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Le début de la pratique et « l’ignorance » de la manière d’être enseignant

3. La place de la voix dans la pratique didactique conscientisée

3.1 Le début de la pratique et « l’ignorance » de la manière d’être enseignant

Au début de leur pratique du métier, les enseignants cibles n’avaient pas une idée complète sur ce que veut dire « être » enseignant de français en classe, c'est-à-dire comment procéder dans l’explication des leçons ou plus encore comment parler avec les apprenants.

Le début de l’enseignement n’avait pas de durée précise pour les enseignants cibles, mais il constituait pour chacun d’eux une étape à problèmes et à difficultés qui étaient gardés en mémoire même chez les plus expérimentés d’entre eux.

Les problèmes se situaient d’abord au niveau de la voix non adaptée à l’enseignement, au décalage entre la formation antérieure et la pratique didactique en classe particulièrement en ce qui concerne les interactions avec les apprenants.

3.1.1 La voix non adaptée à l’enseignement

La plupart des enseignants cibles ont remarqué que leur voix n’était pas appropriée à la pratique didactique en classe :

B Aux trois premières années par manque d’expérience, ma voix était souvent basse [Q. (7 : 5-6)]

D J’ai d’énormes problèmes de voix cassée [Q. (7 : 15)]

E Je croyais d’abord que la voix haute aide le prof à mieux maîtriser sa classe et

attirer l’attention des élèves [Q. (7 : 14-16)]

F (Basse) [Q. (7 : 9-11)]

G La voix était (moins) ferme, (non) malléable, (moins) étudiée selon le contexte [Q. (7 : 6-7)]

I D’abord enrouée [Q. (7 : 7)]

J (moins) claire, (moins) assurée, (moins) manipulée [Q. (7 : 8)]

M (ma voix était beaucoup moins haute) [Q. (7 : 8)]

N (Moins de rôle moins douce et moins changée) [Q. (7 : 5-7)]

Tableau 22: la voix non adaptée à l’enseignement au début de l’enseignement

Ce qui est remarquable dans le tableau ci-dessus c’est que les enseignants ont parlé de leur voix en tant qu’élément essentiel qui leur appartient et qui a subi des influences positives et/ou négatives dans la classe c'est-à-dire les influences du lieu-classe où il s’agissait de parler à distance, à un certain nombre d’apprenants et pour une mission didactique.

La voix au début n’était pas appropriée à sa mission, et au métier soit au niveau de l’usage de l’intensité ou du volume « bas » (car dans ce cas les apprenants du fond ne peuvent

pas écouter), (B, D, F, J, M) ou bien au niveau de l’usage intonatif, c'est-à-dire au niveau des variations des fréquences des mélodies ou pour des fins didactiques « voix (moins) changée et (moins) manipulée » (E, G, J, N), et parfois pour dominer ou maîtriser la classe (E).

L’usage non approprié de la voix ou non adapté à l’enseignement constituait donc une première difficulté, un affrontement entre les influences de l’usage naturel de la voix et son usage provoqué et imposé par la structure de la classe.

3.1.2 Le décalage entre la formation reçue et la réalité didactique

Les difficultés rencontrées dans la pratique didactique au début de l’enseignement reviennent principalement au manque de « formation pratique » dans la période du choix du métier. Se préparer à l’enseignement pratiqué exige d’abord avoir une idée sur le niveau général des apprenants, leurs besoins. Les enseignants sont en général censés posséder des compétences d’interagir dans un contexte dont ils connaissent l’aspect général (par exemple connaître si les apprenants dans les écoles publiques sont de bon ou mauvais niveau, et comment ils pourront agir pour réussir ce premier contact avec les apprenants. C’est que le contact direct avec un public d’apprenants pour la première fois est susceptible de créer des problèmes.

Le manque de « formation pratique » découvert au début de l’enseignement est critiqué de manière directe par trois enseignants qui évaluent leur position en tant qu’enseignant effectif au début du métier :

A

nous nous sommes formés pour le primaire en principe



+ mais ça dépend du besoin de l’école + + euh par hasard à l’école ou j’étais envoyé on avait besoin

d’un enseignant pour la 3ème et 4ème année primaire



+ donc c’était



+ mon domaine et il faut pas oublier que la formation n’était pas la formation rigoureuse à laquelle on s’attendait [….] nous devions donc nous former et nous

autoformer (entretien : 127-135)

D

dans la mesure où je n’étais pas préparée à l’enseignement, j’ai éprouvé au début un grand nombre de difficultés : (manque de formation, absence de

bibliothèque, la guerre etc.) [Q. (7 : 5-10)]

G toutes les études étaient presque des études théoriques, mais sur terre, en

réalité, tout a changé [Q. (5 : 32-33)]

