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Dans notre série, la déclaration des AES des personnels séropositifs en hépatite virale B et C est trop faible, elle est de 5,88 %. Un taux similaire de 6% avec un suivi sérologique inférieur à 1% a été rapporté dans une autre étude chez le professionnel de santé à Rabat et le dépistage sérologique des patients source n’a jamais été réalisé [69]. S.P. Eholie et al. ont mené une enquête transversale dans les 3 CHU d’Abidjan et ils ont trouvé que 15% des personnels ont déclaré leurs accidents [98]. Dans les pays développés, elle est respectivement de 60,6% et de 86,4% pour les expositions percutanées et cutanéomuqueuses [2].

Durant la période allant de 1997 à 2008 chez l’ensemble des personnels soignants de l’hôpital Ibn Sina de Rabat, nous avons colligé 138 cas d’AES (soit une incidence annuelle moyenne de 12 cas déclarés avec des extrême de 4 à 18 cas). Ce chiffre reste inférieur à celui rapporté dans la littérature. Une autre enquête marocaine a noté une incidence annuelle moyenne cumulée pour toute la carrière professionnelle de 14,3 AES [69]. E. Eholie et al. [98] à Abidjan ont colligé 182, soit une incidence moyenne de 30 cas déclarés entre 2000 et 2005.

Le déficit de déclaration dans notre établissement est imputé le plus souvent à une absence d’information et à une sous-estimation de l’importance du risque d’une part et d’autre part cette imputation est liée aux responsables sur la prise en charge des AES qui ont compliqué les procédures de déclaration administrative :

 Bulletin remplis par un médecin urgentiste ;

 Certificat de témoignage (signé par 2 personnels du même service) ;

 Rapport circonstanciel signé par le chef de service ;

 Certificat de première constatation donné par le service des accidents du travail ;

 Interrogatoire de l’accidenté avec le responsable de la prise en charge des accidents du travail ;

Dans notre étude, 32 cas (94,12%) des personnels séropositifs ont été victimes d’au moins un AES durant leur carrière. Des taux similaires ont été rapportés : 93% au Nigeria [74], 82% au Nord-Pas-de-Calais en 1997 [97] et 78% au Chili en 1992 [88].

Une enquête [104] réalisée en 1998 sur le risque infectieux lié au sang chez le personnel soignant dans un hôpital de Casablanca, avait retrouvé presque les mêmes pourcentages : 81% des personnes ont été victimes d’au moins un AES dont 13,6% ont bénéficié d’une enquête sérologique et 4% ont déclaré l’accident. Une enquête [105]

du GERES, faite auprès de 1042 chirurgiens, a montré que 44,6% se sont piqués au moins une fois le mois précédent l’enquête.

Parmi les 138 cas d’AES déclarés par l’ensemble des personnels soignants de notre établissement sur une période de 12 ans, les piqûres avec aiguilles usagées constituaient l’accident le plus fréquent (57,98%). Les infirmiers, les agents de soutien et les médecins étaient les plus concernés avec respectivement 47,10%, 25,35% et 20,30%.

Durant notre enquête, chez les 34 personnels soignants séropositifs, les piqûres d’aiguilles souillées représentaient 3/4 de l’ensemble du type d’AES (76,47%), les coupures 11,77% et 2,94% pour les projections oculaires du sang et les contacts avec du sang sur une blessure ouverte. Le profil épidémiologique des AES rapportés dans notre étude est identique à celui déjà décrit dans d’autres études où les piqûres par aiguilles souillées représentaient la majorité des AES : 75% selon le GERES [105], 88% pour le comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) de l’hôpital Ibn-Rochd à Casablanca [79] et 80% pour celui de Paris-Nord [106].

Le personnel ivoirien a accusé également ce type d’aiguille dans 73% des cas [3], japonais dans 86,2% [107] et français dans 60% [105].

D’après notre étude, le personnel soignant a un risque élevé d’AES, mais la majorité des accidents n’est pas déclarée. L’information doit être axée sur le respect des recommandations, l’identification d’un circuit de déclaration, l’importance du suivi systématique des sérologies virales, une vaccination correcte contre le virus de l’hépatite B et l’intérêt du traitement prophylactique.

8- Recommandations

Notre étude a révélé de nombreuses lacunes en matière de prévention des AES. En fonction des situations et des activités professionnelles, des recommandations précises et adaptées doivent être édictées et respectées. Cependant, il faudrait généraliser le respect des précautions universelles et disposer de matériels dits de sécurité. L’application des règles d’hygiène universelle est d’autant plus nécessaire qu’il existe un risque possible de transmission soignant–soigné pour le VIH, pour le VHC et pour le VHB, attestées par des observations ponctuelles.

F

Foonnccttiioonnnneemmeenntt dduu ssyyssttèèmmee ddee ssuurrvveeiillllaannccee

[1]

.

Des guides et des recommandations ont été édités. Dans le cadre de ses missions de lutte contre les infections nosocomiales, CCLIN Paris-Nord a mis en place un réseau de surveillance des AES chez le personnel depuis 1995.

En 1998 et 1999, des recommandations sur les modalités de prise en charge des AES ont été diffusées :

 DGS/DH n° 98/249 du 20 avril 1998 relative à la prévention de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang et les liquides biologiques;

 DGS/DH/DRT n° 99/680 du 8 décembre 1999 relative aux recommandations à mettre en œuvre devant un risque de transmission du VHB et du VHC.

