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20 Le début de l'hiver

Les orignaux sont plus grégaires après la période du rut. Ils délaissent les milieux humides lorsque la glace se forme et que l'eau devient accessible sous forme de neige (Timmermann et Euler 1988). Le déplacement vers les sites de début d'hiver s'étalerait entre la mi-octobre et la mi-janvier (Thompson et Euler 1987). Les femelles suitées demeurent avec leur(s) faon(s) alors que les autres individus forment des petits groupes de 2-3 orignaux (Courtois et Crête 1988). Il est possible que les milieux fréquentés à cette époque diffèrent peu des habitats d'été.

Toutefois, l'Orignal utilisera préférablement les secteurs offrant les plus grandes concentrations de brout et ce, dans toutes les régions (Brassard et al. 1974, Peek et al. 1976, Crête 1977, Joyal 1987, Thompson et Euler 1987, Timmermann et McNicol 1988, Courtois et al. 1993). Les habitats de début d'hiver doivent contenir un brout abondant, de bonne qualité et entremêlé avec un couvert suffisant. La plupart des auteurs jugent que les meilleurs habitats sont les peuple-ments mélangés mûrs et peu denses (recouvrement < 60 %), les sites ravagés par les insectes, les chablis et les coupes forestières de 5 à 20 ans. Les forêts mélangées et feuillues sont plus fortement utilisées à cette époque de l'année (Courtois et Crête 1988), particulièrement dans les milieux nordiques où ils sont moins abondants (< 10 %; Gingras et al. 1989).

La distance des plans d'eau semble jouer un certain rôle dans la sélection des habitats de début d'hiver puisque c'est souvent à proximité de ces derniers qu'on retrouve des arbustes utilisables, particulièrement en milieu nordique (ex.: Baie-James: Nault et Martineau 1983; Côte-Nord: Guertin et al. 1984). Les ravages contiennent toujours quelques peuplements d'abri mais de superficie beaucoup plus réduite que les peuplements mélangés ou feuillus, qui servent de strate d'ali-mentation. Selon Proulx et Joyal (1981), un ravage typique de l'ouest du Québec serait dominé par les peuplements mélangés (51 %) et décidus (20 %) alors que

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les peuplements résineux et les territoires non forestiers n'occuperaient que 10 % et 11 % respectivement de la superficie du ravage. Les peuplements seraient majoritairement jeunes (35 %) ou matures mais irréguliers (29 %). Dans cette étude, les peuplements d'abri présentaient une densité de recouvrement moyenne (41-80 %), une hauteur intermédiaire (9-21 m) et étaient situés à moins de 45 m d'altitude par rapport aux plans d'eau avoisinants. À la Baie-James, Nault et Martineau (1982) ont recensé 72 % des orignaux dans des peuplements mélangés même si ces derniers ne composaient que 9 % de la superficie inventoriée.

Gingras et al. (1989) ont observé une situation similaire sur la Côte-Nord. En comparant les classes de densité et de hauteur dans les habitats d'hiver identifiés par les chasseurs cris, Lajoie et al. (1993) ont montré que l'Orignal choisissait les peuplements feuillus et mélangés qui étaient de taille moyenne (7-17 m) et de forte densité (recouvrement > 60 %) ou ceux qui étaient hauts (> 17 m) et peu denses (recouvrement 25-40%). Les peuplements de conifères recherchés par l'Orignal étaient hauts (> 17 m), peu importe leur densité, ou de hauteur intermédiaire (12-17 m) et denses (recouvrement > 60 %). Les premiers types dé peuplements sont les plus susceptibles de fournir une nourriture abondante alors que les conifères sélectionnés peuvent offrir un bon couvert.

Certaines études rapportent une préférence pour les expositions sud (Timmermann et McNicol 1988, Dryade 1989) mais dans la très grande majorité des cas, cette variable influence peu l'Orignal (Proulx 1983). Les sites inclinés (15 à 50 % de pente selon les études) sont préférés aux terrains plats, alors que les pentes abruptes sont délaissées (Proulx 1983). Il n'est pas démontré que les orignaux fréquentent lés mêmes ravages d'une année à l'autre. Ils ne demeurent pas non plus à l'intérieur du même peuplement durant tout l'hiver (Joyal et Bourque 1986), préférant se déplacer d'un site propice à l'autre tant que la couche nivale ne dépasse pas 90 cm d'épaisseur et que la croûte n'est pas trop épaisse.

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Dryade (1989) a étudié la composition forestière de 300 ravages d'orignaux du Québec méridional. Les analyses (tableau 2) montrent que la composition des ravages change selon la zone bioclimatique. Dans une région donnée, les peuplements prédominants sont généralement sous-représentés dans les ravages.

