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A. Point de départ de l’implication auprès des jeunes MN

3. Le déclic

L’engagement actuel auprès des jeunes MNA débute de différentes manières selon la fonction choisie et occupée par la personne : famille d’accueil bénévole, bénévole ponctuel, bénévole militant ou professionnel. Pour la majorité des personnes interrogées la découverte de la situation des jeunes MNA et les sentiments qui en découlent constituent des points de départ notables d’une volonté d’engagement et conduisent à une rapide implication bénévole.

Les professionnels ainsi que les bénévoles de longue date au sein d’associations sociales ou de défense des droits des personnes étrangères ont connaissance depuis une dizaine d’années de l’existence de cette catégorie de population migrante sur le territoire français et dans la région. Sensibilisés, ils œuvraient déjà au niveau professionnel ou bénévole auprès des jeunes MNA, souvent sous la forme d’une aide ponctuelle, telle qu’une orientation. A cette époque, les jeunes étaient rapidement pris en charge par les services de protection de l’enfance, puisqu’ils étaient peu nombreux, comparativement au nombre actuel.

B4. : « A l’époque, ils arrivaient, ils ne savaient pas trop où aller, on faisait partie des endroits où les gens les orientaient, les gens qu’ils rencontraient dans la rue.[…]On leur expliquait la situation, on les faisait prendre en charge par l’ASE. »

P2. : « On est un accueil de jour pour personnes majeures, on accueillait à la marge quelques mineurs. »

Le début de l’accroissement du nombre de jeunes est difficile à cerner, mais les chiffres semble montrer une arrivée plus importante dès 2010. Ainsi, au niveau national, ils étaient estimés en 2004 à 2500, puis en 2010, entre 4000 et 8000, à 13 008 au 31 décembre 2016 et

avec une prévision de 25 000 jeunes MNA pris en charge au 31 décembre 201741. Un nombre plus important de jeunes MNA a bénéficié de plus en plus tardivement de mise à l’abri et s’est retrouvé à la rue. Des initiatives associatives et personnelles ont alors émergé afin d’héberger des jeunes de manière provisoire. Pour certaines personnes, la découverte de jeunes à la rue a favorisé la prise de conscience d’une « situation d’impasse pour ces jeunes-là » (B1).

Une part importante des personnes bénévoles interrogées découvre par ailleurs la situation des jeunes MNA à partir du début de l’été 2015, lorsque les jeunes, de plus en plus nombreux, faute de places d’hébergement et suite à l’arrêt de l’accueil dans les lieux provisoires, s’installent pour dormir dans un parc au milieu d’un quartier lillois. Leur situation est alors rendue visible ; cela interroge et inquiète plusieurs personnes qui commencent à venir leur apporter nourriture et habits et à s’intéresser à leur situation. A l’évocation du premier contact avec cette réalité, les personnes manifestent des sentiments d’incompréhension, de tristesse et de colère.

B3. évoquant la découverte du parc « J’ai un peu hallucinée, je débarquais un peu, je connaissais pas du tout les mineurs isolés... »

F4. « Ça a été un choc parce qu’on s’est dit mais ils ont vraiment faim quoi ! Non seulement ils n’ont pas même le minimum vital mais en plus, ils ne sont même pas nourris ! Moi ça m’a vraiment créé un choc profond. »

D’autres personnes, au fur et à mesure de l’occupation du parc et des initiatives bénévoles qui se mettent en place, entendent parler de ces jeunes et sont sollicités par différents réseaux (amicaux, paroissiaux, associatifs, professionnels) pour s’impliquer dans l’aide aux jeunes migrants. Certains, plus émus et sensibles à la situation des jeunes filles, inquiets des risques auxquels elles peuvent être exposées, acceptent d’héberger des jeunes filles chez eux.

F1. : « On a bien deviné que pour des jeunes filles on ne pouvait pas rester à la rue comme pour de nombreux garçons. Il y avait moins de filles mais plus de risques ! moi cela m’a semblé encore plus nécessaire. »

41 DOINEAU Elisabeth, GODEFROY Jean-Pierre, Rapport d’information n°598 fait au nom de la commission des affaires sociales sur la prise en charge sociale des mineurs non-accompagnés, Rapport du Sénat, 28 juin 2017, consulté sur

Les bénévoles rencontrés déclarent ne pas avoir eu d’inquiétude particulière concernant les éventuels risques légaux auxquels ils s’exposaient en hébergeant ou en aidant des jeunes aux situations administratives floues. Pour certaines personnes, une rencontre avec les jeunes a permis de dissiper des a priori, des méfiances initiales et a humanisé une situation administrative connue.

F4. évoque comment ses représentations sur les jeunes se sont modifiées : « J’ai vu tous ces jeunes qui étaient là, qui avaient besoin de soutien, qui avaient l’air d’une part perdu et d’autre part tout à fait rassurants, des jeunes comme les autres finalement ! Aucune crainte à imaginer autour de ces intrus qui viennent, enfin rien à voir avec tout ce qu’on nous raconte… Des jeunes même plutôt peureux, plutôt effrayés, et aussi d’autre part assez joyeux car ils faisaient de la musique, ça m’a vraiment plu, ça m’a touché cette rencontre là ! »

F5. : « Tu vois, c’était une réalité administrative pour moi, c’était des chiffres, des pays d’origine… mais je n’en savais pas plus. Le jour où tu les rencontres, ben tu dis « c’est Mamadou, c’est Ali, c’est Bouba… ils ont un visage, ça prend une autre dimension.»

La découverte de leur situation complexe au niveau administratif, l’état de dénuement dans lequel ils vivent au milieu du parc et les sentiments associés de compassion et d’injustice constituent des déclics d’engagement bénévole, tel que Maud Simonet les qualifie.

B5b. « Je crois que j’agis parce que la situation des jeunes je ne la trouve pas tolérable, du coup j’agis pour ça. »