux sous-groupes :

Les internationalistes (les politologues spécialisés dans la politique internationale et les juristes du droit international) nous rappellent que si nous comparons l’Union européenne avec une organisation internationale classique (OI), elle n’a pas un déficit mais une avance démocratique. Aucune autre OI n’est composée que d’Etats constitutionnels et démocratiques du niveau d’excellence des Etats membres de l’Union, exige de ses membres qu’ils respectent les droits fondamentaux individuels, l’Etat de droit et le principe représentatif et a instauré une procédure de vérification et de sanction telle que prévue à l’article 7 TUE (art. I-59 TECE).499 Aucune autre OI est un aimant aussi puissant pour les Etats européens qui cherchent presque tous la stabilité, la paix et la prospérité au sein de l’Union, comme elle vient de le montrer une nouvelle fois lors de son élargissement à douze nouveaux Etats membres entre le printemps 2004 et le début de l’année 2007 ainsi que l’illustre la liste de pays candidats de l’Europe du sud-est.

Ainsi, la comparaison de l’Union européenne avec une OI montre que le reproche de son déficit démocratique concerne avant tout son organisation institutionnelle interne. Mais ce reproche passe sous silence la dimension externe de la démocraticité de l’Union, c’est-à-dire

497 Voir à ce propos par exemple : PETERS, Anne, Elemente einer Theorie der Verfassung Europas, p. 633-634 avec son renvoi à la littérature spécialisée ; HABERMAS, Jürgen, Droit et démocratie – Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1998 et du même auteur, Après l’Etat-nation – Une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 2000. Quant à l’application politologique de la théorie démocratique délibérative à l’UE voir de manière représentative : ERIKSEN, Erik O. & FOSSUM, John E., « The EU and Post-National Legitimacy », ARENA Working Papers, n° 26, 2000, http://www.arena.uio.no/publications/wp00_26.htm et les mêmes auteurs,

497 Voir à ce propos par exemple : PETERS, Anne, Elemente einer Theorie der Verfassung Europas, p. 633-634 avec son renvoi à la littérature spécialisée ; HABERMAS, Jürgen, Droit et démocratie – Entre faits et normes, Paris, Gallimard, 1998 et du même auteur, Après l’Etat-nation – Une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 2000. Quant à l’application politologique de la théorie démocratique délibérative à l’UE voir de manière représentative : ERIKSEN, Erik O. & FOSSUM, John E., « The EU and Post-National Legitimacy », ARENA Working Papers, n° 26, 2000, http://www.arena.uio.no/publications/wp00_26.htm et les mêmes auteurs,

Documents relatifs