Tableau 23: Le manque de formation mentionné par quelques enseignants

Certains enseignants cibles ont évalué leur interaction verbale avec leurs apprenants en considérant leur manière d’interagir comme étant une compétence manquée au début du métier:

Troisième Partie : la voix perçue et pratiquée parmi les influences du passé

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B je ne faisais pas une grande interaction verbale avec les apprenants comme je

m’attachais beaucoup à mes papiers de préparation [Q. (7 : 7-8)]

C avant, je parlais et elles écoutaient [Q. 7 : 16)]

G avant, j’avais des difficultés au niveau des interactions verbales avec les

apprenants [Q. (7 : 18-19)]

Tableau 24: L’interaction verbale au début de l’enseignement

Les difficultés rencontrées dans l’interaction verbale – que ce soit sous forme d’absence totale de l’interaction verbale (B, C) ou d’incompréhension par les apprenants de ce que disait leur enseignante (G) – résument un décalage entre le manque d’une formation « rigoureuse » au niveau de l’interaction, reçue que ce soit dans la période scolaire pour (B) et (C) car ils n’ont pas été formés à l’Ecole Normale), et dans la période du choix du métier pour G car elle a reçu une formation à l’Ecole Normale).

3.1.3 L’impatience et le manque de confiance en soi

Les difficultés ressenties au début ont eu des répercussions sur les comportements de certains avec leurs apprenants en classe : ils étaient « nerveux », n’avaient « pas de confiance » en eux mêmes, et ne donnaient pas au métier l’importance qu’il fallait surtout au niveau de la préparation :

A j’avais peur d’être surveillée par un inspecteur,

C (moins calme)

E j’étais vraiment euh nerveux

F (moins patiente, plus coléreuse)

G avant, j’avais peur de me salir les vêtements (moins confiante en moi)

M timide

N (je ne préparais pas tout le nécessaire)

P au début de ma carrière j’étais plus nerveuse



+

Tableau 25: Les attitudes et les comportements au début de l’enseignement

Le manque de confiance s’avère un résultat logique du manque de formation pratique d’une part, et du « choc », si nous pouvons dire, subi dans une situation d’enseignement non attendue que ce soit au niveau des apprenants « non sérieux », ou au niveau des manières d’agir et d’interagir avec les apprenants.

Ce sont aussi des indices affectifs que la voix peut porter et transmettre sans que les enseignants en aient conscience et peuvent par conséquent donner une image nous souhaitable des enseignants.

Ces indices reflètent un grand décalage entre ce qu’ils attendaient du métier dans la période du choix du métier (T2) : (l’argent, la stabilité, la tranquillité, la facilité du métier etc.)

et ce qu’ils ont rencontré une fois ils étaient en classe (l’impasse interactionnelle, manque d’expérience pratique concernant la didactique du français).

Nous résumons les influences en mentionnant celles négatives (-) ou positives (+) avec la période antérieure correspondante (T1 : période scolaire) ou (T2 : choix du métier) :

L’usage de la voix (influencé par T1) La qualité de la formation à l’enseignement (influencée par T2)

Les représentations sur la qualité des apprenants

(influencées par T1)

Les répercussions sur les attitudes et les comportements (en début de T3) A - - B - - C - - D - - E - - F - - G - - - H - I - J - M - - N - - O P - - - Q -

Tableau 26 : résumé des influences dans les différentes périodes sur les attitudes et comportement en début de l’enseignement

D’après ce tableau, nous constatons que les facteurs qui ont agi négativement sur les pratiques didactiques des enseignants cibles au début du métier sont les seuls mentionnés, c'est-à-dire nous n’avons pas décelé d’influences positives dans les discours des enseignants cibles.

Ce fait dénote qu’au niveau de la mémoire, les seules pratiques qui restent gravées sont celles qui ont rencontré des difficultés ou celles qui ont changé dans le temps. Donc il se peut qu’il y ait des pratiques didactiques réussies mais dont on ne se souvient pas au moment de la parole ou de discours. Les influences antérieures qui s’opposent à celles de la période du début du métier sont : les représentations concernant l’usage de la voix74, la qualité des

74Nous pouvons inscrire l’usage de la voix en début du métier comme faisant partie des compétences que l’enseignant est censé apprendre dans la période d’apprentissage des autres compétences didactique mais comme la question de la voix a été mentionnée par les enseignants cibles en dehors du sujet de formation, nous lui confions un tableau à part.

Troisième Partie : la voix perçue et pratiquée parmi les influences du passé

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apprenants et la qualité de la formation à l’enseignement reçue. Il s’agit de problèmes de se faire entendre, de maîtriser la classe, de voix non malléable, non travaillée selon les situations. Les difficultés du début mettent ainsi en relief l’importance de la formation vocale à l’enseignement dans la mesure où la voix s’avère l’un des principaux éléments qui marquent le début du métier en difficulté de chacun.

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