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Entre action verbale et action vocale : place des intentions de communication

2. Quelle action vocale en situation d’enseignement ?

2.1 Entre action verbale et action vocale : place des intentions de communication

Selon P. Bange (1992), les énonciations sont considérées comme des « actions verbales » et comme des actes sociaux, par lesquels les membres d’une communauté socio-culturelle interagissent à l’aide de signes.

La classe de langue considérée comme un espace social n’existe effectivement qu’en présence des personnes qui communiquent verbalement (l’enseignant d’un côté et les apprenants de l’autre côté) dans un but précis connu par eux : enseigner la langue d’un côté et apprendre la langue d’un autre côté.

Si la parole est une action, c’est avant tout une « forme d’action et même une forme socialement essentielle de l’action » (ibid. : 9). Par là sa fonction n’est plus seulement la mise en fonctionnement individuelle d’un code linguistique donné préalablement.

C’est ainsi que l’action verbale est une « action sociale » dans la mesure où elle est adressée à un « autre » en vue d’obtenir un but précis.

2.1.1 L’action vocale en classe de langue comme une action sociale

Notre étude théorique des représentations et des attitudes dans la trajectoire des enseignants (première partie de la présente recherche) a montré que l’action est effectuée suite à des représentations et à des attitudes particulières vis-à-vis de l’action à accomplir et la situation où elle sera accomplie.

Si le comportement prosodique de l’enseignant reflète son attitude (comme nous l’avons montré dans la deuxième partie), et s’il accompagne la parole de l’enseignant en classe - étant un phénomène paraverbal – nous pouvons dire que la voix perçue pourra être comprise comme une intention particulière à chaque énonciation ou à chaque intervention verbale de l’enseignant en classe. P. Bange affirme qu’ « un comportement d’un individu dans une

situation donnée est une action lorsqu’il peut être interprété selon une intention en vue de la réalisation d’un but qui lui donne un sens » (ibid : 207).

Sixième Partie : le comportement vocal en situation: de la réflexion méthodologique à la constitution du corpus

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L’action « sociale » est ainsi un processus qui se subordonne à un but. La réalisation du but est sujette à l’action en retour d’un « co-acteur » et plus particulièrement au sens que chacun attribue à l’action en cours ou achevée.

Dans le cadre de l’enseignement d’une langue étrangère, si nous considérons que l’acteur est « l’enseignant » peut-on parler de co-acteurs qui sont les apprenants?

La question qui se pose à ce stade est la suivante : qui agit par sa voix en classe, l’enseignant ou l’apprenant ? Y a-t-il une réciprocité dans les actions vocales chez l’enseignant et chez les apprenants ?

2.1.2 L’enseignant-acteur et ses intentions de communication

La réalisation de l’action souhaitée est conditionnée par la compréhension du message linguistique et de l’intention de communication de l’enseignant-acteur. Cette dernière est révélée surtout par la manière de parler de ce dernier, par le comment prononcer les mots, bref par son comportement vocal.

C’est à ce stade là que nous pourrons dire que le comportement vocal devient une action vocale quand il est projeté en vue d’une action en retour.

Cela n’empêche pas qu’il se passe parfois que l’enseignant émet une intonation ou fait une « pause » non projetées vers un but précis et / ou non voulu par lui, et que l’apprenant la comprenne comme indice (soit une appréciation, soit au contraire une attitude négative, soit encore comme une consigne). Des marqueurs d’hésitation comme « ehhh » peuvent être interprétés par l’apprenant comme une attitude négative chez son enseignant (il n’apprécie pas sa réponse) alors ce dernier était

en train de réfléchir à haute voix, ou de chercher ses mots. Là nous pouvons avoir chez l’apprenant une action en retour non souhaitée par l’enseignant.

Cette réflexion sera à revoir plus tard dans l’analyse des transcriptions. L’important à savoir est qu’en classe de langue, la prosodie en classe a un « rôle actionnel » essentiel dans la mesure où elle reflète l’intention de communication de l’enseignant (l’intention interprétée en tant que telle par l’apprenant) et contribue avec le côté verbal à obtenir des actions en retour. P. Bange fait remarquer qu’ « en dehors de son aspect intentionnel (ce qui doit être réalisé), l’action a également un aspect opérationnel (comment cela doit être réalisé) » (ibid. p. 13). Nous considérons que le comportement vocal est une manière par laquelle l’enseignant transmet ses messages (que ce soit sur le plan cognitif ou affectif).

Ce qui caractérise l’aspect vocal c’est qu’il suffit parfois de prononcer une syllabe et l’intonation avec laquelle elle est prononcée dénote soit une question, soit une demande de

continuer un mot. C’est l’intonation qui a permis la compréhension de l’intention de communication différente dans les deux cas.

A ce stade, nous pouvons dire que dans un contexte d’interaction verbale en didactique des langues, et précisément en langue étrangère, l’action effectuée par l’enseignant se situe beaucoup plus au niveau vocal que verbal, et elle est aussi singulière qu’elle change avec chaque intention de communication présente chez l’enseignant. L’enseignant est un « acteur pluriel » dans le contexte de la classe et dans les contextes et situations à l’intérieur de la classe. Les situations plurielles déterminées par les intentions de communications diverses (activités, moments de lecture, moment d’explication, de repos, de parole, susciter la parole, motiver etc.) créent cette pluralité dans les actions chez l’enseignant.

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