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Afin de répondre à la problématique des sollicitations thermo-mécaniques couplées et de proposer un outil de simulation fiable prenant en compte à la fois le comportement mécanique d’un matériau composite carbone-époxy, la décomposition thermique à laquelle il peut être sujet, ainsi que les transferts de chaleur inhérents à ces situations, le présent mémoire présente le travail réalisé en quatre chapitres. Après avoir résumé les enseignements de chacun d’eux, de futures pistes de travail sont suggérées.

Le premier chapitre établit un état de l’art en matière de modélisation de l’endommagement mécanique des composites et de décomposition thermique de ceux-ci. Il est constaté que les paramètres thermiques (capacité thermique, masse volumique, conductivité, émissivité, coefficient de convection) du matériau au cours de la décomposition thermique sont souvent déterminés par des méthodes inverses d’optimisation. Les paramètres de décomposition thermique sont déterminés conjointement aux paramètres thermiques précités ou de façon découplée, par l’utilisation de résultats expérimentaux issus d’essais en Analyses ThermoGravimétriques, effectués à l’échelle de la matière afin de s’affranchir des phénomènes de transport, de transferts de masse ou de chaleur [24]. Les lois de comportement mécaniques retiennent majoritairement au moins deux endommagements, à savoir la rupture des fibres et la décohésion d’interface fibre-matrice, auxquels s’ajoutent parfois le délaminage dans le cas d’un matériau épais ou la fissuration matricielle dans le cas de modèles plus fins [79].

Le second chapitre décrit la façon dont les modèles actuels rendent compte des phénomènes existants lors d’une sollicitation thermo-mécanique couplée, ainsi que chaque sous-partie du modèle numérique développé et l’implémentation de celui-ci dans le code Abaqus. Les couplages thermo-mécaniques modélisés dans le cas de structures composites (échantillons ou réservoirs) retiennent souvent une décomposition thermique à une étape rendant compte de la décomposition de la matrice, laquelle est tenue seule responsable de la perte de tenue du matériau [21], [46], [106], [50]. Une loi des mélanges faisant appel à l’avancement de cette réaction et aux fractions volumiques du matériau sain et du matériau décomposé (le charbon) est alors utilisée pour calculer la valeur des paramètres thermiques, au cours de la décomposition thermique. Enfin, l’influence de la décomposition thermique sur les propriétés mécaniques est caractérisée par une diminution de la contrainte à rupture affectée par un coefficient empirique dépendant de l’avancement de la réaction. Les limites des travaux couplés actuels sont mises en évidence. En effet, la rupture du matériau dans un cas de sollicitation couplée est rarement prise en compte autrement que par une contrainte maximale, ne permettant pas un suivi précis de la dégradation du composite ([21], [46], [106], [50]). De plus, la décomposition thermique n’est modélisée que par une réaction chimique. Enfin, le couplage thermo-mécanique est déterminé empiriquement et sa validation à des cas uniquement couplés n’est pas très satisfaisante.

Au sein du modèle développé, la loi de comportement mécanique rend compte de la rupture des fibres, de la décohésion d’interface fibre-matrice, du délaminage et de la fissuration matricielle. Ceux-ci sont calculés grâce à des critères d’initiation et des lois d’évolution obéissant à des critères de Hashin [67]. Les paramètres thermiques (capacité thermique, masse volumique, conductivité) sont issus d’une loi des mélanges prenant en compte la fraction volumique de matériau situé dans un de ses trois états de décomposition (sain, intermédiaire ou final). L’émissivité est considérée comme constante [94]. La décomposition de la matrice est modélisée par deux étapes réactionnelles successives (mécanisme cinétique à deux étapes, générant à partir du composite sain, deux phases hétérogènes de décomposition) et non une comme c’est le cas habituellement [50]. Au sein de l’approche mise en place, la décomposition thermique du matériau agit sur les paramètres mécaniques de la même façon qu’un endommagement mécanique classique i.e. directement sur les composantes du tenseur de rigidité. Le modèle couplé est implémenté au sein du logiciel de calculs par éléments finis Abaqus.

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Le troisième chapitre est consacré à la détermination des paramètres présents dans le modèle, mais également à la prédiction du comportement en cas de sollicitation couplée et ce à l’échelle de l’éprouvette. Tout d’abord, les paramètres mécaniques (élastiques et d’endommagement) sont déterminés grâce à des résultats de tractions isothermes de part et d’autre de la transition vitreuse de la matrice [22]. Des ATG sous air sont utilisées pour fixer les paramètres cinétiques. Un mécanisme cinétique à deux étapes est considéré. Les paramètres thermiques sont alors fixés par une méthode inverse consistant à retrouver l’épaisseur de charbon expérimentale [15]. Ces résultats obtenus permettent de conclure qu’une perte de masse correspondant à la fraction massique de la matrice suffit à faire perdre toute tenue mécanique au matériau, ce qui est en concordance avec les résultats de la littérature [14]. Concernant le poids relatif de chaque phénomène dans la rupture du matériau lors de sollicitations thermo-mécaniques entièrement couplées à l’échelle de l’éprouvette, il apparaît que la perte de rigidité due à la transition vitreuse de la matrice est la principale responsable de la rupture du matériau.

Le quatrième chapitre traite de l’application du modèle et de ses paramètres, à des calculs menés à l’échelle du réservoir d’hydrogène de type IV. Dans une première partie, un chargement purement mécanique est appliqué à la structure. L’endommagement par rupture des fibres cause la ruine du réservoir à une pression d’environ 1500 Bar. Les simulations couplées considèrent un réservoir sous pression exposé à un éclairement énergétique de 100kW/m² de façon uniforme sur toute sa surface. Une différence de 100 secondes est trouvée entre temps d’éclatement expérimental [16] et calculé, ce qui peut sans doute s’expliquer par la présence de la régularisation visqueuse, nécessaire à la convergence des calculs.

