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Construction et description du modèle couplé

2 Description du modèle entièrement couplé

2.3 Décomposition thermique

Dans la majorité des approches couplant thermique et mécanique ([93], [107], [108], [46]) des composites renforcés de fibres ([21], [45]), la décomposition thermique est modélisée via une unique étape de décomposition.

Le fait de ne modéliser que la décomposition de la matrice dans une perspective de couplage thermo-mécanique se justifie par l’hypothèse suivante : dès que celle-ci est volatilisée, le matériau n’a plus aucune tenue. C’est pourquoi dans les approches couplées est souvent évoqué le taux de matrice résiduel (notamment dans lorsque la contrainte à rupture moyenne est utilisée [91], [93], [106], [107]). Cela peut s’expliquer en observant l’aspect d’éprouvettes de matériaux composites après exposition au feu (Figure 56 [117]) :

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Figure 56 : Eprouvette de composite verre-vinyle ester après exposition au feu [117]

La Figure 56 laisse penser que les fibres n’ont pas été atteintes par la décomposition, qu’elles sont intactes et que donc, seule la matrice s’est décomposée thermiquement.

De plus, dans le cas du matériau carbone-époxy, la diminution des propriétés mécaniques des fibres due à leur gazéification est étudiée par Feih et Mouritz [59]. La fibre est modélisée comme un matériau bicouche ayant un module externe de 175GPa et interne de 315GPa. Il est montré que :

 Les fibres de carbone ne se décomposent thermiquement que sous air.

 Même sous air, la diminution du module des fibres due à leur perte de masse n’est que de 30% au maximum. Les résultats expérimentaux et simulés sont présentés Figure 57 [59] :

Figure 57 : Module des fibres de carbone en fonction de leur perte de masse [59]

La Figure 57 et les résultats de [59] expliquent pourquoi de nombreux travaux considèrent que seule la décomposition de la matrice joue un rôle dans la perte de propriétés des composites, puisque même en présence d’oxygène, les fibres ne perdent que très peu leurs propriétés mécaniques.

Ainsi, l’hypothèse est faite dans cette étude que le matériau solide ne subit pas d’oxydation. En effet, les gaz de décomposition émis sont libérés à une vitesse qui ne permet pas à l’oxygène de l’air ambiant de diffuser en surface et à l’intérieur de l’éprouvette. Les résultats de la décomposition thermique du composite en ATG sous azote sont donc utilisées pour choisir le modèle de décomposition thermique. La Figure 58 présente l’évolution de la vitesse de perte de masse en ATG sous azote du composite étudié [22] :

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Figure 58 : Vitesse de perte de masse (MLR) du composite carbone-époxy de l'étude, sous azote [22]

La vitesse de perte de masse du matériau observée Figure 58 [22] illustre la présence de deux étapes de décomposition. Le mécanisme cinétique proposé comporte deux étapes, rendant compte de la carbonisation de la matrice puis de la décomposition du charbon formé en résidu [22]. Ce mécanisme est le suivant :

Figure 59 : Espèces représentées sous azote lors des deux réactions de décomposition du modèle

Les transferts de masse ayant lieu lors de la décomposition thermique sont calculés de la façon suivante [24], Eq. 2-30 :

Eq. 2-30 𝑑𝜔𝑖

𝑑𝑡 = 𝐴𝑖∗ 𝑚𝑖𝑛𝑖∗ 𝑒𝑥𝑝 (− 𝐸𝑖 𝑅𝑇) Avec 𝜔𝑖 taux de conversion de la réaction i

𝑑𝜔𝑖 𝑑𝑡

taux de réaction

𝐴𝑖 coefficient pré-exponentiel 𝑛𝑖 ordre de la réaction

𝑚𝑖 masse de réactif i à l’instant t 𝐸𝑖 énergie d’activation de la réaction i

R constante des gaz parfaits T température à l’instant t

Pour modéliser ces étapes, le degré d’avancement de chaque réaction 𝛼𝑖est :

Eq. 2-31 𝛼

𝑖 =𝑚𝑖,0− 𝑚𝑖(𝑡) 𝑚𝑖,0− 𝑚𝑖,𝑓

Avec 𝑚𝑖(𝑡) masse de réactif i à l’instant t 𝑚𝑖,0 masse initiale de réactif i

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La vitesse de perte de masse 𝑑𝑚𝑖

𝑑𝑡 s’exprime comme suit :

Eq. 2-32 𝑑𝑚𝑖

𝑑𝑡 = 𝜈𝑖 𝑑𝜔𝑖

𝑑𝑡 avec 𝜈𝑖 le coefficient stœchiométrique de la réaction i.