Cependant, dans toutes les zones, sauf la pessière à sapin, ce sont les peuplements feuillus et mélangés qui couvrent la majeure partie des ravages. Les peuplements sont majoritairement de densité A, B et C (recouvrement > 40 %) et de hauteur 1, 2 et 3 (> 12 m). Environ le tiers des ravages est situé à moins de 100 m d'un point d'eau. Les expositions sud, sud-ouest sont légèrement sur-représentées dans les zones bioclimatiques feuillue et mélangée. Les pentes sont toujours inférieures à 50 % et celles de 30 à 50 % sont sur-représentées sauf dans la pessière à épinette noire. Les ravages sont généralement petits (entre 10 et 75 ha).

De leur côté, Germain et al. (1990) ont étudié la distribution des ravages d'orignaux en fonction des coupes forestières dans les mêmes régions bioclimati-ques que Dryade (1989). Leur travail confirme les travaux antérieurs. Les parcelles fréquentées par l'Orignal comportent une plus forte proportion de peuplements ouverts (peuplements non régénérés, en régénération), de feuillus, de mélangés et moins de résineux que les parcelles non fréquentées par l'Orignal. À l'intérieur d'une parcelle, les sites utilisés contiennent plus de feuillus, moins de pessières et sont localisés un peu plus près des plans d'eau que les sites témoins.

Dans les assiettes de coupe, les îlots fréquentés par l'Orignal différent très peu des îlots non fréquentés.

Dans les peuplements mélangés et feuillus, l'impact de la coupe forestière semble fonction de l'intensité du prélèvement (Crête 1977). Les coupes à diamètre limite réalisées dans les peuplements contenant des feuillus tolérants à l'ombre (ex.:

Érable à sucre fAcer saccharuml. Bouleau jaune FBetula alleghaniensisl). sont normalement favorables à l'Orignal, les ouvertures créées par l'exploitation

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forestière (prélèvement de 40% de la surface terrière des feuillus et de 75% de celle des conifères) stimulant la croissance de la strate d'alimentation. La coupe est plus intensive (prélèvement de la surface terrière des feuillus et résineux £ 75%) dans les peuplements contenant des feuillus intolérants (ex.: Bouleau blanc, Peuplier faux-tremble). L'impact y serait plus variable et dépendrait du temps nécessaire pour régénérer les essences comestibles et rétablir le couvert.

Dans les peuplements résineux où des coupes forestières ont été faites (Thompson et Euler 1987), l'Orignal choisirait piéférablement les jeunes peuplements en début d'hiver pour se diriger vers les coupes plus anciennes par la suite. Les aires de coupes les plus utilisées seraient celles où moins de 40 % de la matière ligneuse aurait été prélevée. Les femelles suitées s'éloigneraient rarement au-delà de 60 m du couvert forestier alors que les autres orignaux brouteraient généralement en deçà de 80 m de celui-ci. Les orignaux se déplaceraient en utilisant préférablement les bandes résiduelles de forêt. Les meilleurs sites seraient les coupes d'une quinzaine d'années contenant de nombreux îlots mélangés (surface terrière des résineux = 9,5 m2/ha) rémanents distants d'au plus 500 m du couvert résiduel.

L'Orignal fréquenterait peu les grandes coupes totales de la pessière à Épinette noire, au nord du 48iÈme parallèle. Les inventaires montrent des densités inférieures dans les coupes et une concentration des orignaux dans les îlots (3-5 ha) de forêt résiduelle (Girard et Joyal 1984). Les faibles densités pourraient s'expliquer davantage par une vulnérabilité accrue à la chasse et à la prédation (Girard et Joyal 1984, Eason 1989) (diminution du couvert de fuite) que par une diminution des autres paramètres (nourriture, couvert de protection) définissant la capacité de support de l'habitat. Des coupes totales réalisées en quelques années sur plus de 50 % du domaine vital d'un orignal conduirait à une structure de la forêt défavorable à cette espèce (Alexander et al. 1992). Eason (1982) a observé une baisse de densité d'environ 75 % dans des coupes totales effectuées en Ontario.

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Tableau 2. Caractéristiques des ravages d'orignaux dans quatre zones bioclimati-ques du Québec méridional. Les limites géographibioclimati-ques des zones sont présentées à la figure 2. Lorsque disponibles, les nombres entre parenthèses indiquent les valeurs observées dans les parcelles témoins alors que les caractères gras indiquent les différences significatives à P < 0,05 (d'après Dryade 1989).

PEUPLEMENTS

Pessières jeunes et mûres Sapinières jeunes et mûres Autres résineux jeunes et mûrs Mélangés jeunes et mûrs Feuillus jeunes et mûrs Résineux régénérés Mélangés régénérés Feuillus régénérés

Peuplements en voie de régénération Territoires forestiers improductifs Territoires non-forestiers Eau

DENSITÉ (% de recouvrement) A (2 80)

(suite à la page suivante)

25 Tableau 2 (suite)

ÉLOIGNEMENT D'UN COURS D'EAU (m) [Khi cane]

0-100 101-999 1 000 et plus PENTE (%) [Khi cairé]

0 à 3

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