Ces circulaires sont toujours en vigueur. Elles rappellent les précautions générales d’hygiène, les conseils pour un nettoyage efficace des plaies, les modalités de déclaration d’accident de travail, de surveillance sérologique et la prescription éventuelle d’une chimioprophylaxie :

 le rappel des mesures générales de prévention :

 utilisation d’un matériel adapté ;

 port de gants, blouses, lunettes selon les situations;

 la formation des personnels, qui est le rôle de l’employeur;  la conduite à tenir en cas d’accident :

 en cas de plaie cutanée :

– nettoyer à l’eau et au savon ;

– faire un nettoyage antiseptique par de l’eau de Javel diluée au 1/10e ou avec de la Bétadine® ;

 en cas de projection sur les muqueuses : rincer abondamment au sérum physiologique pendant 5 minutes ;  l’appréciation du risque tient compte :

 du délai entre l’AES et la consultation ;

 de la sévérité de l’exposition (profondeur de la blessure, aiguille creuse) ;

 de la nature du liquide biologique responsable (les urines, les selles et la salive ne sont pas contaminants) ;  du statut sérologique de la personne source.

Dans tous les cas, un bilan biologique initial doit être réalisé avant le 8ème jour suivant l’accident chez la personne exposée comprenant les sérologies VIH, VHB, VHC ainsi qu’un bilan biologique (numération-formule sanguine [NFS], bilan hépatique complet, test de grossesse éventuel). Il permet de faire valoir à la personne accidentée ses droits. Cette dernière peut demander l’anonymisation des prélèvements si elle le souhaite.

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CLLIINN -- CCHHUU ddee CCaassaabbllaannccaa eett ddee RRaabbaatt..

Des recommandations sont préconisées par les comités de lutte contre les infections nosocomiales pour la prise en charge des AES au sein des CHU de Casablanca et de Rabat. Elles sont résumées en trois étapes : [2].

 Première étape : soins immédiats :  piqûres ou blessures :

– nettoyage immédiat de la zone cutanée lésée à l’eau et au savon puis rinçage abondant,

– antisepsie avec de la Bétadine® en solution ou à défaut de l’alcool à 70° (temps de contact : cinq minutes) ou de l’eau de javel à 12° chlorométrique diluée au 1/10 (temps de contact : dix minutes) ;

 si contact direct du liquide biologique sur peau lésée : même protocole que précédemment,

 si projection sur muqueuses et yeux : rinçage abondant à l’eau ou sérum physiologique au moins cinq minutes ;

 Deuxième étape : contacter le médecin référent au service des maladies infectieuses dans l’heure qui suit pour :

 évaluer le risque infectieux (VIH, hépatites B et C, autres infections),

 une chimioprophylaxie antirétrovirale après consentement de la personne concernée, à débuter le mieux avant quatre heures,

 gammaglobulines spécifiques anti-VHB dans les 48 heures pour l’hépatite B;

 troisième étape : contacter le service de santé au travail dans les 24 heures pour :

 recevoir les informations sur les risques encourus, analyser les circonstances de survenu de l’accident, évaluer la nécessité d’un suivi sérologique, rédaction par le médecin du travail d’un certificat médical initial descriptif,

 déclarer l’accident du travail,

 assurer un suivi clinique et sérologique adapté :

– si risque VIH : premier prélèvement dans les huit jours, deuxième prélèvement au troisième mois et le dernier prélèvement au sixième mois ;

– en cas de risque d’hépatite : vérification de l’immunité vis à vis de l’hépatite B et prophylaxie éventuelle par immunoglobulines spécifiques ; suivi en cas d’hépatite C (dosage des transaminases et sérologie).

Des stratégies de prévention qui s’appuient notamment sur le respect des précautions standards, l’utilisation de matériels de sécurité et la vaccination contre le VHB, ont conduit à une diminution de l’incidence des AES d’un facteur 4 dans les services de soins [101]

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V-- CCoonncclluussiioonn

D’après les résultats de notre étude, il apparaît clairement que la prévalence des marqueurs sérologiques de l’hépatite virale B et C est assez préoccupante, avec une mauvaise compréhension du personnel hospitalier de l’ampleur du risque et des différentes mesures préventives et de prise en charge en cas d’un AES. Par ailleurs, la politique vaccinale contre l’hépatite B semble défaillante en absence de textes de loi clairs qui la régissent, sans oublier la part de responsabilité du personnel médical et paramédical dans la déclaration et la prise au sérieux de ces AES.

La prévention reste la solution de choix pour lutter contre l’émergence de ces infections dans notre établissement. Il convient alors de procéder à :

 L’organisation des stages de formation et d’information sur les AES pour toute catégorie professionnelle ;

 une vaccination correcte et bien conduite;

 des précautions universelles pour tous les patients sont nécessaires : organisation et coordination des gestes, recours à du matériel de sécurité, analyse des causes et prise en charge des AES avec dépistage sérologique systématique chez le patient source ;

 l’instauration d’un service de médecine du travail en milieu hospitalier avec une surveillance médicale renforcée des sujets exposés ;

 une déclaration obligatoire des AES et une gestion adéquate des déchets.

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