De nombreuses perspectives font suite à ces travaux :

 Amélioration du modèle mécanique :

Une voie d’amélioration serait de diminuer la part de la régularisation visqueuse dans le modèle, car elle ajoute une viscosité numérique non physique, bien qu’elle permette la convergence des calculs. Une piste à explorer est également la prise en compte du caractère probabiliste de la rupture des fibres [142],[3]. Cela améliorerait la précision des résultats à l’échelle du réservoir.

 Détermination des paramètres thermiques, évaluation des transferts de chaleur et décomposition thermique :

Ayant constaté que l’inflammation et l’oxydation en résultant sont des phénomènes non négligeables, la chaleur de décomposition (de pyrolyse et d’oxydation), qui est un phénomène exothermique [53], doit être prise en compte dans le modèle.

De plus, des essais supplémentaires sont nécessaires pour quantifier les transferts de chaleur sous air en cône calorimètre avec des éprouvettes épaisses (en plaçant des thermocouples dans l’épaisseur, comme dans les travaux d’Hidalgo et al. [42]), et ce en maîtrisant les conditions aux limites donc en utilisant l’inflammation pilotée comme cela est fait dans le projet FireComp [22]. Une mesure de la perte de masse totale de l’éprouvette serait également nécessaire. Il serait intéressant d’évaluer grâce aux essais d’ATG sous air, la chaleur de décomposition totale du matériau, et due à chacune des réactions de décomposition et auxquelles des paramètres cinétiques ont été attribués au préalable.

Par ailleurs, des essais couplés en atmosphère contrôlée (sous azote et air) sont également envisageables afin de valider les temps à rupture modélisés. Dans tous les cas, une triple validation est à mener : sur la perte de masse, la température et l’épaisseur de charbon (pour évaluer la variable d’influence de la décomposition sur le comportement mécanique) afin de valider les paramètres cinétiques, la décomposition thermique et la variable de couplage thermomécanique. L’épaisseur de charbon serait

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mesurée de façon précise grâce à la décroissance des contraintes, et non visuellement. Cette prise en compte est indispensable si des essais ou des calculs en traction post mortem sont menés, afin de relier la perte de masse (i.e. le stade d’avancement de la réaction) à la tenue mécanique du matériau.

 Prise en compte de couplages et de phénomènes physiques supplémentaires :

La dilatation due à la température et à la décomposition thermique pourrait être prise en compte. En effet, elle est à l’origine de nombreux phénomènes dégradant les propriétés mécaniques du matériau, notamment le délaminage entre les plis [86], [50]. Elle est facile à implémenter dans un code éléments finis comme Abaqus (par exemple par une subroutine UEXPAN). En revanche, l’évaluation du phénomène (et sa modélisation) est complexe car il faut alors expérimentalement découpler différents mécanismes intrinsèquement liés. L’idéal serait de considérer la dilatation thermique sur un volume assez petit pour engendrer une température isotherme (et donc être au même stade de décomposition thermique), comme cela est fait dans des essais d’ATG. Ainsi, le coefficient de dilatation thermique pourrait être mesuré à diverses températures et donc, divers stades de décomposition. Une autre méthode serait d’avoir une température différente dans l’épaisseur et de procéder à une identification inverse de ce coefficient de dilatation. Mais dans ce cas, il serait attendu des effets de compensation de paramètres (comme dans toute détermination inverse), compensation d’autant plus importante que le nombre de stades de décomposition serait grand. Cela devrait être fait sous atmosphère oxydante et inerte, afin de prendre en compte les mécanismes de décomposition différents. Idéalement et si les températures atteintes sont assez élevées pour entraîner la décomposition des fibres de carbone, la récession de surface devrait également être évaluée et prise en compte car elle change la valeur du volume et donc, du coefficient de dilatation. Dans le modèle, cela pourrait se traduire par une perte de mailles, parfois mise en pratique dans les cas d’ablation de matière.

La dilatation thermique est responsable du délaminage, entraînant lui-même une diminution de la conductivité thermique [97]. Cette diminution de la conductivité avec les endommagements, mis en évidence dans les travaux de Ning et al. [97] (notamment délaminage, mais également fissuration matricielle ou décohésion d’interface), pourrait également être prise en compte, à condition d’être correctement évaluée.

Enfin, il serait intéressant de pouvoir quantifier les phénomènes de diffusion des gaz, ainsi que le transport des gaz produits au sein du matériau en décomposition. En effet, cette production de gaz est responsable d’une augmentation locale de la pression interne [20]. Cela crée des pores puis des fissures matricielles, ainsi que du délaminage [89]. Des études tentent de mesurer la pression créée au cours de la décomposition thermique et se heurtent à des difficultés expérimentales telles que la fuite du gaz [20]. Il semble donc plus judicieux de se doter d’un modèle de décomposition permettant de simuler la pression interne par une méthode d’optimisation inverse en évaluant les conséquences d’un certain degré de décomposition sur la densité de fissures créées (par exemple). On sera là confronté à un problème d’évaluation de la pression, puisque certains endommagements peuvent également être créés par la dilatation thermique (le délaminage par exemple). Les paramètres du modèle seront donc difficiles à trouver, à évaluer de façon couplée et le modèle, difficile à valider.

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