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B. Comment les personnes s’impliquent ?

II. Dimension politique du bénévolat

1. Constitution du réseau

Dans le paysage bénévole qui œuvre auprès des jeunes, différentes organisations se sont constituées pour répondre aux besoins des jeunes et leur permettre d’accéder à leurs droits. Les compétences des organisations peuvent être délimitées, à la faveur de décisions collectives entre les organisations ou en fonction des affinités pour certains modes d’actions, par exemple le centre T. supervise l’ensemble des familles d’accueil bénévoles, le CAARUD coordonne le planning et la gestion des mises à l’abri dans le réseau de paroisses accueillantes tandis que le collectif des O. mène des actions de lutte et de contestation au pied des bâtiments des services publics et devant le tribunal administratif. Certaines organisations, sans s’engager concrètement dans l’action auprès des jeunes, montrent une sensibilité envers leur cause en prêtant des bâtiments pour les cours de soutien scolaire ou pour des événements festifs.

Au fur et à mesure des arrivées croissantes des jeunes, les organisations se sont mises en lien les unes avec les autres pour essayer d’harmoniser leurs modalités d’action, leur champ de compétences et éviter que les mêmes actions soient répétées en doublon. La composition du réseau est évolutive, en fonction des décisions de chaque organisation de maintenir ou de développer des activités en direction des jeunes.

B1. « Comme on était impliqué et très sous pression, et que je voyais au bout d’un moment, on voyait qu’il y avait différentes associations qui s’en occupaient mais c’était un peu chacun dans son sens, du coup on a fait plusieurs rencontres de coordination alors à partir de quand, je me rappelle plus mais je dirai à partir de 2014… »

P2. « En gros on était à 3 : [ le CAARUD], [ le responsable du centre T.] et ici, et puis ça a évolué, maintenant y a le Secours Catholique, la Cimade, la Cimade a toujours été un peu là en parallèle, mais tous avec différentes possibilités, on essaie de travailler en collaboration, depuis quelques temps on a des réunions régulières, sur certaines thématiques aussi : la scolarisation, l’hébergement… »

B4. « La Cimade a été moins partie prenante parce que les jeunes ont été pris en charge par d’autres structures… »

B3. « On s’est mis en lien avec X. [le responsable du centre T.], parce qu’on avait appris qu’il y avait [X.] dans l’histoire qui était très actif et tout ça, on l’a rencontré » ; ça a été tout d’un coup un réseau complètement informel qui s’est créé. »

Les bénévoles découvrent peu à peu l’existence d’autres personnes ou organisations qui gravitent autour des jeunes et commencent à s’associer pour œuvrer ensemble. Ils expriment cette construction progressive d’une entité autonome, parallèle aux institutions existantes, capable d’actions communes et de prises de position concertées.

Les compétences sont parfois transversales, par exemple l’accès à la scolarisation et les cours de soutien scolaire sont mis en œuvre aussi bien par le centre T., le collectif des O. et des bénévoles ponctuels rattachés à des accueils de jour. Dans ce cas, des sous-groupes en fonction de la thématique ou du domaine sur lequel les personnes travaillent sont mis en place pour coordonner les actions et s’échanger les informations.

Les différentes personnes rencontrées soulignent les bénéfices à agir en réseau : cela permet de mettre en œuvre l’intelligence collective face aux problèmes rencontrés, de profiter des compétences, des connaissances et des ressources des uns et des autres pour avancer collectivement sur un sujet ou pour résoudre un nœud dans la situation d’un jeune, de s’échanger les informations et de continuer de cette manière la formation et la connaissance du droit et des procédures qui s’appliquent aux jeunes. Pour les familles d’accueil, à une autre échelle, elles sont rassurées de savoir qu’il y a une structure qui porte la coordination de l’accueil en famille et vers laquelle elles peuvent se tourner en cas de questions ou de problèmes. La supervision et l’organisation de cette activité bénévole peuvent être mises en parallèle avec les fonctions d’un service de placement familial spécialisé qui accompagne professionnellement les assistants familiaux accueillant des enfants placés par l’ASE. Globalement, les personnes rencontrées perçoivent facilement les avantages de cette mise en réseau.

B1. « Ça permet d’avancer sur les différents problèmes qu’on rencontre, ça a permis ce qui se passe aujourd’hui, qu’il y ait plusieurs églises et associations qui prêtent leurs locaux pour une trentaine, quarantaine de jeunes toutes les nuits, depuis 2015, depuis fin 2015 jusqu’à maintenant ; ça a permis plein d’avancées diverses, même quand le parc des O. a arrêté, ça a

été quand même bien qu’il y ait le collectif d’associations qui soit présent pour suivre un petit peu les jeunes. »

P2. « On est toujours obligé d’être en contact régulier avec le réseau parce que dès qu’il y a une info qui sort, on se la diffuse, c’est aussi ça le réseau : du partage d’informations, de compétences… Ce qui fait que maintenant on est des experts ! »

Les professionnels sont aussi bien conscients de ce qu’apporte cette mobilisation collective, cela participe à améliorer la qualité des accompagnements proposés en offrant des étayages complémentaires, comme par exemple de séances de soutien scolaire, l’accompagnement physique pour une démarche, un soutien moral pour les jeunes etc. Les échanges et les liens entre le réseau informel et les professionnels ouvrent des perspectives sur les possibilités de revendications collectives et de dénonciation auprès des autorités publiques. En effet, non seulement la présence de plus en plus importante de personnes donnent plus de poids aux interpellations des pouvoirs publics, mais aussi le réseau bénévole, au plus proche des jeunes, parfois plus disponible que les professionnels, collecte des éléments et des informations sur la situation des jeunes qui peuvent ensuite appuyer une action judiciaire ou une contestation.

P6. « Ça a été vraiment plein de petites compétences multiples sur l’extérieur qui sont venues s’ajouter à celles qu’avaient les gens à l’intérieur, à celles qu’ils développaient sur l’extérieur, puis à celles que l’équipe avait à l’intérieur et ça fait vraiment une super mayonnaise. »

B3. « Toute la mobilisation à la première expulsion fin août l’année dernière ça a été assez fort, du coup, le fait qu’on soit allé beaucoup voir les habitants pour essayer d’avoir, les voisins proches, plein de témoignages, on a fourni plein plein de trucs à l’avocate, donc je pense que le fait, que du coup nous on soit vachement sur le terrain, en lien avec les jeunes, prêts à réagir, ça a vachement aidé je pense. »

Cette dernière citation exprime bien la pertinence de coordonner les actions entre les professionnels et les bénévoles pour essayer d’avoir plus d’impact.

Progressivement, différents acteurs bénévoles et professionnels qui gravitent autour de la situation des jeunes se sont rapprochés afin de mutualiser des pratiques, partager des connaissances, pouvoir faire appel les uns aux autres en fonction des ressources et

compétences de chacun et avoir ainsi une action plus efficace auprès des jeunes. Un partage des tâches a été réalisé pour travailler de concert à l’amélioration de la situation des jeunes. Une évaluation positive des bénéfices de la mise en réseau est rapportée dans les entretiens.