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2. Cadre historique de la protection de la biodiversité : de l’échelle locale à l'échelle

2.4. Décentralisation de la gestion de la biodiversité en Ouganda

L’Ouganda a largement adopté un système de décentralisation des services de l’Etat (Figure 6). Cependant, son contrôle sur la faune et la flore locale est resté très centralisé par le biais de l’Uganda Wildlife Authority (UWA), placé sous la tutelle du Ministère du tourisme. L'UWA a été créée en 1996 par le Uganda Wildlife Act par la fusion entre l'Uganda National Parks et le Game Department. Elle est gouvernée par un conseil d'administration désigné par le ministère responsable de la faune sauvage, à savoir le Ministère du tourisme. Aujourd'hui, l'UWA est en charge de la gestion de 10 parcs nationaux, 12 réserves fauniques, 14 sanctuaires de faune et encadre cinq aires fauniques communautaires (UWA7).

Figure 6 : Principales lois de la gestion des espaces naturels en Ouganda (Source : Hartter et Ryan, 2010)

Au milieu des années 1990, l’UWA met en place un programme de conservation communautaire pour faciliter l’accès des populations locales aux parcs nationaux pour des usages spécifiques des ressources naturelles (Blomley et Namara, 2003; Namara,

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2006) mais cela conduit à une « double marginalisation » des communautés selon Blomley et Namara (2003). Pour administrer ses biens, l’UWA a délégué certaines de ses responsabilités à des administrations locales. Ces administrations se divisent en cinq niveaux hiérarchiques emboîtés (Figure 7) selon une organisation fixée par le Local

Government Act en 1997 (Figure 6) : la région (District) dont le référent est le local

council 5 (LC5), le comté (County - LC4), le sous-comté (Sub-county - LC3), la commune (Parish - LC2), le village (Village - LC1). Chaque niveau hiérarchique a donc un référent et les informations sont relayées depuis les populations locales (LC1) au district (LC5) par l'intermédiaire des niveaux LC2, LC3 et LC4.

Cependant, les administrations locales sont parfois identifiées comme la cause d'une mauvaise diffusion de l'information ou communication entre les instances gouvernementales, par manque de moyens et de capacités (Adams et Infield, 2003; Ryan et Hartter, 2010; MacKenzie, 2012b; Tumusiime et Vedeld, 2012). Les mécanismes de cohabitation traditionnelle entre les hommes et les animaux sauvages, tels que la chasse ou le piégeage sont considérés comme illégaux dans le cadre de la réglementation des parcs nationaux sauf dans le cas de certaines espèces (considérées comme les vermines), ceci malgré le fait que le gardiennage intensif des cultures revienne aux communautés locales (Roe et al., 2009).

Figure 7 : Découpage administratif en Ouganda

A la suite de l’introduction de programmes de partage des revenus (revenue

sharing) des parcs nationaux avec les populations locales, certains gouvernements ont

parcs nationaux, considérant que les fonds issus des programmes de répartition des revenus étaient suffisants pour financer les infrastructures et services de ces zones (Roe et al., 2009). D’après un rapport de CARE (2008), le danger des programmes de partage des revenus est qu'ils comblent seulement le manque d'investissement des districts, conduisant à un gain zéro pour les communautés concernées. Namara et Nsabagasani (2003) soulignent que : « Community conservation and collaborative management as practiced around PAs in Uganda today do not achieve democratic governance of natural resources. This is because community participation under community conservation and collaborative management does not adequately and effectively translate into community empowerment and control over resources, especially concerning decision making ».

Plusieurs sources rappellent le rôle économique de la vie sauvage en Ouganda dès les prémices du colonialisme (Morris, 1978), grâce au développement du tourisme qui succéda à la seconde guerre mondiale et au commerce de l’ivoire : « Tourism provides one promising resource of income in many locations, although this money often does not filter back to the local communities » (Southworth et al., 2006). En avril 2013, le gouvernement ougandais a publié un document faisant état de ses objectifs de développement jusqu'en 2040 (Uganda Vision 2040, 2013). La section sur le tourisme et celle sur la gestion de la biodiversité étaient particulièrement intéressantes. Le tourisme est une part importante des revenus générés en Ouganda puisqu'en 2011, il contribuait à 14,6 % des emplois générés dans le pays et à 23 % des entreprises enregistrées (hôtels, restaurant, services à la personne etc.). De plus, le tourisme aurait augmenté de 17 % en 2011 par rapport aux années précédentes. Cependant, pour développer le tourisme, l'Etat souligne l'importance de développer l'électrification, les aérodromes et le système routier et met en place une route touristique The ring road, permettant de faire le tour des lieux remarquables pour leur biodiversité en Ouganda (Figure 8).

Figure 8 : Infrastructures nécessaires au développement du tourisme en Ouganda (Source : Uganda vision 2040, 2013)

Dans son chapitre intitulé « Renforcer les fondamentaux pour exploiter les possibilités » (Uganda Vision 2040, 2013), le gouvernement ougandais explique que la diversité des paysages ougandais ainsi que la richesse de ses espèces végétales et animales est son principal atout pour développer un tourisme dit de nature. C'est l’occasion de rappeler que le pays compte 50 % des gorilles de montagne, 7 % des mammifères terrestres, 11 % des espèces d'oiseaux du monde et « d'autres attractions uniques incluant les chimpanzés (Pan troglodytes) » (Uganda Vision 2040, 2013). C'est d'ailleurs en termes de produits que ce document parle du tourisme en Ouganda : « The main tourism products include : gorilla tracking, bird watching, eco-tourism, [...]. This presents the country to stimulate economic growth and earning significant revenues ».

Dans le chapitre sur les « transformations sociales » (Uganda Vision 2040, 2013), une partie est dédiée à l’environnement et aux ressources, avec l'objectif d'atteindre un environnement propre et vert « with no water and air pollution while conserving the flora and fauna and restoring and adding value to the ecosystem ». Outre ces objectifs ambitieux, il prévoit l'éradication de la pauvreté comme un outil majeur pour assurer le développement durable de l'Ouganda dont l'objectif est de faire passer la surface protégée du pays de 15 % actuellement à 24 % en 2040 en « aidant la population à internaliser la totalité des coûts environnementaux et sociaux des biens et des services». Cette thèse permettra de saisir les enjeux d'une telle politique de protection de la biodiversité dans la zone d'étude de Sebitoli, au cœur d'un espace protégé entouré d'une population humaine très dense pour déterminer dans quelle mesure un tel objectif est atteignable à l’échelle locale.