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Nous nous intéressons maintenant à la formation des complexes associant les impuretés dopantes et les défauts du réseau cristallin. Ces complexes peuvent être des centres recombinants

très actifs dans le silicium. De plus, ils sont susceptibles de se former en concentration importante dans les SoGM-Si riches en impuretés. Pour ces raisons, ils peuvent s’avérer néfastes au fonctionnement de la cellule photovoltaïque. Il apparaît donc de première nécessité de modéliser les interactions entre impuretés pour orienter les procédés de cristallisation de lingots et de fabrication de cellules en vue de neutraliser, ou du moins limiter l’influence électrique des complexes formés.

Ces centres recombinants se forment généralement par diffusion (nous parlons ici de diffusion atomique) puis association de deux espèces α et β en concentration [α] et [β] suivant le schéma α + β αβ. La force motrice de cette formation provient souvent de l’attraction coulombienne qui existe entre α et β, qui portent des charges de signes opposés. Dans cette partie, nous illustrons la formation de tels complexes au travers des paires FeB et CrB, qui sont des centres de recombinaison virulents dans le silicium. Nous nous intéresserons ensuite au complexe BOi2, vraisemblablement formé sur ce schéma, et dont l’activation sous éclairement est responsable de la dégradation des performances photovoltaïques des cellules photovoltaïque dopées au bore. Finalement, nous dresserons un état de l’art complet des études théoriques déjà menées sur l’association de ces complexes et plus particulièrement, sur leur cinétique de formation. Cet état de l’art servira de base à l’étude de simulation présentée au Chapitre III.

I.7.1. Les paires FeB et CrB

Dans le silicium de type p, les paires FeB et CrB sont formées par association de l’impureté métallique en position interstitielle avec l’atome de bore en position substitutionnelle. Les teneurs en fer interstitiel ont été estimées à 1011-1013 cm-3 par D. Macdonald [MACDONALD05] dans des lingots multicristallins SoGM-Si. A. Istratov indique que les teneurs en chrome interstitiel sont dans la gamme 1012-1015 cm-3, suivant le type de silicium multicristallin étudié (ruban, solidification directionnelle …) [ISTRATOV03]. Dans la grande majorité des silicium, la concentration de l’espèce métallique est donc généralement largement inférieure à celle en bore, i.e. [Fei]<<[Bs] et [Cri]<<[Bs].

Le chrome et le fer diffusent en position interstitielle, et le bore en position substitutionnelle. Parce que la diffusion en position substitutionnelle nécessite l’intervention de défauts ponctuels (mécanisme de « kick-out »), le bore diffuse beaucoup plus lentement que le fer ou le chrome (voir Figure 29). Pendant la réaction d’association, les atomes de bore peuvent donc être considérés comme fixes. La diffusion du Cri et du Fei sont suffisamment élevées pour que ces paires se forment à température ambiante.

Figure 29 : Variation avec la température des coefficients de diffusion du chrome et du fer interstitiels, ainsi que du bore substitutionnel. Les références associées aux expressions utilisées sont données.

Les propriétés recombinantes des paires FeB et CrB et les niveaux qu’elles introduisent dans la bande interdite sont résumées dans le Tableau 3.

σσσσn (cm²) σσσσp (cm²) Et FeB 5×10-15 [MACDONALD06] 3×10 -15 [MACDONALD06] EC-0,26 eV [ISTRATOV04] CrB 1,5×10-13 [MISHRA96] 8,4×10 -14 [DUBOIS06] Ev+0,27 eV [CONZELMANN83] Tableau 3 Niveaux d'énergie et sections efficaces de captures à 300 K pour CrB et FeB.

Ces deux impuretés sont particulièrement virulentes en termes de recombinaison. A titre d’exemple, il suffit de [FeB]=1012 cm-3 pour réduire τSRH à 5 µs à un niveau d’injection ∆n=1014 cm-3. Similairement, une concentration identique en paires CrB limitera τSRH à 1 µs environ, au même ∆n.

Les deux paires peuvent être dissociées thermiquement à relativement basse température (~200-250 °C). La paire FeB présente la particularité de se dissocier sous éclairement standard (AMG1,5 par exemple). Lors de l’éclairement en effet, le pseudo niveau de Fermi des majoritaires rejoint le milieu de la bande interdite et permet la neutralisation du Fei par capture d’un électron. L’interaction coulombienne n’existant plus entre le Fei et le Bs, la paire est alors dissociée. Dans le cas du CrB, le pseudo niveau de Fermi demeure nettement trop faible pour permettre au Cri la capture d’un électron ; la paire CrB ne peut être dissociée sous éclairement.