Puis, en additionnant les dérivées de pertes de masse occasionnées de chacune des réactions, la dérivée de perte de masse totale mesurée est donnée par l’équation suivante :

Eq. 2-33 𝑑𝑚 𝑡𝑜𝑡 𝑑𝑡 = ∑ 𝑑𝑚𝑖 𝑑𝑡 2 𝑖=1

En combinant les équations donnant 𝛼𝑖 Eq. 2-31 et sa dérivée Eq. 2-30, un système d’équations différentielles est obtenu. Ce système est résolu successivement pour chaque réaction, en utilisant un algorithme de Newton-Raphson. Ainsi, les 𝛼𝑖 sont calculés.

La détermination des paramètres cinétiques de chaque réaction (𝐴𝑖, 𝐸𝑖, 𝑛𝑖, 𝜈𝑖) est détaillée dans le Chapitre 3.

Comme la décomposition thermique prend place en deux étapes, la loi des mélanges est plus complexe que l’équation Eq. 2-25. En effet, les paramètres thermiques dépendent de deux variables d’avancement des réactions de décomposition (α1, α2). L’équation de la chaleur Eq. 2-28, valable pour une réaction de décomposition à une étape, prend alors la forme suivante Eq. 2-34 :

Eq. 2-34 𝜌(α 1, α2)𝐶𝑝1, α2)𝜕𝑇 𝜕𝑡 = ∇⃗⃗⃗ ∙ (𝜆111, α2)𝜕𝑇 𝜕𝑥𝑥⃗ + 𝜆221, α2)𝜕𝑇 𝜕𝑦𝑦⃗ + 𝜆221, α2)𝜕𝑇 𝜕𝑧𝑧⃗) Les variables de décomposition (α1, α2) dépendent de la température. La dépendance de (λ, ρ, Cp) avec (α1, α2) s’exprime selon une loi des mélanges faisant intervenir les fractions volumiques de chaque composé intermédiaire.

Or, comme la dilatation n’est pas prise en compte, le changement de volume du solide suite à la décomposition thermique n’est pas modélisé. Ainsi, seule la fraction massique est capable de rendre compte des changements d’état du matériau. Elle est calculée par la perte de masse liée à la décomposition. Ainsi, les avancements des réactions renseignent sur la fraction massique et la loi des mélanges, qui est trouvée classiquement dans la littérature pour le cas monoréactionnel, et exprimée comme suit dans le présent mémoire pour le cas biréactionnel :

Eq. 2-35 𝑃

𝑡ℎ1, α2) = (1 − α1)𝑃𝑡ℎ,1+ (α1α2

α2𝑚𝑎𝑥) 𝑃𝑡ℎ,2+ α2 α2𝑚𝑎𝑥𝑃𝑡ℎ,3

Avec 𝑃𝑡ℎ propriété thermique du matériau à un moment quelconque de la décomposition α1 variable caractérisant la réaction 1

α1= 0 au début de la décomposition et α1 = 1 lorsque le matériau est dans l’état 2 (fin de réaction 1)

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α2= 0 au début de la décomposition et α2= α2𝑚𝑎𝑥 lorsque le matériau est décomposé α2𝑚𝑎𝑥valeur de α2 lorsque le matériau est complètement décomposé (fin de réaction 2)

α2𝑚𝑎𝑥= 𝜈1, coefficient stœchiométrique de la réaction 1 𝑃𝑡ℎ,𝑖 propriété thermique du matériau dans l’état i, i=1,2 ou 3

Concernant la conductivité thermique, elle a une valeur assignée différente dans la direction des fibres i=1, dans la direction perpendiculaire aux fibres (i=2) et enfin, dans la direction transverse (i=3) :

Eq. 2-36 𝜆

𝑖𝑖1, α2) = (1 − α1)𝜆𝑖𝑖,1+ (α1α2

α2𝑚𝑎𝑥) 𝜆𝑖𝑖,2+ α2 α2𝑚𝑎𝑥𝜆𝑖𝑖,3

Il est aisé de vérifier que pour α1= 0, le matériau a les propriétés thermiques du matériau sain. Pour α1= 1 et α2 = 0, le matériau est dans l’état intermédiaire 2. Pour α1= 1 et α2= α2𝑚𝑎𝑥, le matériau est dans l’état final. Le cas α1 > 1 ou α2> α2𝑚𝑎𝑥 n’est pas possible.

Dans cette section 2 a été décrit de façon exhaustive le modèle adopté pour rendre compte de tous les couplages recensés dans la section 1. L’implémentation de ces équations dans le logiciel commercial de Modélisation par Eléments Finis (MEF) Abaqus® est décrite dans la section suivante.

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