I.7.2. Le complexe BO

i2

: dégradation sous

éclairement de la durée de vie volumique

Lorsqu’une plaquette fortement dopée en bore et riche en oxygène est placée sous éclairement, sa durée de vie volumique peut être réduite à cause de l’activation de complexes associant le bore et l’oxygène, qui introduisent un niveau en énergie dans la bande interdite du silicium. Cette dégradation est couramment appelée LID pour Light-Induced Degradation ou dégradation sous éclairement. A l’échelle de la cellule, la perte en rendement de conversion peut atteindre 1% absolu. Les sections efficaces de capture σn et σp du défaut ne sont pas connues, du fait de la difficulté à quantifier la densité très faible du défaut (supposée ~1011 cm-3). S. Rein a mesuré le ratio σnp à 9,3, et le niveau introduit par le défaut dans la bande interdite à Ec-0,41 meV [REIN04].

L’existence des complexes bore-oxygène a été supposée dès la fin des années 1970 [MOONEY77] dans le silicium irradié dopé au bore. Malgré de nombreuses études sur ces complexes, leur nature même reste obscure. En 2001, S. Rein a montré que le taux de génération Rgen (en s-1) du défaut responsable de la LID était proportionnel à [Bs]² [REIN01]. Trois ans plus tard, K. Bothe et J. Schmidt ont mis en évidence que la concentration du défaut dépend de [Bs] et de [Oi]² [SCHMIDT04] dans du silicium non compensé. A partir de ces résultats, ils ont suggéré que ce défaut est formé par association d’un dimère d’oxygène O2i (chargé positivement) et d’un atome de Bs (chargé négativement), avec possiblement l’intervention d’une lacune. Le dimère d’oxygène diffuserait rapidement dans le silicium par capture successive d’électrons et de trous permettant un changement fréquent de configuration spatiale favorisant sa diffusion (mécanisme de Bourgoin-Corbett).

Jusqu’à récemment, ce modèle était communément admis. Néanmoins, il est désormais remis en question depuis les récentes études de la LID dans le silicium compensé. En effet, plusieurs équipes de chercheurs ont mis en évidence que la densité du complexe est plus faible dans le silicium compensé que dans le silicium non compensé pour un [Bs] donné. En particulier, cette densité est proportionnelle non pas à [B], mais plutôt au dopage net ([B]-[P]) dans le silicium compensé modérément dopé ([B]<7×1016 cm-3) [MACDONALD09] [LIM10]. Similairement, Rgen

serait proportionnelle non pas à [Bs]² mais à p0². Ces résultats montrent un effet bénéfique de la compensation sur la cinétique et l’amplitude de la LID.

Une première hypothèse avancée consistait à supposer l’existence de paires BP. En concentration suffisamment élevée, elles pourraient diminuer significativement la quantité de Bs

disponibles pour former des complexes BsOi2. L’existence de ces paires aurait plusieurs conséquences. Parmi celles-ci, la formation de ces paires (probablement neutres et donc moins virulentes en terme de diffusion des porteurs) devrait améliorer la mobilité des porteurs de charge par rapport à un silicium contenant uniquement des impuretés dopantes ionisées non appairées. Toutefois, ceci n’a pas été mis en évidence [MACDONALD09(2)]. Par ailleurs, la formation de ces paires BP devrait conduire à une absence totale de LID dans le silicium de type n compensé bore-phosphore. En effet, dans un tel matériau où [P]>[B], la formation des paires BP ne devraient laisser aucun Bs libre, impliquant une absence de LID. Cette hypothèse a récemment été testée par T. Schutz-Kuchly [SCHUTZ-KUCHLY10], qui a observé une dégradation conséquente sous éclairement de la durée de vie des porteurs de charge dans un silicium de type n compensé bore-phosphore. Le défaut à l’origine de cette dégradation est identique à celui responsable de la LID dans le type p. Ces résultats montrent que si la paire BP existe, elle est présente en faible concentration dans le silicium compensé présentant des teneurs en dopants de l’ordre de 1017 cm-3.

Face à l’échec du modèle développé par J. Schmidt et K. Bothe, Voronkov a récemment proposé un modèle alternatif en s’appuyant sur les résultats obtenus dans le silicium compensé [VORONKOV10]. Dans ce modèle, le bore impliqué dans le complexe est cette fois ci en position interstitielle (Bi). Le Bi serait formé par « kick out » suite à l’interaction avec des auto-interstitiels générés par la formation de précipités d’oxygène pendant la cristallisation. Ces Bi, en équilibre avec les agglomérats de Bi, seraient en concentration proportionnelle à p0. Cela conduit bien à une concentration du défaut proportionnelle à p0, en accord avec les observations faites dans le silicium compensé de type p. Les Bi s’associeraient avec les dimères d’oxygène à température élevée pour former le BiOi2 sous une forme dite latente, c'est-à-dire non recombinante. Cette forme latente serait alors activée sous éclairement. De plus amples études sont en cours sur la validité de ce modèle dans le silicium compensé, de type p et n.

I.7.3. Théorie des réactions d’association